Bulletin de psychiatrie
(parution semestrielle ou annuelle)
Bulletin N°28
Edition de mai 2020
   Mise à jour du 11 mai 2020 6ème version


Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Paris

E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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Frimousse

"Frimousse"

   


FORMAT RÉSUMÉ

Télépsychiatrie de la folie du confinement
Atonie ou acédie

   Méthodologies du télétraitement psychiatrique à l'usage des collègues généralistes.
    Les niveaux de satisfaction de la télépsychiatrie apparaissent comparables à 75% aux consultations face à face. Huit chapitres intéresseront le Médecin Généraliste.
    1°-Les troubles psychiques pendant l'épidémie du corona-19.
    2°-La folie du confinement ou acédie, terme ancien qui me paraît tout à fait adapté.
    3°-Méthode d'évaluation préalable. Ce sont 13 questions de ma composition (tableau ci-dessous). Cette échelle est dispensée d'étalonnage. Elle donne au clinicien une bonne idée de la structure des troubles psychiques. On peut prélever. Je ne réclame pas le copyright mais seulement une reconnaissance symbolique.
    4°-Le télétraitement: prescription: les psychotropes et les NAP
    5°-Méthode brève de traitement psychothérapique en 3 à 10 séances de psychothérapie
    6°-Le processus de réparation: apport d'un mythe bienfaisant.
    7°-Pharmacologie: usage d'une trousse pertinente.
    8°-Ne pas trop perdre du temps en "scientisme".
    9°-La prévention du suicide. Le premier mouvement consiste à interpréter: on dit au patient: "Un suicide est beaucoup plus qu'un appel au secours. J'interprèterai votre geste suicidaire comme une agression vengeresse contre ma fonction de thérapeute".
Je dirais a priori que ce protocole bref se fait en 4 à 10 téléconsultations.
LA PSYCHOPATHOLOGIE
RÉSURGENCES
Les hypocondries. Le réveil des phobies, des angoisses, des obsessionnels.
Le stress post-traumatique (ESPT) se présente avec ses traits classiques comme des souvenirs angoissants et envahissants, des flashbacks, des reviviscences de souvenirs, des cauchemars et des réactions de peur, des changements d'humeur et de l'hyperesthésie des contacts.
Les phobiques, les agoraphobiques par exemple. Les troubles obsessionnels compulsifs
Les symptômes dépressifs additionnant le sentiment de désespoir, une modification de l'appétit et l'insomnie (l'acédie des anciens)
La réactivation des troubles psychiatriques antérieurs: le réveil des paranoïas délirantes, des états schizophréniques jusque-là stabilisés présentent des modes de décompensation plus complexes. En général il s'agit d'une exacerbation des délires et d'une excitation psychomotrice. Les réactions des psychoses paranoïaques se caractérisent par des interprétations complotistes qui sont susceptibles de déclencher des passages à l'acte dangereux. À distinguer absolument des discours conspirationnistes contemporains qui traduisent plus volontiers la haine que la souffrance. La forme et l'intensité du discours guide le clinicien.
Les troubles psychiatriques sont globalement comparables aux conséquences classiques des catastrophes: le stress psychotraumatique, la dépression, l'anxiété, l'usage de drogues et le passage à l'acte dangereux.
Les réactions au cours des états démentiels tardifs sont peu évaluables.
Les soignants eux aussi sont confrontés au stress quotidien: la peur serait sensiblement augmentée par les tendances dépressives. La prévention du geste suicidaire est capitale.

MÉTHODOLOGIES DU TÉLÉTRAITEMENT PSYCHIATRIQUE
J'ai donné une préférence à WhatsApp et à Messenger. Les niveaux de satisfactions sont comparables aux consultations face à face.
Télépsychiatrie de la "folie du confinement" (atonie ou acédie propre au confinement)
1° Méthode brève d'évaluation
2° Méthode brève de traitement psychothérapique
3° Complément pharmacologique. Disposer d'une trousse pertinente.
1° ÉCHELLE D'ÉVALUATION PRÉALABLE
Il s'agit de 13 questions de ma composition. Cette échelle n'est pas étalonnée (voir ci-dessous). Les réponses donnent au clinicien une bonne idée de la structure des troubles psychiques
2° PSYCHOTHÉRAPIE BRÈVE EN TÉLÉCONSULTATION
Psychothérapie très brève en 6 séances. Description: méthodologie interprétative d'inspiration en grande partie psychanalytique sur un mode intrusif.
1ére téléconsultation. Écouter le flux des plaintes déployées dans la 1ère séance. Séance d'écoute sans intervention. On retient la nature du trouble ou de la plainte
2ème téléconsultation. Détection d'un événement déclencheur du symptôme. Ces jours-ci le patient invoque le plus souvent l'épidémie
3ème téléconsultation. Séance d'élaboration des fantasmes c'est-à-dire que le patient exprime ses peurs et ses fantasmes (par exemple j'ai peur d'être empoisonné par le virus de la respiration du voisin d'au-dessus ou bien j'ai peur que sous le masque s'insinuent des insectes nuisibles ou bien je retrouve mes cauchemars d'antan)
4ème téléconsultation. Séance d'évocation éventuelle de pulsions suicidaires qui n'imposent pas toujours l'hospitalisation (qui d'ailleurs serait actuellement temporisée ou refusée)
5ème téléconsultation. Interpréter. Délivrer une interprétation du revécu des agressions que le patient a pu vivre en victime innocente. Compléments des interprétations? Dire au patient: "Vous pourrez poursuivre votre traitement dès que possible, après le confinement, avec un psychiatre ou même un psychothérapeute"
6ème téléconsultation. Renforcer le Moi en intellectualisant c'est-à-dire en suggérant un mythe bienfaisant de l'idée de la lutte future contre la cruelle nature de façon à contrecarrer la posture de victime. La peur intense de la maladie épidémique fonctionne comme un paravent. On demandera: de quoi la pandémie est-elle le signe? Comment donner un sens à l'épreuve traversée.
Problèmes particuliers
a) Dire au phobique qu'il trouve trop de jouissance de son isolement!
b) Procrastiner. S'autoriser à reprendre les problèmes à la prochaine téléconsultation en invoquant l'insuffisance provisoire du matériel psychique
3° PRESCRIPTIONS
Prescription de psychotropes en fonction de la gravite
Les neuroleptiques classiques ont été remplacés par les neuroleptiques atypiques. Les plus connus sont la Clozapine (Leponex), la rispéridone (Risperdal), l'olanzapine (Zyprexa) et l'aripiprazole. Les effets indésirables des classiques et des atypiques sont très bien repérés: l'allongement de l'espace QT, les troubles du rythme, le risque convulsif et hématologique. L'exceptionnel syndrome malin des neuroleptiques. L'hypotension orthostatique: prévenir le patient. L'agranulocytose. Les dyskinésies et les dystonies tardives ont diminué. Moins fréquents: le torticolis spasmodique. L'akathisie est gênante. La prise de poids et la glycémie sont un effet indésirable de l'olanzapine.
Dans la prévention des Psychoses Maniaco-Dépressives, le lithium ou Théralithe, le Valpromide 300 mg ou Depamide et l'antiépileptique bien connu, la carbamazépine ou Tégrétol. Maniement complexe en télétraitement.
Argument de fréquence. Les collègues prescrivent souvent la rispéridone (Risperdal 1 à 4 mg par jour), l'amisulpride (Solian 100 à 400 mg par jour) et l'olanzapine (Zyprexa 2,5 à 5 mg par jour). On prescrit de plus en plus l'aripiprazole ou Abilify, 10 mg, 15 ou 7.5 cp orodispers.
Les classiques sont encore prescrits (je ne conseille pas trop): Chlorpromazine: Largactil 25 mg/5 ml en solution injectable en ampoule et Largactil 4% en solution buvable; Cyamémazine: Tercian 40 mg/ml en solution buvable et TERCIAN 50 mg/5 ml en solution injectable en ampoule; Halopéridol: Haldol 2 mg/ml et 5 mg/ml; Lévomépromazine: Nozinan 25 mg/ml en solution injectable IM et Nozinan 4% en solution buvable. Loxapine: Loxapac 25 mg/ml en solution buvable et loxapac 50 mg/2 ml en solution injectable en ampoule
Autres préférences de quelques collègues
Tiapridal 100mg: 1cp ou IM, Loxapac 50mg 2 à 4 amp per os ou IM ou aussi Loxapac 3 amp. IM + Tranxène 50 1 amp IM dans 2 seringuées
La méthode Cochrane est intéressante mais un peu désuète. Dropéridol pour l'agressivité ou l'agitation liée à une psychose. Halopéridol plus prométhazine pour traiter l'agressivité due à une psychose. Halopéridol pour l'agressivité chronique lors de psychoses (un peu désuet). Lévomépromazine (Nozinan) pour traiter la schizophrénie (discutable). Efficacité de l'ajout de sulpiride (Dogmatil) pour traiter la schizophrénie (discutable)
IMPORTANCE DES NAP
J'y insiste. Pourquoi ? La pandémie accentue la vulnérabilité des psychotiques. Ils sont marginalisés, négligés et livrés à eux-mêmes. Les NAP habituellement prescrits à l'hôpital: la délivrance en pharmacie est à examiner. Les Neuroleptiques à Action Prolongée succèdent dans le temps aux neuroleptiques simples.
Gen; Spec; Pic Sérique; Demi-Vie; Intervalles
Flupenxitol décanoate; FLUANXOL; 11-17 jours; 2-3 semaines
Zuclopenthixol décanoate; CLOPIXOL AP; 1 semaine; 19 jours; 2-4 semaines
Pipotiazine palmitate; PIPORTIL L4; 5-11 jours; 4 semaines
Halopéridol décanoate; HALDOL DECANOAS; 1-2 jours; 3 semaines; 3-4 semaines
Rispéridone; RISPERDAL CONSTA; 4-6 semaines; 2 semaines
L'injection tous les mois doit être faite par le médecin ou l'infirmière. Surveiller les dates d'injection et absence de prescription d'un autre psychotrope. La surveillance la plus utile concerne le syndrome malin des neuroleptiques (fièvre et augmentation de la créatine phosphokinase CPK). Je n'aime pas les intervalles courts comme le Clopixol action semi-prolongée, 50 mg/ml, solution injectable I.M. valables 2 à 3 jours!


