Bulletin de psychiatrie
            (parution semestrielle ou annuelle)
            Ephémérides de février mars 2013
            Edition du 17 mars 2013
               Mise à jour du 17 mars 2013 (version 03.13)


           

L'affaire Anders Behring Breivik


            Dr Ludwig Fineltain
            Neuropsychiatre
            Psychanalyste
            Paris

E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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Taverne coll.pr.      
Taverne coll.pr.       Brouillet
            La leçon de Charcot

           
           

L'affaire Anders Behring Breivik


      2012-2013
     
      Introduction générale


      Les monstres froids sont-ils solubles dans l'expertise psychiatrique? Ma réponse immédiate est assurément négative! Le psychiatre n'est pas très habile à pratiquer l'analyse socio-politique parce que ce n'est pas du tout son terrain familier.
      Nous avons connu en 2011 deux affaires hors normes, en temps de paix! Celle d’Anders Behring Breivik en Norvège et celle de Mohamed Merah en France. L'affaire Merah elle aussi avait suscité quelques réflexions, quelques hypothèses préalables, avant le tragique dénouement. On dessinait un portrait-robot de meurtrier en série en loup solitaire, hypothèse confortée par l'un de nos plus brillants collègues, expert judiciaire, interrogé par la presse. La mission meurtrière idéologique me paraissait pourtant assez évidente dans l'une et l'autre circonstance. Ces deux affaires ont d'ailleurs une très grande similitude. Le Ministre de l'Intérieur, Mr Manuel Valls a déclaré ceci: "L'action de Mohamed Merah a été le résultat d'une préparation minutieuse, d'un véritable processus d'apprentissage fait de contacts nombreux. Je fais la différence: le loup solitaire, en l'occurrence, c'est Breivik qui a tué soixante-dix-sept personnes en Norvège en 2011 qui semble avoir agi après s'être formé à travers Internet tout seul. Ce n'est pas le cas de Merah"..
      L'affaire Breivik a donné lieu à d'innombrables hypothèses psychiatriques. Elle a surtout suscité une expertise en deux temps. La première expertise fut déplorable inspirée par des connaissances dogmatiques, livresques et naïves. La question posée par le public et par le parquet était assez simple. Breivik est-il fou? Est-il responsable de ses actes? Deux équipes de psychiatres se sont donc opposé sur ce point. L'une le considérant comme responsable de ses actes tandis que l'autre l'a jugé atteint d'une schizophrénie paranoïde.
      La presse norvégienne a compris dès lors que les relations entre la justice et la psychiatrie devenaient problématiques. Des juges ont été tentés de faire la leçon aux premiers experts qui ont déclaré Breivik fou. On leur reproche de n'avoir pas accordé de crédit aux idéaux politiques du tueur. On leur reproche d'avoir à tort orienté les convictions du parquet. Je dois dire que cette dernière critique est peu acceptable. Ce n'est pas l'expert qui décide mais en fin de compte c'est le parquet! On nous dit que le public s'est emparé du débat scientifique au point que le procès est qualifié de "championnat de Norvège de psychiatrie". Il est fort probable que l'opinion a joué un grand rôle pour susciter une seconde expertise!
     

