Ephemerides 7 en 2002
Bulletin de psychiatrie
(parution semestrielle ou annuelle)
Ephemerides 2002
Travaux de l'Académie des Sciences Sexologiques

Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Paris

E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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Edition du 21.1.2002
Mise à jour du 8.2.2002
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Travaux de l'Académie
EPHEMERIDES 2002
Dr Ludwig Fineltain

038 039
Coutanceau et les membres de l'Académie Coutanceau et les membres de l'Académie

   

EPHEMERIDES 2002


   ACADEMIE DES SCIENCES SEXOLOGIQUES
   Réunion annuelle
   20.01.2002
   nouvelle mise à jour du 20.3.2002
   "Prise en charge des patients abusés .. et des abuseurs"



   ACADEMIE DES SCIENCES SEXOLOGIQUES
   Réunion annuelle
   20.01.2002


   
   L'Académie tenait sa réunion annuelle le 20 janvier 2002 à Paris sur le thème suivant:
   "Prise en charge des patients abusés .. et des abuseurs"
   
   Qu'est-ce que l'Académie des Sciences de la Sexualité ? Après qu'en 1974 fût créée la Société Française de Sexologie Clinique nous éprouvâmes le besoin d'instituer une Académie pour garantir certes notre immortalité, mais surtout pour répondre à des exigences qui nous paraissaient prioritaires. Nous voulions débattre entre nous chaque année sur un thème sexologique d'ordre général. Nous organisons depuis lors chaque année un séminaire consacré à l'étude d'un thème que nous rangeons dans une rubrique originale : la métasexologie.
   L'académie fut d'abord présidée par notre ami le Dr Charles Gellman puis ensuite depuis quelques années par notre collègue Gérard Valles, psychiatre et psychanalyste. Il assure cette fonction avec une aimable autorité. Le thème retenu en 2002 était le suivant: "Prise en charge des patients abusés .. et des abuseurs"
   Vous remarquerez comme ce sujet préoccupe les spécialistes. Il est assez proche du thème de l'année précédente, "Les violences conjugales". Les exposés sont généralement préparés par les seuls membres de l'honorable académie mais celle-ci accueille de plus en plus volontiers des correspondants extérieurs réputés pour leurs travaux.
   L'Académie existe donc depuis 1976. Son siège est à Paris. Elle est composée de membres, peu nombreux, cooptés, généralement issus de la Société Française de Sexologie Clinique et connus pour leurs travaux dans cette spécialité. Elle se réunit une seule fois par an, le plus souvent en janvier. La coutume voulait au cours des 15 premières années qu'on tienne réunion dans une ville d'eaux puis a prévalu avec le temps le choix d'un site gastronomique à Paris. Le plus pittoresque d'entre eux fut sans doute en 1999 une auberge située dans l'enceinte du parc des Buttes-Chaumont. Je ne manque jamais aucune des réunions de ladite Académie!
   
   Le thème choisi cette année fut donc le suivant: "Prise en charge des patients abusés .. et des abuseurs"
   
   Nous recevions trois invités: la Présidente de l'Association "Collectif Féminin contre le Viol". une déléguée de l'écoute téléphonique de "Viol Femmes Informations" et notre collègue le Dr Coutanceau. A ceux-ci succédaient d'autre part cinq exposés de membres de l'académie.
   