FORMAT DEVELOPPE

TÉLÉPSYCHIATRIE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE

FOLIE DU CONFINEMENT

La dimension tragique de l'histoire a été occultée depuis la fin de la guerre

INTRODUCTION

    Le confinement est une claustration comparable à un emprisonnement assoupli. Cette situation prolongée déclenche, réactive ou aggrave des troubles psychiques. Nous connaissons peu de situations comparables. Seule la maladie obligeait au confinement dans la chambre. Seuls les enfants turbulents étaient sanctionnés en les confinant dans la chambre. Seuls les officiers aux "arrêts de rigueur" jadis au temps du service national étaient maintenus dans leur chambre. Toutefois aux temps anciens la Septante disait "Mon âme s'est endormie à cause de l'acédie". Et puis au IVe siècle des Pères de l'Eglise au Désert épuisés par la foi dans un isolement douloureux succombaient à l'acédie.
   

TROUBLES PSYCHIQUES PENDANT L'ÉPIDÉMIE DU COVID-19

Chacun sait tout d'abord que les patients ayant des troubles psychiatriques ont des comorbidités, 1,5 fois plus souvent que les autres patients. Les pathologies associées sont les troubles cardio-vasculaires, le diabète et l'hypertension.

PSYCHOTRAUMATOLOGIE DES CLASSIQUES

    Henri Ey, qui fut notre maître à tous, a décrit ainsi le champ des "réactions névrotiques aiguës ou psychonévroses émotionnelles". Tour à tour désignées comme des psychoses aiguës, des névroses d'angoisse aiguës, des réactions émotionnelles pathologiques, la névrose traumatique et enfin "Shreckneurosen". Le type clinique le plus classique est en effet celui de la névrose de guerre ou névrose panique des combats. En fait il s'agissait d'une classique urgence psychiatrique. La séméiologie était composée d'une crise d'angoisse aiguë, de crises confuso-anxieuses, comme par exemple une crise stuporeuse avec paralysie, de crises hystéro-anxieuses et de crise d'angoisse psychosomatique, comme par exemple l'apparition d'un équivalent de l'angor pectoris.
    La "névrose traumatique" apparaît dans les textes à l'occasion des premiers grands accidents du début de l'ère industrielle. Les contours d'une psychiatrie de catastrophe nous sont en réalité suggérés rétrospectivement par les deux guerres mondiales et en particulier par la deuxième guerre mondiale.
    La théorie du désastre est une photographie en négatif! Elle est en sommes fabriquée à partir d'une vision en creux. Nous nous désespérons de n'avoir rien su faire des victimes survivantes de la deuxième guerre mondiale qui se sont lamentablement dispersées dans tout l'espace européen. Les séquelles des effroyables traumatismes collectifs se sont étalées sous nos yeux pendant 60 ans sans que les récits et les structures de réparation n'aient été à la hauteur du désastre. Puissions-nous ne pas répéter les mêmes erreurs!
    Le sens général de cette évolution nous indique ceci: les grands traumatismes au cours de l'histoire accèdent progressivement à la dignité du récit. Cette évolution est éclairée par les textes de Ricoeur pour qui la narration fait exister.

BLESSURES PSYCHIQUES OU PSYCHOTRAUMATISMES

    Le confinement est donc une forme de claustration, d'emprisonnement social. Cette situation prolongée déclenche, réactive ou aggrave des troubles psychiques
    Nous allons faire la distinction entre les blessés psychiques et les psychotraumatismes
    1) Les psychotraumatismes ont bénéficié d'innombrables études. Plusieurs techniques de soins ont été mises en place depuis les Vet-Centers aux Etats-Unis.
    2) Les blessures psychiques sont plus floues. Elles occupent tout l'espace des expertises civiles de la réparation juridique du dommage. Mais ces procédures s'occupent plus volontiers des barèmes alors que nous souhaitons nous occuper des traitements

LE VENT DU BOULET

    Le mécanisme de la "corrosion psychique" du militaire en campagne est un thème cher aux psychiatres militaires. "Comme le meilleur acier exposé à l'air libre, la répétition de la menace corrode l'esprit et peut entraîner la rupture psychique. Les soldats savent repérer cette corrosion psychique. Elle se manifeste par une fatigue exprimée, des bagarres, une augmentation des erreurs dans la manipulation de l'arme voire un décrochage du sens moral." L'augmentation des suicides a été documentée aux Etats-Unis in "Revue Injury and Prevention". Le taux de suicide de soldats avait augmenté de 80% entre 2004 et 2008, la moitié de ceux de 2008 étaient consécutifs à l'engagement en Irak.
    En 2004, in "New England Journal of Medicine" l'observation montre un pourcentage plus élevé de dépression, anxiété généralisée ou syndrome de stress post-traumatique en Irak, 16%, qu'en Afghanistan, 11%.
    Dans "Perspectives psy" le Pr Patrick Clervoy (HIA Sainte-Anne, Toulon), Pr Franck de Montleau & Dr Andruetan attirait l'attention sur l'importance d'un suivi à long terme des soldats qui ont été engagés dans des opérations éprouvantes, en particulier s'ils sont retournés à la vie civile. "Passée la fureur des combats, l'éclat des victoires ou la honte des défaites, l'oubli bien vite s'empare de nos sociétés contemporaines promptes à jeter le voile sur les souffrances de ces hommes confrontés à l'horrible, certes par choix personnel, mais aussi à la suite d'une décision de l'exécutif", soulignent les auteurs.

FOLIE DU CONFINEMENT: ASPECTS PARTICULIERS

LES AFFECTS

    Les plaintes les plus fréquentes sont l'inquiétude, la peur, les affects dépressifs et l'anxiété. Les patients et les proches ressentent une vive rancœur quand la mise en quarantaine résulte d'un contact avec un proche. Les mêmes sentiments naissent à l'occasion d'une surveillance clinique attentive. L'anxiété répond à l'obligation de s'éloigner du milieu professionnel, de la perte de revenu et surtout de la mise en cause de la sécurité de l'emploi. Le malaise est aussi suscité par la raréfaction des produits recherchés comme les denrées alimentaires et les produits de soins. Le souci de se sentir incapable de prendre soin des proches est douloureux. L'incertitude ou la frustration quant au temps qui s'écoule sans limites définies est sans doute le plus cruel. Le ressentiment contre les fauteurs de contagion. L'agacement et le dépit de ne rien faire durant la journée. Quelques personnes boivent ou se droguent pour faire face à l'événement.