La première expertise


      Les attendus de cette première expertise d’Anders Behring Breivik n'avaient pas manqué de me surprendre. Dans le même temps la compétence que quelques-uns de nos collègues norvégiens était devenue, pour ainsi dire de ce fait, sujette à caution. Porter un diagnostic de schizophrénie, et d’ailleurs quelle forme de schizophrénie, sur des arguments aussi légers que le fait de négliger les concepts de Bien de de Mal et l’amoralisme supposé de Breivik étaient très contestables. Nous ne sommes plus dans la psychiatrie mais dans le monde nébuleux de la «psy»! Que disent nos collègues devant le tribunal? Ayant observé Anders Behring Breivik depuis le début de son procès le 16 avril, les Drs Torgeir Husby et Synne Soerheim ont répété que Breivik souffrait de «délires caractéristiques d'une schizophrénie». L'argumentation du Dr Synne Soerheim était celle-ci: «Il pense qu'il va tous nous sauver de notre perte dans un combat entre le Bien et le Mal. Dans ce combat, il pense avoir une responsabilité et une mission consistant à décider du droit de vie et du droit de mort ... Cette responsabilité trouve son origine dans une position proéminente dans une organisation qui n'existe pas». Elle faisait référence au rôle de «Commandeur des Chevaliers Templiers» dont Breivik s'était auréolé, institution dont la police n'a jamais réussi à prouver l'existence. Tous ces commentaires me paraissent assez surprenants de la part d'un psychiatre.
     

Commentaires


      Bien entendu il est toujours difficile de se prononcer sur un cas clinique distant. Mais enfin nous commençons de disposer d’un très grand nombre de documents qui attestent que Breivik est beaucoup plus un militant qu’un malade. Les tribunaux de Norvège avaient-ils aussi l’intention de réviser l’histoire de l’Europe, je veux dire celle des penchants criminels de l’Europe? Imagine-t-on que l'on puisse expertiser Hitler à la faveur d'un procès post mortem et examiner l'hypothèse d’une schizophrénie? Je trouve qu’on déploie ici un grand mépris pour les psychiatres et la psychiatrie en demandant à l'expert de jouer un rôle de supplétif de la presse ou de l’opinion publique. Nous avons hélas déjà connu cette forme de dérapage en Union Soviétique à l'époque où les psychiatres de l’Institut Serbski étaient des collaborateurs de la Guépéou. Peut-on imaginer qu'un tribunal d'un pays aussi avancé que la Norvège ait pu concevoir une sorte de projet de procès politique. Si le tribunal envisageait de conclure à la folie de Breivik nous aurions compris que dans un pays aussi avancé que la Norvège on peut s’inspirer d’une médecine idéologique.
      Pour Torgeir Husby et Synne-Soerheim: Breivik est donc un schizophrène paranoïde. Ces collègues sont persuadés que Breivik souffre d'un délire de type schizophrénique: Il pense qu’il va tous nous sauver de notre perte dans un combat entre le bien et le mal. Dans ce combat, il pense avoir une responsabilité et une mission consistant à décider du droit de vie et du droit de mort. Il m'est quant à moi difficile de comprendre comment ces deux psychiatres construisent leur système diagnostique.
      Mais dans la plupart des juridictions, comme cela se passe dans le droit français, les expertises ne décident pas à la place du juge. Ils fonctionnent, au fond, comme des témoins scientifiques. Ce sont des juges qui finalement emportent la décision.
     
     

La 2ème expertise
      Introduction à la contre-expertise


      La justice norvégienne va donc le considérer désormais comme pénalement responsable. "Il y a un risque élevé de récidive" ont précisé les deux auteurs de la contre-expertise, les Drs Agnar Aspaas et Terje Toerrisen. Ils estiment avoir disposé "d'autant, voire plus de matériels" que leurs confrères pour évaluer la santé mentale de Breivik. Ils assurent que Breivik "n'était pas psychotique au moment des faits". Leur rapport s'appuie sur 11 entretiens avec l'accusé, trois semaines d'observation permanente et les procès-verbaux des auditions de la police. Breivik s'est dit "content" du résultat de la contre-expertise psychiatrique. Lors de son procès qui s'ouvre lundi, "il va non seulement défendre son geste mais aussi déplorer, je crois, de ne pas être allé plus loin", a annoncé mardi son avocat.
     