   Les invités:
   Mme le Dr Emanuelle Piet, Présidente de l'Association "Collectif Féminin contre le Viol".
L'orateur expose tout d'abord les activités de l'association. J'ai retenu quelques chiffres éloquents:
   - 18% des femmes après 18 ans déclarent avoir été victimes d'agressions notables
   - 8% ont subi un viol, dont la moitié quand elles étaient mineures
   Le Dr Piet nous montre une série d'autres chiffres très significatifs.
   - 100000 viols par an, ce qui est énorme
   - 8000 plaintes suivies seulement de 1200 condamnations
   - Un très faible pourcentage de viols ont été punis!
   Les victimes ont intégré la consigne d'observer le silence et de se taire dans diverses occasions. L'événement s'est produit sous l'empire de la passivité et du silence aussi bien Mme Piet estime-t-elle que le divan et le silence psychanalytique devraient être absolument proscrits. La situation d'écoute analytique pourrait donc, dit-elle, aggraver l'angoisse des victimes. Les victimes, nous dit Mme Piet, ont beaucoup parlé des agressions subies de la part de thérapeutes. Elles sont donc "revictimisées" par les thérapeutes. Les victimes sont des proies faciles au cours de leur vie ultérieure. Ainsi, insiste Mme Piet, existe-t-il effectivement des thérapeutes agresseurs sexuels, des psychothérapeutes et des sexologues agresseurs sexuels!
   D'autres précisions encore:
   - Mme le Dr Piet précise qu'un tiers des enfants victimes sont des garçons.
   - 80% des filles héroïnomanes ont subies des agressions sexuelles antérieures.
   
   Intervention du Dr Fineltain
   Mme le Dr Piet expose le destin des victimes, en particulier revictimisation, dans des termes qui ressemblent à ce que décrit le psychologue israélien Feldman avec qui j'ai eu l'occasion de discuter de tous ces problèmes. Cette question justifierait une étude psychologique plus approfondie.
   
   Mme Piet (suite)
   Quelques cas cliniques ont été pris en charge par l'association. L'un d'entre eux, un mineur a attiré notre attention: "Un môme en prison, qui a tué quelqu'un, se montre très fier de la "trace de son père". De quoi s'agit-il? Il exhibe une série de cicatrices thoraciques de brûlures de cigarette que lui a infligées jadis son père"! A propos de beaucoup de ces cas très lourds, le Dr Piet estime que décidément le soin est impossible parce qu'on n'a pas appris à certaines de ces petites victimes ce qui est permis et ce qui est interdit.
   
   Une intervenante, la seconde invitée, accompagne Mme le Dr Piet et prend la parole. Elle est chargée d'accueil et animatrice à l'écoute téléphonique de "Viol Femmes Informations". Elle constate que ces femmes victimes évitent de nommer ce qu'elles ont subi. Elles n'auraient jamais parlé de leur viol à leurs thérapeutes!

   Cette observation ne manque pas de surprendre l'assemblée. La dimension tragique du destin de ces victimes nous surprend tous. Il apparaît que le public au contact de ces associations n'est pas le même que celui que nous recevons. Il est évident, dans nos cabinets de consultation, sans aucune pression de notre part, que le passé éventuel de victime est très rapidement abordé par nos patientes.

Suite de l'exposé:
   Quel est le rôle d'écoute du numéro vert? Il est important de généraliser c'est-à-dire d'évaluer le risque de récidives qui feraient d'autres victimes. La culpabilité des victimes est si grande qu'elles en font une affaire très personnelle en méconnaissant la possibilité d'autres agressions ultérieures.
   Le rôle des groupes de parole a pour but:
   - parler et resituer dans un contexte social
   - échanger avec d'autres victimes
   - accompagner éventuellement la victime dans une procédure judiciaire; on les sécurise en les accompagnant; le temps fait son oeuvre; l'une d'elle a dit: "Aujourd'hui je suis prête à lui cracher à la gueule ce qu'il m'a fait".
   