LA PSYCHOPATHOLOGIE

    Certaines pathologies sont-elles plus sensibles à ces phénomènes? Qu'observe-t-on? Le festival des hypocondries. Le réveil des phobies, des angoisses, des obsessionnels. La réactivation des troubles psychiatriques antérieurs: le réveil des paranoïas délirantes, des états schizophréniques jusque-là stabilisés
    Le stress post-traumatique (ESPT) se présente avec ses traits classiques comme des souvenirs angoissants et envahissants, des flashbacks, des reviviscences de souvenirs, des cauchemars et des réactions de peur, des changements d'humeur et de l'hyperesthésie des contacts.
    Les phobiques, les agoraphobiques par exemple et tous ceux qui souffrent du contact social, seront heureux de bénéficier des téléconsultations psychiatriques. Le net donne aux phobiques de regrettables satisfactions contre-thérapeutiques!
    Ce sont aussi les troubles obsessionnels compulsifs comme le nettoyage, le lavage, les vérifications et la ritualisation des comportements.
    Mais la clinique s'oriente surtout vers des symptômes dépressifs additionnant le sentiment de désespoir, une modification de l'appétit et l'insomnie. Concentrons-nous sur la forme des dépressions et des états anxieux.- On n'évoquera pas tant l'état dépressif que l'acédie. Qu'est-ce que l'acédie. Quoique très pertinent c'est un terme ancien et désuet. Les théologiens ont beaucoup étudié cet état. L'acédie va toucher deux dimensions essentielles de notre condition incarnée: la dimension spatiale et la dimension temporelle. Pour ce qui est de la dimension spatiale, l'acédie provoque chez le moine le sentiment d'étouffer dans sa petite cellule et l'envie de partir ailleurs; pour ce qui est de la dimension temporelle, elle donne au moine le sentiment que la journée ne finira jamais et qu'il doit partir faire autre chose. Thomas d'Aquin identifiait sept péchés capitaux: l'acédie ou "paresse spirituelle", l'orgueil, la gourmandise, la luxure, l'avarice, la colère et l'envie. L'acédie était donc une forme particulière de dépression monacale ou claustrale qui a pu quelques fois conduire au suicide. Mais nous savons qu'à l'âge classique le suicide est examiné seulement sous l'angle du péché. L'acédie selon moi était beaucoup plus qu'une simple paresse. Ce trouble de la personnalité, concept théologique à l'origine, me paraît être l'ancêtre du concept de dépression.
    Le confinement réveille les phobies, les angoisses, les rituels obsessionnels et surtout le festival des hypocondries. D'autre part il réactive des troubles psychiatriques antérieurs: il excite les paranoïas délirantes et il décompense des états schizophréniques jusque-là stabilisés
    Les psychotiques, les psychoses schizophréniques en particulier, présentent des modes de décompensation plus complexes. En général il s'agit d'une exacerbation des délires et d'une excitation psychomotrice.
    Certains patients ont un destin complexe. Les psychotiques au long cours entre l'hôpital et le domicile pendant les épidémies sont volontiers abandonnés à leur sort. Or ils ont besoin de repères. Notons en outre que les troubles autistiques, les déficiences intellectuelles et en réalité un grand nombre de troubles psychiques de structure psychotiques requièrent de retrouver des lieux et des repères rassurants.
    D'une façon générale les "recrudescences délirantes" autour du Covid-19 peuvent "meubler" une décompensation. Les réactions des psychoses paranoïaques se caractérisent par des interprétations complotistes qui sont susceptibles de déclencher des passages à l'acte dangereux. Il faut bien entendu les distinguer des discours conspirationnistes contemporains qui traduisent plus volontiers la haine que la souffrance. C'est la forme et l'intensité du discours qui guidera le clinicien.
    Le personnel soignant lui-même est confronté à une vague pathologique hors norme. Il subit un stress quotidien. Et dans ce cas la peur serait sensiblement augmentée par les tendances dépressives. La prévention du geste suicidaire est capitale.
    Les troubles psychiatriques sont globalement comparables aux conséquences classiques des catastrophes: le stress psychotraumatique, la dépression, l'anxiété, l'usage de drogues, le passage à l'acte dangereux pour eux-mêmes ou d'autres personnes.
    Les réactions au cours des états démentiels tardifs sont exclues de cette étude.

DES CAS CLINIQUES

    Des décompensations.- Un collègue m'a dit: "Je trouve que ça craque déjà pas mal et que ça se soigne beaucoup à l'alcool. J'ai vu des décompensations franches chez 2 personnes de plus de 80 ans sur un mode psychose hallucinatoire chronique avec des phénomènes hallucinatoires certains. Les demandes de prescription de neuroleptiques augmentent dans les EHPAD". C'est en effet un phénomène caractéristique.
    Un patient de 40 ans, schizophrène, demeurant confiné seul chez lui téléphone à ses amis en disant qu'il est menacé et qu'il faut téléphoner au Président de la République pour le mettre au courant. Il ne dort plus, il est angoissé et il fait du tapage dans tout l'immeuble. La police et les pompiers sont sollicités. Ils arrivent 3 heures plus tard! Le problème est donc double. On assiste non seulement à l'efflorescence d'un délire persécutif mais encore à une sorte d'abstention d'aide et de soins. Pourquoi? Parce que les services d'urgences sont accaparés en priorité par les urgences du Covid-19.
    Un patient de 60 ans, coach conseil dans une entreprise, d'habitude extrêmement dynamique va s'isoler dans sa maison de campagne et décide d'acheter des armes. Il avance le motif que l'épidémie va déclencher une immense vague de délinquance et qu'il importe de se mettre sur la défensive. Puis il envisage à court terme de se suicider. Le trouble mental ici se confond avec les vraisemblable. Dans les périodes de catastrophes collectives la délinquance trouve en effet des formes adaptées. Mais le degré d'interprétation du phénomène est la clef du diagnostic.
    Une collègue généraliste nous a décrit un état dépressif réactionnel. Voici nos échanges: "J'ai vu ce matin un homme 50 ans avec une forme de dépression aiguë (désolée mais je ne vois pas d'autre mot, je n'ai jamais vu ça) en pleurs, asthénie, perte d'élan vital, mésestime de soi, dégoût de la vie ("j'suis qu'une merde") voire idées suicidaires mais interrogé sur passage à l'acte, non. Contexte Covid le 18 mars, typique avec persistance anosmie agueusie. La fatigue ok mais cette phase down absolue.... Vous avez vu ça avec Covid? Ça ne peut pas être neuro? Sérieux, suis à deux doigts de faire un scan cérébral (le divan et ses tumeurs cérébrales me hantent). Ma réponse: "Oui état dépressif réactionnel évoluant dans le sens d'une mélancolie. Traitement classique. Personnellement je donne toujours un anxiolytique en association avec un antidépresseur sérotoninergique. L'aide psychothérapique? Ici il y a peu d'indication. Mais d'autre part je réfléchis depuis plusieurs jours à une thérapie brève avec quelques télé-séances."

LES OBSERVATION CLINIQUES EN CHINE

    À propos du Covid-19 on lit des recommandations d'experts pour réduire les effets psychologiques négatifs liés au confinement. Les premiers travaux sur l'impact psychosocial du Covid-19 en Chine révèlent que l'épidémie n'a pas seulement marqué les corps, mais aussi les esprits, notamment en raison des mesures de confinement. Le 6 mars, les résultats d'une enquête nationale portant sur le degré de détresse psychologique de la population chinoise à la faveur de l'épidémie de Covid-19 a été publiée dans la revue spécialisée General Psychiatry.
    Cela étant dit on émet souvent quelques doutes sur la fiabilité des articles scientifiques chinois. Je rappelle que nous avons autrefois longtemps vécu sous l'empire d'une prétendue qualité des articles médicaux soviétiques alors qu'en réalité tous les traducteurs en avaient constaté la faiblesse.
    Article chinois N°1.- L'enquête chinoise sur le degré de détresse psychologique, conduite auprès de la population générale dans 36 provinces, régions autonomes ou municipalités, a permis de collecter 52 730 réponses. Celles-ci ont été obtenues grâce à un auto-questionnaire à remplir en ligne, explorant avec des outils validés la fréquence de l'anxiété, de la dépression, des comportements d'évitement et des symptômes physiques au cours de la dernière semaine. Les auteurs montrent pour 35% des répondants (35,27% d'hommes et 64,73% de femmes) le résultat obtenu révèle un stress psychologique modéré, et pour 5,14%, un stress sévère. L'analyse indique aussi que les femmes présentent un plus haut degré de détresse psychologique que les hommes. On apprend en outre que cette détresse touche davantage les individus âgés de 18 à 30 ans ou ceux de plus de 60 ans. Enfin, les travailleurs migrants constituent le groupe le plus exposé, alors que le score de détresse psychologique est, sans grande surprise, le plus élevé dans les épicentres de l'épidémie.
    Article chinois N°2.- Dans General Psychiatry, vol33, Un bilan de la détresse psychique parmi les Chinois affectés par le Covid-19. La quarantaine c'est-à-dire le confinement a concerné des populations entières. Elle a suscité des troubles psychiatriques variés comme la crise de panique, l'anxiété et la dépression (A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the COVID-19 epidemic: implications and policy recommendations de Jianyin Qiu, Bin Shen, Min Zhao, Zhen Wang, Bin Xie and Yifeng Xu in Abstract 6 The Coronavirus Disease 2019 COVID-19 epidemic emerged in Wuhan, China, spread nationwide and then onto half a dozen other countries between December 2019 and early 2020. The implementation of unprecedented strict quarantine measures in China has kept a large number of people in isolation and affected many aspects of people's lives. It has also triggered a wide variety of psychological problems, such as panic disorder, anxiety and depression. This study is the first nationwide large-scale survey of psychological distress in the general population of China during the COVID-19 epidemic).

LES OBSERVATION EN OCCIDENT

    Dans le Lancet.- Huit jours plus tard, le prestigieux journal médical The Lancet publiait à son tour une revue de littérature sur l'impact psychologique de la quarantaine et les moyens de l'atténuer.
    À l'Hôpital Sainte Anne à Paris.- Une psychiatre des urgences à Sainte-Anne nous dit: "Je vois des patients pour des intoxications médicamenteuses volontaires. Des patients qui prennent plus d'anxiolytiques ou de somnifères pour mieux supporter le confinement. Beaucoup ont des troubles du sommeil. J'ai vu aussi pas mal de patients alcoolisés ou des personnes âgées isolées qui parlent de suicide à leurs voisins. On sent que l'isolement, le manque d'interactions commencent vraiment à se faire sentir: des personnes sont psychologiquement parfaitement fragiles. On observe dans la rue, un accroissement du nombre de patients psychotiques qui déambulent. Comme les centres médico-psychologiques sont fermés ils n'ont pas les contacts et les soins habituels et donc ils commencent à se dégrader sur le plan psychique, ils parlent tout seuls, ils soliloquent. Aux urgences proprement dites il y a de plus en plus de décompensations délirantes sur des thématiques de persécutions, de surveillance et de contamination. On prévoit aussi la prise en charge des patients qui vont sortir de réanimation avec un syndrome de stress post-traumatique."
    Les observations de Ville-Evrard, qui couvre la Seine-Saint-Denis décrivent des urgences psychiatriques sur le mode très classique de la "bouffée délirante aiguë", dans l'ancienne nosologie, devenue psychose délirante aiguë ou expérience délirante aiguë de la schizophrénie dans le DSM. La nouveauté en cette période de confinement c'est l'âge des patients. Ils sont plutôt jeunes, 34 ans, et ils n'ont pas d'antécédents. Cela étant dit la bouffée délirante dans la tradition psychiatrique française, dans la plupart des cas, n'a rien à voir avec l'acuité schizophrénique. Le traitement ne pose pas de problèmes, la guérison est observée dans le mois, mais une récidive est toujours possible dans les années qui suivent.