La contre-expertise psychiatrique
      Rapport du 10.94.2012 de Terje Tørrissen et Agnar Aspaas


      Cette expertise du 10 avril contredit donc les conclusions de la première qui plaidait pour la "schizophrénie paranoïde".
      Les deux nouveaux experts norvégiens déclarent savoir que Breivik n'était ni psychotique ni inconscient ni arriéré mental au moment des faits. Il ne souffrait pas non plus d'un trouble mental grave obscurcissant la perception du monde.
      Voici donc un examen clinique qui parait raisonnable mais certaines affirmations laissent songeur. Pourquoi faut-il un examen 24 heures sur 24? Pourquoi affirmer qu'il "n'est pas psychotique" alors qu'un tel concept considéré de façon isolée n'a pas beaucoup de sens. Il ne se conçoit pas sans une détermination complémentaire? Le concept isolé de "psychotique" n'est en effet pas légitime. Psychose est un terme générique qui requiert une précision complémentaire pour asseoir un diagnostic. Un acte délictueux peut être commis sous l'empire d'un délire et d'hallucinations révélant l'existence d'une psychose d'un certain type par exemple d'une des variétés de la psychose schizophrénique. Mais le concept de psychose en soi ne possède pas de consistance psychiatrique suffisante.
      L'examen a consisté en un large balayage de la CIM ou de l'ICD avec l'apport de quelques tests psychométriques. Les experts ont examiné l'hypothèse de diverses cotes de l'ICD-10 comme le F 10-19, le F 20-29, le F 30-39, le F 60-69 et le F 70-89. L'hypothèse du trouble schizophrénique ou d'une forme paranoïde de la psychose schizophrénique a été contestée. Je rappelle à cet égard qu'il existe un contentieux ancien et non résolu à propos des termes "paranoïde et paranoïa" entre les francophones et les anglophones! Je rappelle que les précédents experts se référaient eux aussi précisément au F-20 de l'ICD-10 pour affirmer le type de psychose.
      Les experts écartent aussi l'hyhpothèse de troubles psychotiques brefs déclenchés par le stress, par des substances toxiques exogènes comme des psychoanaleptiques, des stéroïdes anabolisants, de l'éphédrine et de la caféine.
      Quelques réflexions cliniques nous paraissent manquer. Ainsi la notion de pensée paralogique ou pensée "déréelle" au sens d’Henri Ey n'est pas explicitée. Les formes très particulières du délire schizophrénique ne sont pas discutées. On a parfois l'impression que l'étude clinique entremêle les symptômes schizophréniques et ceux de l'automatisme mental de Clérambault. Cette concomitance est certes souvent constatée mais enfin ces syndromes peuvent tout de même se manifester indépendamment l'un de l'autre! Quoi qu'il en soit les experts ne retrouvent aucun de ces symptômes. Les experts écartent la notion de délire de grandeur comme on peut en observer l'apparition dans plusieurs sortes de psychoses.
      Breivik invoque une conspiration qui favorise l'introduction dans la société norvégienne d'une domination musulmane. Ceci pour lui justifie des actions terroristes. Cette conviction exprimée dans ces termes n'est donc pas la traduction d'un processus psychotique mais mais d'un extrémisme politique. Les experts notent en même temps le refus délibéré d’entendre des arguments contradictoires. La conclusion des experts est donc très claire.
      21.6. En (ICD-10, F 30-39). Les experts discutent de la question des troubles de l’humeur. Voir ci-dessous.
      Les experts discutent deux formes de troubles de la personnalité (ICD-10, F60-69). La première étant la F60.8 ou autres formes spécifiques de troubles de la personnalité narcissique. Breivik se regarde lui-même comme comme un personnage unique, peu compréhensible par autrui. Il estime que ses problèmes personnels seraient mieux compris par des psychiatres japonais ou coréens! Cette fantaisie de Breivik eût mérité selon moi un plus grand développement. Son défaut d'empathie au cours des entretiens est apparu assez évident.