LES EFFETS SUR LES ENFANTS

    C'est le confinement de la famille beaucoup plus que l'épidémie elle-même qui affecte l'équilibre psychique des enfants de 3 à 12 ans. Voici un exemple d'échanges dans un milieu très informé de médecins et de pharmaciens: "Le fils d'une de mes amies, 5 ou 6 ans, s'est remis à faire pipi au lit depuis une quinzaine de jours, ce qui n'était plus le cas depuis l'âge de 3 ans. La maman signale 3 à 4 épisodes par semaine, avec un sommeil plutôt agité la nuit qu'elle met sur le compte de la situation du corona que l'on vit actuellement. Aucun souci mictionnel pendant la journée, pas de fuite pendant la sieste. Il est fils unique, n'a pas d'antécédent particulier et est en pleine forme! Épuisée de devoir se lever la nuit pour changer les draps, et face à la multiplication des lessives, la maman s'est résolue à lui remettre des couches...ce qui ne réjouit pas l'enfant! En dehors des conseils habituels de réduction des boissons après 18h et pipi systématique avant le coucher, avez-vous d'autres idées ou suggestions pour ce problème d'énurésie?" Ma réponse: "Les réflexes classiques des consultations hospitalières consistent à rechercher des causes comme le diabète ou l'épilepsie nocturne etc. Mais la dimension psychique du symptôme est patente. Il n'y aura pas de pédopsychiatres disponibles en ces temps troublés. Je suggère dans ces cas une forme de psychothérapie à domicile, intrafamiliale, avec une verbalisation, des dessins et des jeux interprétés, pour décrypter ce qui dans le confinement de la famille fait revivre chez le petit une peur particulière concernant ses propres parents. Les enfants subissent les contrecoups de la panique collective. Je conseillerais dans un premier temps que les parents assument leurs responsabilités. Ils diront à l'enfant comment leur propre angoisse de la situation peut se "contenir" dans le genre: "Papa et maman ont un peu peur des maladies mais ils attendent que ça s'arrange etc." Mais bien entendu il est préférable qu'un Médecin Généraliste neutre propose cette intervention en téléconsultation"
   

LE PSYCHIATRE ET LES PANIQUES COLLECTIVES

    Je ne crois pas aux pathologies collectives. Mais les paniques collectives existent pourtant bel et bien! Aider les médecins à adopter les bonnes postures vis à vis des troubles psychiques individuels n'est sans doute pas suffisant. En téléconsultation le médecin fait parfois face à l'ensemble de la famille angoissée. On peut imaginer des formes de thérapie collective. J'avais abordé ce problème en 2005 dans un article sur les désastres: http://www.bulletindepsychiatrie.com/desastre.htm     Il n'existe pas de catastrophe collective sans un embrasement psychiatrique concomitant ou collatéral. Dans mon étude de 2005 je constatais la rareté des spécialistes de la psychiatrie de catastrophe. Les psychiatres par tradition sont mal à l'aise sur le théâtre des crises et des urgences collectives. La meilleure assistance psychiatrique urgente résulte généralement de l'action concertée d'une équipe. Ce sont le plus souvent les Sapeurs-Pompiers. Un personnage surprenant, le Pr Louis Crocq, met en place les célèbres Cellules d'Urgence Médico-Psychologiques. Le Dr Crocq, issu de la psychiatrie militaire, qui n'est pas le parcours classique des élites psychiatriques, a démontré ses talents remarquables dans le civil. Nous avions certainement en France accumulé un retard considérable et même tragique au regard des enjeux. Il nous suffit d'évoquer à titre de comparaison les stratégies préventives aux Etats-Unis comme les Family Disaster Plan. Une tragédie comme celle des Twin Towers eût provoqué à Paris un double désastre en raison du manque de préparation! Outre l'hécatombe nous eussions été confrontés à une panique collective et à des désordres psychiatriques graves et massifs pour lesquels nous ne sommes absolument pas préparés. Les souffrances de Paris eussent été, sans doute aucun, dix fois plus importantes que celles de New-York. Le problème se pose désormais devant l'épidémie du Covid-19!
   

RÉPONSE AUX PANIQUES COLLECTIVES

LOIS INSTITUANT LES CUMP.

    Des collègues se sont spécialisés en PTSD pour assurer des consultations spécialisées en psycho-traumatologie. La méthode thérapeutique des psycho-traumatologues français est donc développée dans les articles de Barrois et de Louis Crocq. Comment proposent-ils de guérir ces "blessés de l'âme"? Les auteurs décrivaient les souffrances des anciens d'Algérie. La reconnaissance de leur drame était une indispensable première étape.
    On aperçoit deux stratégies d'assistance.
    Le debriefing ou retour d'expérience est utile mais il n'est pas à proprement parler une technique psychiatrique. On attendrait une action psychiatrique plus substantielle. La promotion de la seule catharsis n'est pas non plus suffisante. La méthode proposée par Crocq est très intéressante. Elle dépasse le debriefing sans être non plus une psychothérapie.
    La nomination des souffrances ainsi que des étapes symboliques d'une réparation m'apparaissent de la plus haute importance. Les auteurs précisent les choses ainsi: "L'obtention d'une forme de reconnaissance n'est pas négligeable par son effet symbolique. L'assistance juridique fait en effet partie du traitement."
   

LE TÉLÉTRAITEMENT
LE TÉLÉTRAITEMENT: LES TECHNIQUES

    Le confinement suspend les consultations auprès des médecins et des spécialistes, médecins généralistes ou psychiatres. Des applications substitutives pertinentes sont connues de tous. Ce sont le téléphone, les mails, les textos et les SMS mais surtout voit-on les visioconférences au moyen de Skype, WhatsApp, Zoom ou FaceTime. Il y a beaucoup d'autres applications professionnelles comme TeamViewer, Clickdoc, Quare et Livi. Le respect de la confidentialité est une chose importante. On déconseille quelques fois pour cette raison Zoom, Facebook, Skype, WhatsApp, Viber, Snapchat ou Twitter au profit d'applications plus précisément médicales comme Doctolib, Pandalab, Consulib, Docavenue ou Maquestionmedicale. Et pourtant les applications grand public sont tout à fait commodes.
    La pertinence et l'acceptabilité du télédiagnostic et du télétraitement ont été évaluées. Deux groupes de traitement sont institués avec une stratification à partir du diagnostic primaire de trouble comportemental après la première entrevue clinique. "Les demandes les plus fréquentes concernent des problèmes d'anxiété, de dépression, de troubles du sommeil ou de surmenage, mais aussi d'arrêt du tabac ou de l'alcool. Les prescriptions sont fréquentes. Mais beaucoup de patients recherchent une écoute et des conseils pratiques pour aider au quotidien. Les niveaux de satisfactions sont comparables aux consultations face à face.

LE TÉLÉTRAITEMENT: QUELS CONSEILS?
TÉLÉTRAITEMENT ET CONSEILS POPULAIRES

    Des psychologues font diverses recommandations pleines de bon sens. Détendre le corps avec des moyens familiers comme "respirer profondément, s'étirer, méditer ou bien pratiquer des activités favorites." Dans le même esprit familier j'ai recommandé à une amie psychologue d'étudier sur internet les grandes ouvertures au jeu d'échec. Aux activités stressantes doivent succéder des tâches plaisantes. On conseille de parler, de dire ce qu'on ressent et ce qu'on fait aux amis proches. Le conseil très classique, trop classique d'entretenir des sentiments positifs, de nourrir l'espoir d'un avenir radieux peut se faire au moyen d'un journal intime.

LE TÉLÉTRAITEMENT ET LA TÉLÉPSYCHIATRIE

    La télépsychiatrie en secteur privé était jusqu'à présent réservée aux expatriés, aux marins et à l'armée en mission. "L'expatrié part avec ses fragilités dans les bagages. Il ne faut pas négliger le risque mental lié à la solitude et à l'éloignement des proches. La télépsychiatrie est aussi possible en prison ou dans des établissements pour personnes âgées.
    Un grand nombre de programmes de télépsychiatrie fonctionnent aux États-Unis depuis 1998, au Canada et en Finlande.
    Je réfléchis à la mise en place d'une forme adaptée de télépsychiatrie à la "folie du confinement" ou "à l'atonie ou encore à l'acédie".
    Pour continuer les prises en charge durant la période de confinement...
    1° Méthode brève d'évaluation
    2° Méthode brève de traitement psychothérapique
    3° Complément pharmacologique éventuel. En mission lointaine il est utile de disposer d'une trousse mobile utile au psychiatre, composée de deux compartiments l'un psychiatrique et l'autre médico-chirurgical. Mais les téléconsultations psychiatriques peuvent aisément être complétées par des téléconsultations de confrères internistes.
    Il convient d'abord de faire un diagnostic de commodité fondé sur une nosologie restreinte commandée par la gravité ou l'urgence.

PRÉLUDES AUX TÉLÉCONSULTATIONS

    La téléconsultation et le télétraitement psychiatriques requièrent un petit questionnaire préalable qui permette de brosser un tableau sémiologique et nosologique approximatif.     Les échelles psychiatriques sont nombreuses. L'échelle HAD par exemple dépiste les troubles anxieux et dépressifs. Elle comporte 14 items cotés de 0 à 3.

MON ÉCHELLE

Les 13 questions sont communiquées par internet aux personnes dès la 1ère sollicitation. Cette échelle n'est pas étalonnée. Mais les réponses aux questions donnent au clinicien une bonne idée de la structure des troubles psychiques
A. DÉTECTION DES DÉPRESSIONS. Les réponses permettent de distinguer la dépression du concept populaire de déprime
1. Votre degré de tristesse? Vous sentez-vous coupable? Avez-vous des idées de suicide?
2. Dynamisme au travail? Plaisir au travail? Entrain au travail?
3. Votre rythme d'activité est-il soutenu?
4. Vos angoisses?
B.- DÉTECTION DES TROUBLES MÉDICAUX ET NEUROLOGIQUES. Les réponses permettent de prendre en compte les composantes somatiques des souffrances psychiques.
5. Votre état de santé et les maladies en cours? Avez-vous une maladie en cours?
6. Avez-vous eu jadis une maladie infectieuse infantile aggravée (coqueluche, rougeole, varicelle) avec complication neurologique?
7. Votre dernier examen de laboratoire était-il préoccupant? (NFS, Prothrombine, Glycémie, C Réactive Protéine, VS, Taux de fibrinogène, Triglycérides, Cholestérol, Urée, Créatinine, Sodium, Potassium, Chlore, SGOT SGPT). Pouvez-vous m'envoyer une copie?
C.-DÉTECTION DES PSYCHOSOMATOSES. Les réponses permettent de déceler les troubles psychosomatiques. Et de distinguer les psychosomatoses des somatopsychoses. Les symptômes sexuels fonctionnels les plus fréquents requièrent beaucoup plus souvent une thérapie comportementale (sexothérapie) qu'une psychothérapie.
8. Les traductions corporelles de vos angoisses?
9. Symptômes sexuels préoccupants?
D.- DÉTECTEUR D'UN ÉTAT NÉVROTIQUE. Les états névrotiques de l'adulte font écho aux histoires personnelles.
11. Pensez-vous avoir été un adolescent "à problèmes" (avec des phobies ou des rituels obsessionnels ou des TOC)?
E.- DÉTECTEUR DU SYNDROME DE DÉRÉALISATION-DÉPERSONNALISATION. Les réponses permettent de prendre connaissance des grands syndromes psychiatriques. La déréalisation appartient à plusieurs catégories de névroses graves et de psychoses.
10. Que pensez-vous de cette expression: "Mon corps s'enfonce dans le matelas" ou bien encore de l'expression "Percevoir un flou du réel"
F.- DÉTECTEUR D'ÉPISODES PSYCHOTIQUES. Les réponses sont rarement claires.
12. Avez-vous eu des délires et des hallucinations?
G.- CAPACITE INTROSPECTIVE ET INDICATION DE PSYCHOTHÉRAPIE
13. Quelles sont vos capacités d'autocritique ou d'interprétation de vos actes? Avez-vous été capable de faire un "retour d'expérience" après un événement pénible?

Il en résulte une perception générale de la structure psychique. Il n'y a pas nécessité de cotation.

LE TÉLÉTRAITEMENT
DES TRAITEMENTS CIRCONSTANCIELS
LES MÉTHODES D'ASSISTANCE

    L'un des credo des organismes de sauvetage est l'abréaction: l'effet conjugué de l'abréaction précoce et d'une orientation thérapeutique rapide et spécialisée lors de troubles psychiques différés. C'est le point de vue généralement admis afin de préserver le pronostic.
    Les victimes psychiques de catastrophes collectives répondent généralement à des techniques de débriefing et defusing. Mais les circonstances hors normes requièrent des stratégies complémentaires. La méthode actuellement préconisée est le defusing et le debriefing. Le defusing ou déchoquage psychologique est une première approche psychologique qui invite la victime à revenir dans l'ordre de la parole. Je définissais ainsi le debriefing en 1999 dans le "Glossaire Psychiatrique": Technique de mise à plat des conflits intrapsychiques résultant de traumatismes importants. Le debriefing est utilisé par les sapeurs-pompiers et par les cellules de soin après attentats. Le terme équivalent en français est "bilan des troubles et des séquelles". Le debriefing correspond au bilan psychologique d'événement un peu plus à distance de l'événement traumatisant. Le principe consiste en une verbalisation de l'expérience émotionnelle. Les sauveteurs eux-mêmes ont et auront besoin de la même attention. Il existe bien entendu des variantes culturelles du debriefing:
    Est-ce que la procédure en vogue est proportionnelle à la gravité des menaces potentielles? Je pressentais jadis qu'une agression terroriste islamiste pourrait fort bien disperser des substances biologiques, des gaz toxiques ou bien encore des déchets de substances radioactives dans le métro. Et alors dans ce cas les réactions d'effroi parmi les populations concernées seraient alors considérables. L'impact de l'effroi serait sans doute plus lourd que les pathologies somatiques elles-mêmes.
   

TELEPSYCHIATRIE DES TROUBLES DU CONFINEMENT

    À l'aggravation des troubles névrotiques, angoisses, phobies, dépressions névrotiques, l'aide des anxiolytiques benzodiazépiniques sera plus intéressante que celle des antidépresseurs sérotoninergiques.
    La question de l'indication des psychothérapies psychanalytiques se pose peu. Elle sera examinée au cas par cas. Il existe des critères particuliers pour que ce soit utile comme. Par exemple l'absence de processus psychotique et surtout les capacités introspectives. Ainsi par exemple un psychopathe qui décompense en agressant ses proches et qui ne se pose aucune question n'est pas capable d'introspection -que les analystes nomment insight-. Ce sont donc des contre-indications. De toutes façons le protocole psychanalytique est difficilement compatible avec la télétransmission. La psychothérapies cognitivo-comportementales TCC a des indications beaucoup plus souples.

1° PSYCHOTHÉRAPIE RESTREINTE

    L'intervention psychiatrique ne se limite donc pas aux médicaments. Comment élaborer les principes d'une psychothérapie restreinte et brève? Cette question classique a été débattue depuis longtemps entre des psychanalystes comme Rosen, Alexander et French. La brièveté prend ici un relief tout à fait particulier si on songe que les interventions se font à distance. Ce n'est plus un débat théorique. Cela consiste à mettre en œuvre un traitement que l'un de mes collègues, Gibello, nommait spirituellement "le minimum vital psychiatrique".

TÉLÉCONSULTATIONS OU TÉLÉCONSEILS THÉRAPEUTIQUES

    Développement: il y a en somme 3 ou 4 temps de la thérapie. On s'adresse aux gens soit individuellement soit en groupe.
    Je dirais a priori que ce protocole bref en 4 à 9 téléconsultations.
    1)L'intensité des symptômes requiert a priori une prescription de psychotropes
    2)Méthode de la psychothérapie brève en téléconsultation. Écouter le flux des plaintes déployées dans la 1ère séance. Délivrer une interprétation du revécu des agressions que le patient a pu vivre en victime innocente.
    3)Aider à renforcer le Moi en intellectualisant c'est-à-dire en suggérant un mythe bienfaisant de l'idée de la lutte future contre la cruelle nature. De cette façon on contrecarre la posture de victime en donnant un sens à l'épreuve traversée. Donc une thérapie restreinte doit être interprétative et téléologique -c'est-à-dire donner un sens prospectif-. On considèrera que la peur intense de la maladie épidémique fonctionne comme un paravent et on se demandera quelles sortes de frayeurs sont réveillées en écho. On se demandera ensuite: de quoi la pandémie est-elle le signe. Enfin on se demandera de quoi la pandémie est-elle le sens
    Voici un exemple éclairant. Une jeune employée des Grands Magasins, angoissée, réduite au chômage et au confinement me cite un écrivain: "Le malheur est une espèce de talisman dont la vertu consiste à corroborer notre constitution primitive: il augmente la défiance et la méchanceté chez certains hommes, comme il accroît la bonté de ceux qui ont un cœur excellent". La thérapie de l'angoisse de confinement consiste en ceci: 1)L'intensité du malaise requiert-il une prescription de médicaments? 2)Interpréter le revécu des agressions dont elle fut jadis dans son histoire personnelle la victime innocente. 3)Aider à renforcer le Moi en rationalisant, en intellectualisant, c'est-à-dire en suggérant, en instillant un mythe bienfaisant de l'idée de la lutte future contre la cruelle nature. Il est important de ne pas encourager chez les patients la posture de victime. Comment? En donnant un sens à l'épreuve traversée.

Méthode de psychothérapie très brève en 7 séances.