      Les critères de la CIM-10 ou ICD-10 et du DSM-IV sont en réalité très proches. Ces sont des critères jumeaux! A peine peut-on discuter des divergences à propos du F-20 de la CIM et du F60.2 au sujet de la personnalité dyssociale. Les experts discutent assez longuement de la question des troubles de la personnalité. Ils évoquent notamment des troubles du comportement assez mineurs à l'adolescence. La question du défaut d'empathie pour la souffrance d'autrui apparaît à divers moments de sa jeunesse de Breivik.
      Les experts ont examiné le niveau mental (ICD-10 F 70-89) par le bais du WAIS IV trouvent un QI à 136
      La mission.
      La question classique en criminologie concerne l'existence d'un trouble mental en particulier de structure psychotique susceptible d'abolir ou d'atténuer la responsabilité. Les experts concluent donc à l'absence de psychose sur cette base: absence d'hallucinations, absence de délire, absence de trouble spécifique de la pensée ou d'une autre forme de trouble de la perception de la réalité. Les experts admettent qu'il existe une frontière ténue entre les idées psychotiques et les positions de l'extrémisme idéologique qui commandent de tuer en masse.
      Une psychose ne saurait cependant, selon moi, se définir à l'aide des seuls instruments classificatoires de la CIM et du DSM. J'ai suggéré une définition du concept de psychose dans un Glossaire: "La psychose est une maladie mentale majeure troublant gravement l'existence du malade dans ses rapports avec lui-même et avec le monde extérieur comportant l'altération de la conscience de soi et de la perception d'autrui et du monde extérieur, de l'affectivité, l'altération de l'intelligence, du jugement et de la personnalité. Ceci va se traduire par un trouble marqué du comportement dans la vie quotidienne le sujet vivant comme s'il était étranger à ce monde. On dit alors dans le langage courant qu'il est aliéné. Il semble que la ligne de démarcation se situe au niveau du degré de conscience que le sujet a de ses troubles. -1) Dans la pratique psychiatrique le concept de psychose est conçu dans un sens très large puisque il recouvre toute une gamme de maladies mentales dont la schizophrénie est le paradigme. Comme nous parlons de psychose rappelons que la psychiatrie reconnaît les distinctions majeures qui opposent les névroses, les psychopathies, les psychoses et les démences. -2) Chez les psychanalystes la psychose est repérée pour autant qu'il existe un accès ou non à la cure analytique. La psychanalyse distingue différentes structures comme la paranoïa et la schizophrénie, la mélancolie et la manie. Le dénominateur commun des psychoses est dans la conception psychanalytique la perturbation primaire de la relation libidinale à la réalité. Les délires sont des tentatives secondaires de restauration du lien objectal. Freud dans un premier temps repère le rejet radical hors de la conscience ou forclusion et la projection, puis le narcissisme, puis la rupture entre le moi et la réalité. Mais la psychanalyse échoue généralement à penser la psychose parce que celle-ci n'est pas en réalité au centre de ses préoccupations. -3) Les phénoménologues de l'école de pensée de Karl Jaspers opposent le processus ou le processuel du côté de la psychose à la compréhensibilité des troubles névrotiques."
      Les experts écartent l'arriération mentale en rappelant les seuils significatifs des QI. Breivik a effectivement un niveau intellectuel normal.
      Envisager un quelconque pronostic n'a bien entendu aucun sens. Mais cependant les experts estiment que la forme idéologique prédispose à des répétitions d'actes violents
     