    Il s'agit d'une thérapie dite "armée", avec prescription. Les modalités de la téléconsultation permettent d'aménager une intervention en 4 à 9 séances.
    1ère téléconsultation. Évaluer la nécessité de prescrire un psychotrope
    Téléconsultations suivantes. Méthodologie interprétative d'inspiration en grande partie psychanalytique sur un mode intrusif.
    2ème téléconsultation. Séance d'écoute sans intervention. On retient la nature du trouble ou de la plainte
    3ème téléconsultation. Détection d'un événement déclencheur. Ces jours-ci le patient invoque le plus souvent l'épidémie
    4ème téléconsultation. Séance d'élaboration des fantasmes c'est-à-dire que le patient exprime ses peurs et ses fantasmes (par exemple j'ai peur d'être empoisonné par le virus de la respiration du voisin d'au-dessus ou bien j'ai peur que sous le masque s'insinuent des insectes nuisibles ou bien je retrouve mes peurs d'antan)
    5ème téléconsultation. Séance d'évocation éventuelle de pulsions suicidaires qui n'imposent pas toujours l'hospitalisation (qui d'ailleurs serait actuellement temporisée ou refusée)
    6ème téléconsultation. Séances interprétatives. On dit au patient: "Vous pourrez poursuivre votre traitement dès que possible, après le confinement, avec un psychiatre ou même un psychothérapeute."
    7ème téléconsultation. Aider à renforcer le Moi en intellectualisant c'est-à-dire en suggérant au patient un mythe bienfaisant de l'idée de la lutte future contre la cruelle nature.
    Modalité des interprétations.
    -Prenons l'exemple de l'employée des Grands Magasins ci-dessus qui parle de bonté et de méchanceté. "Actuellement je suggère que vous êtes soucieuse d'un passé douloureux qui continue de vous atteindre aujourd'hui plus encore dans une période aussi dramatique et dramatisée".
    -Chez un phobique qui ne voudra plus jamais sortir de chez lui sans être victime d'un grand vertige rotatoire: "Monsieur, Cette consultation à distance en période de confinement donne hélas satisfaction à votre refus des contacts sociaux. Vous savez que vous tirez trop de jouissance de votre isolement!".
    -Quand on se trouve à court: "Madame, Nous reprendrons ces problèmes à la prochaine téléconsultation" On a le droit de dire que le matériau des plaintes fait actuellement défaut et que cela crée un voile qui freine, qui obscurcit provisoirement la résolution des problèmes c'est-à-dire des symptômes.
    FIN DES SEANCES
   

2°TELETRAITEMENT: TROUSSE PHARMACOLOGIQUE

    Je n'avais pas prévu cette nouvelle forme d'insularité à l'époque de mon exposé sur la trousse psychiatrique en 2004. L'exposé était destiné à tous ceux qui s'embarquent pour des îles lointaines loin des centres hospitaliers et des plateaux techniques sophistiqués à quoi nous sommes accoutumés dans les grandes cités de l'hexagone. Le même raisonnement valait pour les régions isolées par la géographie, par l'absence de route ou par le climat. A cette époque j'imaginais une trousse de pharmacie générale embarquée avec des médicaments et du matériel http://www.bulletindepsychiatrie.com/psybrousse.htm
   

LES PSYCHOTROPES: QUELLES PRÉCAUTIONS?

    Quels psychotropes? Antidépresseurs, Stabilisants de l'humeur, Anxiolytiques (tranquillisants), Hypnotiques (somnifères) et Neuroleptiques et éventuellement les correcteurs comme le Lepticur ou l'Artane. En fait, aux neuroleptiques classiques ont succédé les neuroleptiques atypiques. Les plus connus sont la Clozapine (Leponex), la rispéridone (Risperdal), l'olanzapine (Zyprexa) et l'aripiprazole.
    Rappelons les précautions d'usage avec tous les neuroleptiques. Les effets indésirables des classiques sont très bien repérés. Ce sont les effets extrapyramidaux et anticholinergiques, les troubles du rythme, un risque convulsif épileptique, des troubles hématologiques et le grave syndrome malin des neuroleptiques. Avec les atypiques les effets indésirables sont comparables mais beaucoup moins fréquents. La prise de poids et la glycémie sont l'un des effets indésirables de l'olanzapine. Le syndrome extrapyramidal plus volontiers que le syndrome parkinsonien représente un souci. L'hypotension en particulier l'hypotension orthostatique: prévenir le patient. Surveiller: l'agranulocytose, l'allongement de l'espace QT. Le syndrome malin des neuroleptiques est très grave mais peu fréquent. Il résulte souvent d'erreur de datation ou de prescriptions parallèles. Les dyskinésies et les dystonies tardives sont invalidantes. La dystonie aiguë, le torticolis spasmodique inquiètent surtout l'entourage. L'akathisie est fréquente. C'est un symptôme gênant.

LES PSYCHOTROPES: GÉNÉRALITÉS

    Les psychotropes mineurs.- Les prescriptions les plus fréquentes sont les benzodiazépines. Ces molécules connaissent une consommation excessive
    Les neuroleptiques atypiques ou antipsychotiques sont de plus ne plus nombreux. Ils supplantent bien entendu tous les neuroleptiques classiques. Les classes pharmacologiques sont: Aripiprazole, Palipéridone, Pimozide, Rispéridone, Benzamides, Butyrophénones, Diazépines et oxazépines, Phénothiazines, Thioxanthènes.
    La fréquence actuelle des prescriptions.- On prescrit souvent la rispéridone (Risperdal 1 à 4 mg par jour), l'amisulpride (Solian 100 à 400 mg par jour) et l'olanzapine (Zyprexa 2,5 à 5 mg par jour). La ziprasidone, le sertindole et la quetiapine n'ont pas encore leur AMM. Des molécules sont prescrites aux États-Unis longtemps avant d'acquérir leur AMM en France (Ziprasidone ou Zeldox chez Pfizer, Sertindole (Serdolect ou Serlect) Lündbeck. Une molécule possède son AMM en 2011 mais elle est peu commercialisée en France: la Quetiapine (Seroquel) de Zeneca, sous le nom de Xeroquel (cette molécule cherche encore sa meilleure indication qui serait surtout la psychose maniaco-dépressive) et l'aripiprazole ou Abilify, 10 mg, 15 ou 7.5 cp orodispers, a plus de succès. Elle est apparue en 2012. Notons que les neuroleptiques atypiques sont utilisés surtout par voie orale: seuls l'olanzapine et l'aripiprazole sont disponibles sous une forme parentérale. Le Xeplion 100 mg susp inj LP ou palmtate de Paliperidone LP en seringue préremplie ou à dose plus forte Trevicta 525 mg susp inj LP mais comme toujours, à condition d'une stabilisation préalable par la palipéridone orale ou par la rispéridone
    Revenons aux classiques qui sont encore prescrits: Chlorpromazine: Largactil 25 mg/5 ml en solution injectable en ampoule et Largactil 4% en solution buvable; Cyamémazine: Tercian 40 mg/ml en solution buvable et TERCIAN 50 mg/5 ml en solution injectable en ampoule; Halopéridol: Haldol 2 mg/ml et 5 mg/ml; Lévomépromazine: Nozinan 25 mg/ml en solution injectable IM et Nozinan 4% en solution buvable. Loxapine: Loxapac 25 mg/ml en solution buvable et loxapac 50 mg/2 ml en solution injectable en ampoule; tiapride; dropéridol ou Droleptan 5 mg/2 ml en solution injectable im; flupentixol ou Fluanxol 4% en solution buvable; pipampérone ou Dipiperon 40 mg cp sécable; sulpiride ou dogmatil 100 mg/2 ml en solution injectable IM; sultopride: sultopride papharma 200 mg/2 ml en solution injectable IM et zuclopen
    Les molécules indiquées dans la prévention des Psychoses Maniaco-Dépressives, le lithium, Théralithe, le Valpromide 300 mg ou Depamide et l'antiépileptique bien connu, la carbamazépine, Tégrétol, sont d'un maniement délicat qui est peu compatible avec le télétraitement.

QUELQUES TROUSSES PSYCHIATRIQUES

    Les variantes de trousses répondent aux expériences et aux acquis culturels des différentes équipes d'intervention.
    1ère forme de 2004
    Tranquillisants: - Benzodiazépines Valium (cp 5-10 mg. amp inj IM à 10 mg), Lexomil (cp sécable à 6 mg), Tranxène (cp sécable à 50 mg, flacon inj IM, IV à 20 mg), Xanax (cp à 0,25 mg) - Non bzd Buspirone 10.
    Antidépresseur -Deux imipraminiques: (Tofranil) clomipramine (Anafranil cp à 25 mg). -Des sérotoninergiques: Effexor (cp à 50 mg), Deroxat -On évite désormais l'amitriptylline Laroxyl (amp inj IM, IV à 50 mg) et les IMAO comme le Marsilid, phosphate d'Iproniazide, 50 mg cp
    Neuroleptiques classiques.- Solian 100mg, Tercian (cp à25 mg ou à 100 mg ou amp inj IM à 50 mg) halopéridol (Haldol sol buvable 2 mg/ml, 1 mg = X gouttes), amp inj IM à 5 mg. Solian (amp inj IM à 200 mg). Anxiolytique et antidépressif: lévomépromazine (Nozinan inj. 25 mg) - Cocktail PLD de Laborit, composition passée à la postérité associant Chlorpromazine 50mg (Largactil), Prométhazine 50mg (Phénergan) et Péthidine 100mg (Dolosal), dans les très grandes urgences, afin d'induire une hibernation artificielle.
    Les neuroleptiques atypiques., rispéridone (Risperdal) Clozapine (Leponex compr. 25mg et 100mg), Olanzapine (Zyprexa) et Aripiprazole (Habilitat). Mais aussi un ou deux NAP comme le Modecate et l'Haldol Decanoas. Les correcteurs des effets extrapyramidaux: Lepticur (amp inj compr et sol. IM ou IV lente à 10 mg) sont devenus moins impérieux
    2ème forme
    Proposition réitérée de la part de quelques collègues: Tiapridal 100mg: 1cp ou IM, Loxapac 50mg 2 à 4 amp per os ou IM ou aussi Loxapac 3 amp. IM + Tranxène 50 1 amp IM, dans 2 seringuées
    3ème forme
    Dans l'ordre: Molécules - Posologie - Contre-indications absolues
    Loxapine (Loxapac) - 50/150mg - 1 à 3 amp. - Allergie à la loxapine, < 15 ans et Agonistes dopaminergiques
    Cyamemazine (Tercian) - 50/150mg - 2 amp. IM - Glaucome aigu. Rétention urinaire. Antécédent d'agranulocytose. Dyskinésie aiguë. Allongement de l'espace QT. Intolérance au gluten. Agonistes dopaminergiques.
    Diazépam (Valium) - 30/60gttes - (10/20mg) 1amp - Insuffisance respiratoire sévère Syndrome d'apnée Insuffisance hépatique sévère Myasthénie
    Correcteur éventuel Lepticur (amp inj compr et sol. IM ou IV lente à 10 mg), trihexyphénidyle, Artane 5mg et sol. inj. à 10mg

IMPORTANCE DES NEUROLEPTIQUES D'ACTION PROLONGÉE

    Les psychiatres ont une longue expérience des rechutes et des épisodes de décompensations psychotiques. La prise en charge est comparable aux traitements classiques des psychoses au long cours. Mais les conditions très particulières de la pandémie modifient la stratégie thérapeutique. La pandémie et le confinement changent la donne. La poursuite d'un traitement neuroleptique sera confirmée. Mais cependant je conseille d'accorder désormais une sorte de priorité aux neuroleptiques d'action prolongée ou NAP en particuliers ceux qui sont actifs trois semaines ou un mois.
    Pourquoi encourager des traitements puissants? Les psychotiques sont des patients vulnérables. Mais surtout en période de dépistage et de confinement ils seront en quelque sorte à l'abandon. Les consignes collectives impérieuses sont source de déshérence aux dépens des malades mentaux. Le téléconsultant doit considérer que ses propositions thérapeutiques répondent à l'urgence dans une atmosphère de confinement et d'insularité. L'acuité psychiatrique ne justifie pas l'abord psychothérapique. L'efficacité du traitement prime sur le "pas à pas".

RAPPEL DES NAP

    Comme ils sont plus souvent prescrits à l'hôpital qu'en ville la délivrance en pharmacie ne sera pas immédiate:
    GEN; SPEC; PIC SERIQUE; DEMI-VIE; INTERVALLES
    Flupenxitol décanoate; FLUANXOL; 11-17 j; 2-3 semaines
    Zuclopenthixol décanoate; CLOPIXOL AP; 1 semaine; 19 j; 2-4 semaines
    Pipotiazine palmitate; PIPORTIL L4; 5-11 j; 4 semaines
    Halopéridol décanoate; HALDOL DECANOAS; 1-2 j; 3 semaines; 3-4 semaines
    Rispéridone (en suspension); RISPERDAL CONSTA; 4-6 semaines; 2 semaines
    Les NAP succèdent dans le temps aux neuroleptiques simples. Le piportil en gouttes à 4% ou en comprimés précède le Piportil L4 et l'Haldol en gouttes précède l'Haldol Decanoas. Deux NAP ont donc ma faveur. Ce sont le Palmitate de Pipotiazine ou Piportil L4, pic sérique en 1 heure 30, demi-vie de 7 à 8 heures, en équilibre en 3 jours, intervalle de 4 semaines à raison de trois ampoules de 25 mg et le Décanoate d'Halopéridol ou Haldol Decanoas, pic sérique 1-2 jours, demi-vie 3 semaines avec un intervalle de 3 à 4 semaines, à raison de 50 mg/ml en injection IM amp/1ml.
    L'injection tous les mois doit être faite par le médecin ou l'infirmière. Dans tous les cas l'injection intramusculaire sera assortie d'une note indiquant les dates d'injection et l'absence de prescription d'un autre psychotrope. La surveillance la plus utile concerne le syndrome malin des neuroleptiques, fièvre et augmentation de la créatine phosphokinase CPK, complication peu fréquente mais grave qui imposerait l'hospitalisation.
    Si on préfère des intervalles courts: Clopixol. Le zuclopenthixol oral (Clopixol) précèdera et succédera au produit retard. Le Clopixol a une action semi-prolongée, 50 mg/ml, solution injectable I.M. bien que les intervalles soient courts 2 à 3 jours. Par exemple 2 ampoules de 50 mg soit 2 ml en I.M. Le pic sérique est atteint en 4 heures et la durée ne dépasse donc pas 3 jours. Ça me paraît un peu court!

INDICATIONS DES PSYCHOTROPES
Psychotropes en univers névrotique

    Parmi les anxiolytiques, les benzodiazépines, sont devenus le traitement de choix des états d'angoisse, d'agitation et d'excitation psychique. Des collègues prescrivent parfois des bêtabloquants comme le propranolol 40mg ou même l'Avlocardyl LP 160 mg, gélule à libération prolongée. On peut légitimement hésiter.

Psychotropes en univers psychotique

    On distingue donc deux grandes catégories de neuroleptiques. Les neuroleptiques de première génération seront de moins en moins prescrits. On prescrivait beaucoup la cyamémazine (Tercian) 50 à 200 mg par jour), la lévopromazine (Nozinan 50 à 200 mg par jour) ou encore la chlorpromazine (Largactil 100 à 300 mg par jour). L'halopéridol était et demeure assez souvent prescrit à raison de 10 à 15 mg. La loxapine, en ampoule injectable de 50 mg, est fréquemment prescrit. Ce sont par exemple l'halopéridol ou Haldol, rapidement actif, avec peu d'effet anticholinergique, 2 mg pour des patients âgés agités, 20 mg aux grandes agitations, toutes les 4 heures, soit donc 80 mg par 24 heures, à ne pas dépasser. Le syndrome extrapyramidal est banal mais gênant, le syndrome malin des neuroleptiques est rare mais grave. La chlorpromazine ou Largactil et le dropéridol ou Droleptan peuvent allonger l'intervalle QT. On songe à la tachycardie ventriculaire, à la torsade de pointe. L'ECG nous aidera.
    Les neuroleptiques atypiques comme la rispéridone ou l'olanzapine ont représenté un grand progrès. Ces neuroleptiques de deuxième génération ou atypiques ou antipsychotiques sont devenus la règle. Ils sont couramment prescrits aux grandes crises d'agitation clastiques, aux crises maniaques et aux crises d'excitation psychomotrice des schizophrènes. L'olanzapine a une forme injectable, efficace à 10 mg. La rispéridone dans le traitement de l'agitation est devenu le meilleur concurrent de l'halopéridol. Certains collègues aiment l'Abilify ou même la Clozapine ou Leponex. Mais cette dernière quoique très active demande trop de précaution. Quand la contention est nécessaire la négociation à distance avec les membres de la famille devient une affaire très complexe. Les placements ne seront pas aisément accessibles. Donc cela devient une stratégie de persuasion de la famille.

EFFETS INATTENDUS DE L'ÉPIDÉMIE
LES THÉORIES DU COMPLOT

    "Le virus SARS-CoV-2 aurait été fabriqué en laboratoire à partir du virus du SIDA (VIH), c'est un Prix Nobel de médecine qui l'affirme." Jeudi 16 avril, le professeur Luc Montagnier, qui a reçu cette grande distinction scientifique en 2008 pour sa participation à la découverte du virus responsable du sida, affirme dans un entretien au site Pourquoidocteur.fr que le SARS-CoV-2 est une fabrication humaine, et "l'histoire du marché aux poissons est une belle légende" par des chercheurs de l'Indian Institute of Technology de New Delhi et très contestée par les spécialistes. Celle-ci évoquait déjà "une similarité étrange", "qui a peu de chances d'être fortuite", dans les séquences d'acides aminés d'une protéine du SARS-CoV-2, virus responsable du Covid-19, et celui du VIH-1, principal responsable du sida. Les virus de fabrication humaine existent mais sont des combinaisons souvent spectaculaires de virus existant, ce qui les rend en général faciles à reconnaître pour les microbiologistes. Or le SARS-CoV-2 n'a pas les caractéristiques d'un virus artificiel et aucun emprunt génétique suspect ne permet de dire qu'il y aurait eu intervention humaine. La plupart des scientifiques s'accordent sur le fait que le virus responsable du Covid-19 est d'origine animale - chauve-souris et pangolin - comme l'ont encore reconfirmé récemment des études chinoises, anglo-australo-américaine et américano-suisse. Selon l'université de Pennsylvanie, le SARS-CoV-2 aurait très précisément muté à partir d'un coronavirus de chauve-souris adepte des recombinaisons, le RaTG13, entre 1948 et 1982. À peu près autant que celle de soigner le virus avec des ondes magnétiques, une des propositions loufoques de Luc Montagnier. Ce scientifique de 70 ans développe donc la thèse que le virus du Corona-19 a fait l'objet d'une manipulation en laboratoire à Wuhan. Des brins d'ARN du virus du SIDA lui ont été soudés pour expérimentation et le résultat s'est échappé du laboratoire pour se répandre dans la région. Précédemment il montrait que les antennes de la 5G favorisent l'éclosion du virus. Les habits scientifiques d'un raisonnement délirant sont possibles. Un écrivain, Alexandre Moatti, en 2013, proposait le terme d'alterscientifique pour désigner cette sorte de supercherie? Le Pr Luc Montagnier explique l'action des champs électromagnétiques sur l'ADN des virus et bactéries comme le Lyme. "Mais prouver qu'un virus ne s'est pas échappé d'un laboratoire n'est pas facile". Rappelons que Luc Montagnier n'hésitait pas à parler de Benveniste comme d'un "Galilée des temps modernes". C'est très étonnant.
   