Conclusion


      Les experts concluent de la façon suivante:
      1. L'inculpé n’était pas psychotique. Il n'était pas inconscient. Il n'était pas arriéré mental au sens des degrés du Quotient Intellectuel.
      2. Il n'a pas de trouble mental sévère impliquant un trouble spécifique de l'appréciation du réel ou des relations humaines. Il n'était pas non plus sous l'influence de tels troubles au moment de la commission des actes.
      3. Il existe un grand risque de récidive des actes violents.
     

Voyons quelques commentaires de spécialistes en Angleterre et en France


      Le Professeur Simon Wessely, psychiatre anglais expose ainsi le problème: Breivik était-il halluciné au moment où il a commis son crime? ses gestes ont-ils été suscités par une influence nettement délirante? Dans le cas d'une psychose paranoïaque, le passage à l’acte est prémédité et organisé. Il s’inscrit dans une démarche «paralogique» de revendication, de préjudice ou de persécution. Le crime est considéré comme juste et mérité. Pour le malade, l’agression n’est que de la légitime défense. Elle n’est donc que rarement suivie d’un sentiment de regret ou de culpabilité. Or, Breivik n’a pas commis ses crimes sous l’effet d’hallucinations. Aussi horribles que ses convictions puissent être il n’est pas le seul à penser que notre société est détruite par le multiculturalisme et l’Islam. Le massacre a été soigneusement préparé, planifié et méthodiquement perpétré ce qui exclut toute maladie mentale grave. Ses actes ne cadrent pas avec les crimes de type psychotiques, désorganisés, que les malades mentaux peuvent commettre.
      En France, Jean-Pierre Bouchard, que je regarde comme un excellent psychologue expert, estime que Breivik est un paranoïaque responsable de ses actes. Il n’est ni débile ni atteint de bouffée délirante. Il a montré qu’il était capable d’un haut niveau de pensée et d’actes sophistiqués. C’est un homme alerte, éveillé, vif, conscient au sens psychiatrique du terme. C’est un individu qui s’est auto-programmé pour un scénario et qui est allé au bout de son acte surenchérit Jean-Pierre Bouchard, psychologue et criminologue. Comme il est exempt d'une quelconque psychose il devra donc répondre de ses actes devant le tribunal.
      Quant à moi je reprendrais volontiers les commentaires de Bouchard. Il s'agit vraisemblablement d'une personnalité de structure paranoïaque sans aucune forme de décompensation délirante. Je considère cependant que des données cliniques nous manquent dans les deux expertises. Nous aurions pu affiner l'étude psychologique du personnage, par exemple en scrutant les sources profondes, préconscientes ou inconscientes, des "jouissances" de Breivik issues des très longues et très minutieuses préparations du manifeste idéologique et de la mise en acte millimétrée du scénario meurtrier.
     

Que nous apprennent ces deux expertises?


      1) Ma première conclusion est celle-ci. Toute cette science norvégienne se développe sous l'empire de l'ICD-10. Cette classification n'est certes pas mauvaise mais elle ne constitue pas un corpus clinique psychiatrique pertinent. A elle seule elle débouche sur une psychiatrie appauvrie. L'ICD comme le DSM ne sont que des outils techniques de classification nosologique et de communication entre psychiatres. Ces outils sont particulièrement utiles et importants en particulier dans les expertises médico-légales mais ils ne représentent pas la psychiatrie. Ils constituent seulement des compléments de l'appareillage médico-légal. Ils sont une petite partie de la psychiatrie. Ce rétrécissement progressif du corpus psychiatrique pourrait à terme menacer la pratique psychiatrique en France!
      2) On ne peut pas se priver des apports de l'histoire de la psychiatrie européenne. Les Ecoles Française, Allemande puis américaine ont assemblé depuis 200 ans un immense corpus clinique, sémiologique et nosologique que les experts norvégiens paraissent négliger. Tous les psychiatres de la planète connaissent les fastes de l'Ecole Française de psychiatrie de la fin du XIX° siècle et d'une partie du XXème siècle. On a coutume de désigner ainsi les travaux cliniques des aliénistes comme Lasègue, J.P.Falret, Baillarger, Morel, J.Falret, Jacques Magnan (1835-1916), maître de l'Admission à Sainte-Anne, Emmanuel Régis en 1885, Jules Séglas en 1895, Sérieux et Capgras, Henri Claude, Rogues de Fursac, le traité de Chaslin en 1913, Dide et Guiraud et enfin le traité de Lévy-Valensi en 1926. On doit considérer Henri Ey comme le dernier héritier de cette tradition. L'Ecole Allemande de psychiatrie réunit les psychiatres allemands et suisses du début du siècle qui ont élaboré la nosologie psychiatrique postclassique encore en usage de nos jours. Ce sont Heinrich Schüle, Krafft-Ebing, Auguste Forel, Westphal mais surtout le célèbre Kraepelin et enfin Bleuler et Karl Jaspers en 1913. On peut appeler Ecole Américaine l’ensemble des travaux de l’IPA autour des différentes versions des DSM.
      3) Si donc la première expertise était tout simplement scandaleuse, la seconde expertise rétablit un certain bon sens psychiatrique. Mais elle est cependant fragilisée par l'usage excessif et envahissant d'une classification réductrice.
      A l'heure européenne les tribunaux doivent prendre garde aux futures contestations de leurs conclusions. Des demandes de contre-expertise pourraient fort bien émaner d'autres pays européens. On peut sans peine imaginer une contestation pertinente de la première expertise fondée sur une saine conception de la science psychiatrique. Mais une contestation est aussi possible à l'encontre de la seconde expertise norvégienne. On peut considérer qu'elle n'accorde pas suffisamment de crédit au raisonnement psychiatrique classique qui est tout de même plus pertinent que celui des seules classifications CIM et DSM. Les deux nouvelles classifications internationales constituent un enrichissement incontestable de la pensée psychiatrique. Mais elles ne sauraient en aucun cas se substituer au riche corpus clinique psychiatrique classique. Nous pensons que ces méthodes s'épaulent l'une l'autre. Nous attendons un dialogue entre ces différentes approches mais non pas une nouvelle nosographie.
      4) Plusieurs questions sont soulevées à la faveur de ces deux expertises. La première observation est assez grave. Il s'agit de la faiblesse des doctrines psychiatriques actuelles dans certaines régions du monde. Je remarque ensuite l'impact négatif d'une doctrine psychiatrique fondée uniquement sur les systèmes de description des CIM et des DSM. Comme j'ai coutume de faire l'éloge de ces nouvelles classifications en particulier dans mon Bulletin* et en particulier dans les expertises médico-légales je ne saurais donc aisément me dédire. Je crois que nos collègues norvégiens ne conçoivent pas l'usage des classifications comme de simples compléments. En relisant leurs expertises je me suis demandé si je n'étais pas contraint de réviser mes jugements. Je ne critiquerais certainement pas les fondements du DSM et de la CIM mais on en voit l'effet délétère quand celles-ci remplacent les enseignements de la clinique psychiatrique classique.
      5) Enfin nous déplorons que les idéologies basées sur "la pensée conventionnelle" pervertissent les jugements sereins des experts et des sapiteurs. Nous avons hélas déjà connu cette forme de dérapage en Union Soviétique à l'époque où les psychiatres de l’Institut Serbski étaient des collaborateurs de la police politique du pouvoir. Si le tribunal d'Oslo avait conclu à la folie de Breivik nous aurions déploré qu'un pays aussi avancé que la Norvège, adoptant une médecine idéologique, trahisse les idéaux de la psychiatrie. Il n'est jamais convenable d'encourager des psychiatres à jouer un rôle de supplétif du pouvoir, de la presse et de l’opinion publique.
      Paris le 19 mars 2013
     
      Rapport d'expertise des Drs Torgeir Husby et Synne Soerheim
      Rapport d'expertise des Drs Agnar Aspaas et Terje Toerrisen
      www.bulletindepsychiatrie.com/classifications.htm
      Ludwig Fineltain, "Glossaire Psychiatrique" Frison-Roche, 01. 01.2000
     
     
     
               

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Ludwig FINELTAIN
           

            Psychiatrist and Psychoanalyst
            PARIS (FRANCE)