LES LOIS ET LA SOUFFRANCE
DOCTRINE DES SOINS-RÉPARATIONS

    L'état, les magistrats et les médecins ont adopté une posture quasiment institutionnelle face aux désastres. Les institutions ont toujours su trouver une posture à propos de l'expertise médico-légale des accidents individuels. Sont-elles aussi bien armées dans les cas de catastrophes collectives? Quoi qu'il en soit les institutions étatiques ont désormais compris qu'elles devaient porter assistance aux désastres collectifs. Pourquoi l'assistance bénéfique apparaît-elle plus substantielle dans des pays éloignés des zones de catastrophe? Je veux bien entendu parler des Etats-Unis. Faut-il qu'une nation soit loin du théâtre des douleurs pour mieux panser les plaies? Ceci n'est pas seulement une question de moyens mais une question de volonté. Faut-il qu'une nation soit pragmatique, dynamique et optimiste pour être mieux armée et pour élaborer une doctrine de soins et de réparations?
    Le sens général de cette évolution est donc l'irruption des grands traumatismes dans le champ des travaux médicaux. De cette promotion résulte non seulement des récits mais aussi des méthodes d'évaluation des séquelles psychotraumatiques.

LA PREMIÈRE LEÇON: HISTOIRE DES CATASTROPHES

    Je n'imaginais pas quand en 2003 j'écrivais le texte sur les désastres collectifs que de tragiques événements viendraient ultérieurement confirmer mes convictions. Nous ne sommes pas suffisamment préparés à des désastres éventuels. Les principes directeurs de l'assistance apparaissent décevants. Le programme actuel donne priorité à un scénario de l'aide d'urgence.

LA DEUXIÈME LEÇON: CARENCE DES MÉTHODES PRÉVENTIVES?

    La leçon des catastrophes du passé est claire. Les mesures d'aide aux victimes devraient être précédées par des stratégies prospectives et préventives. Dans les pays évolués les enfants des écoles maternelles sont entraînés à affronter les risques d'un tremblement de terre. Dans d'autres pays on apprend aux enfants à se protéger des éclats des roquettes. Certaines religions stockent à domicile un an de vivres en prévision de la fin du monde. Les pays européens conscients des risques de catastrophes doivent s'inspirer de cette stratégie préventive. Un marin de haute mer nous dit qu'il s'est longuement préparé à la solitude contrairement à tous ces gens sur qui cela tombe dessus sans aucune préparation. Ce raisonnement est très convaincant. Le stress et les périodes traumatiques évoluent mieux quand la victime a bénéficié d'une préparation, d'un entrainement ou d'un militantisme qui servent de prévention.

LA TROISIÈME LEÇON: DONNER UN SENS

    La doctrine de Barrois et de Crocq consiste en somme à donner un sens à ce qui n'en avait aucun. L'idée des auteurs est celle-ci: le patient doit non seulement liquider son expérience traumatique dans une parole cathartique mais encore doit-il trouver un sens personnel à sa mésaventure. Le succès de la démarche psychothérapeutique pour Crocq repose sur une prise de conscience de la signification existentielle que suscite l'expérience traumatique dans la psyché du sujet. Et l'auteur d'ajouter: "La nécessité de trouver un sens au mythe personnel de l'épreuve traversée, objectif difficile à atteindre puisque la personne éprouve un besoin profond de s'arrimer à l'image sociale de victime". Cette doctrine téléologique ma paraît d'un très grand intérêt. Une thérapie doit s'inscrire dans un mouvement de donner un sens. Cela consiste à donner un sens au devenir de l'être psychique dans le protocole thérapeutique.
    Reprenons l'exemple cité plus haut d'une jeune employée des Grands Magasins, réduite au chômage et au confinement. Très angoissée par la solitude elle me cite un écrivain: "Le malheur est une espèce de talisman dont la vertu consiste à corroborer notre constitution primitive: il augmente la défiance et la méchanceté chez certains hommes, comme il accroît la bonté de ceux qui ont un cœur excellent". La thérapie de l'angoisse de confinement que nous proposons est chez elle: 1)L'interprétation du revécu des bontés et surtout des méchancetés dont elle fut jadis dans son histoire personnelle la victime innocente. 2)Le second mouvement consiste à lui montrer ce qu'elle construit en elle-même en sollicitant la lutte future contre la cruelle nature c'est-à-dire en l'encourageant à construire un mythe.
    Il est donc important de ne pas s'arrimer à la posture de victime et il est important de trouver un sens à l'épreuve traversée. Il en résulte une contradiction féconde entre donner un sens à l'épreuve et reconnaissance du statut de victime. Ce processus doit être conforté.

LA QUATRIÈME LEÇON: PRÉSENCE ET RÉCIT

    Aucune victime de désastre ne doit être laissée sur le bord du chemin. Il faut contrecarrer la fâcheuse tendance à l'omission des soins attendus. Ces soins à terme sont dévolus à l'État. Il est juste de le lui rappeler. Mais le psychiatre s'intéresse avant tout à "la leçon du psychotraumatisme". Pendant la pandémie et ensuite à distance des événements on doit aménager une promotion des psychotraumatismes collectifs au rang des récits. Le rôle des récits et des mythes est très important pour contribuer à reconstruire la structure identitaire des victimes. Le récit suggéré est celui-ci: c'est un combat de la science et de l'hygiène contre le sale et le glauque ou bien la lutte collective contre une catastrophe issue des marchés publics chinois insalubres.

CONCLUSION

    Ces événements exceptionnels m'incitent à concevoir une synthèse de ces troubles que j'appelle "folie du confinement". Ces troubles ne sont pas sans précédent. On les observe dans les prisons. Nous conservons aussi les traces historiques de l'acédie dans les monastères du désert. Notons à ce propos que les troubles psychiatriques issus de l'effroi collectif et du confinement peuvent être aussi dévastateurs que l'épidémie elle-même. Aussi bien faut-il dès maintenant concevoir une posture thérapeutique à la hauteur de l'événement. Les psychiatres ne seront ni assez nombreux ni assez disponibles pour répondre à l'ensemble des consultants. Les généralistes s'emparent légitimement du problème. Je suggère un certain nombre de consignes et de procédures thérapeutiques minimales. Il faut tout d'abord concevoir des thérapies d'urgence, des psychothérapies brèves et des parades. En complément des thérapies il faut proposer ou intensifier une sorte de mythologie défensive. D'une façon générale les victimes psychiques atteintes de SSPT évoluent mieux quand elles ont connu une sorte d'engagement militant antérieur. Nous avons connu diverses mythologies défensives comme celle de la France tout entière résistante pour qu'elle se relève mieux du désastre! Je rappelle qu'un militant supporte mieux la prison qu'un inculpé naïf. Bref le médecin doit aider les patients à se constituer un bagage idéique proche de l'idéologie. Par exemple: "Nous luttons tous contre l'épidémie actuelle et les épidémies futures".
   
    La Théorie Cochrane est intéressante mais un peu désuète
    Dropéridol pour l'agressivité ou l'agitation liée à une psychose
    Halopéridol plus prométhazine pour traiter l'agressivité due à une psychose
    Halopéridol pour l'agressivité chronique lors de psychoses (un peu désuet)
    Lévomépromazine (Nozinan) pour traiter la schizophrénie (discutable)
    Efficacité de l'ajout de sulpiride (Dogmatil) pour traiter la schizophrénie (discutable)
    Complément.- Un procédé magique de jadis dans les crises graves d'agitation psychomotrices: Halopéridol + Androcur L'acétate de cyprotérone dosée à 50mg ou 100mg prescrite depuis 1950 et le LHRH ont confirmé leur efficacité en sexologie pour autant que les prescriptions soient augmentées d'une psychothérapie et de psychotropes. Or les relations entre testostéronémie et agressivité sont très classiques quoiqu'encore controversées. Il nous manque une étude plus substantielle des essais de traitement réussis associant un neuroleptique atypique et l'acétate de cyprotérone dans les cas d'agressivité sexuelle et de violence comme par exemple chez certains schizophrènes catatoniques.
   
   


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Ludwig FINELTAIN

Neuro-Psychiatre Psychanalyste
Psychiatrist and Psychoanalyst
PARIS (FRANCE)