   Intervention du Dr Fineltain
   1- Je pense qu'il faut étudier comment certaines victimes se retrouvent ultérieurement de nouveau fréquemment l'objet d'agression. Cette répétition requiert une réflexion sur les grandes questions de la victimologie. Ceci est nécessaire parce que nous connaissons tous des cas de destinée névrotique d'échec
   2- Nous souhaiterions mieux connaître le point de vue théorique de l'association sur le rôle des groupes de paroles de victimes d'agressions sexuelles
   3- A propos des thérapeutes: l'association estime que les 23000 personnes qui sont venues demander de l'aide ne parviennent pas à trouver de thérapeutes adéquats. L'Association voudrait que le thérapeute soit non seulement capable d'écoute mais aussi d'aider les victimes en se centrant sur la problématique de victime!
   4- Il existe donc dans cette Association un scepticisme non déguisé à l'encontre des psychothérapeutes. J'aurais souhaité que Mme Le Dr Piet nous expose sa conception d'une bonne psychothérapie. C'est un thème majeur à notre époque puisque le débat sur le statut des psychothérapeutes fait rage et que tout le monde doit selon moi donner son avis. Nous n'avons pas eu hélas de réponse à ces questions.
   J'ai souhaité poser encore la question suivante: "Je suppose, Madame, que vous pensez, comme beaucoup d'entre nous, à la fonction quasi thérapeutique de l'action de réparation judiciaire?". J'ai eu l'impression d'un acquiescement.
   Quant au projet de "re-situer les victimes dans le contact social", c'est une notion qui n'a pas été assez précisée
   
   Les exposés
   Le Dr COUTANCEAU, Psychiatre des Hôpitaux, Antenne de psychiatrie et psychologie légale de la Garenne Colombes.

   Notre remarquable collègue a déjà été invité autrefois à présenter ses travaux à l'Académie.
   Coutanceau nous expose comment une stratégie thérapeutique en psychocriminologie doit absolument s'adapter à ces patients qui sont littéralement "usants". Ce sont des personnalités pathologiques en particulier sur le mode psychopathique ou borderline, des pervers et parfois des héboïdophrènes mais peu ou pas de psychotiques proprement dits. Coutanceau concentre son exposé sur les traits phobiques, les inhibitions, la psychorigidité - "je suis débordé par ces fantasmes qui me persécutent", le phallocratisme qui conduit à externaliser le processus: - "elle m'excite cette salope, elle va passer à la casserole" -. Et Coutanceau de poursuivre ainsi: "La partie secondarisée n'est pas très développée. Ce que nous voyons le plus souvent à la faveur des obligations de soins, patients majoritaires, c'est le déficit de la secondarisation. Il nous faut alors travailler la capacité instrumentale du Moi".
   Les stratégies thérapeutiques en injonction de soin sont difficiles à mettre en oeuvre. Coutanceau remarque tout d'abord que de nombreux professionnels ne connaissent pas assez la psychosexologie. Quelques rares patients viennent de leur propre chef. Ceux là, parmi les patients, qui viennent d'eux-mêmes, devancent souvent un processus judiciaire en prenant ainsi leurs marques par anticipation! L'injonction va-t-elle contre le processus transférentiel? Grande question. Autre grande question: l'usure! En thérapie individuelle ces patients usent leur thérapeute. En groupe ça va mieux: beaucoup d'entre eux mentalisent mieux en groupe, c'est le "bain de groupe", lieu d'accélération des processus mentaux.
   Coutanceau veut nommer et clarifier le champ fantasmatique. Il leur dit en substance: "De toute façon votre intérêt est de progresser vers une plus grande lucidité. Donc mieux vaut dès maintenant élaborer un discours de vérité". Coutanceau souhaite en somme aider l'agresseur à mieux repérer chez lui les moments de risque. Mais encore l'agresseur potentiel doit-il repérer ces moments en se posant la question suivante: "Quel destin pour moi, dès maintenant?"
   
   Intervention du Dr Fineltain
   L'exposé très riche du Dr Coutanceau m'a incité à en discuter certains points. En psychanalyse, avec le temps, depuis 60 ans, on est passé de ce que mon ami le Dr Gibello appelait "l'orthodoxe névrose" à la "psychanalyse assouplie des borderline". Autrement dit tout a évolué: la séméiologie et le maniement du silence. Serge Lebovici, que j'aimais, beaucoup, nous disait: un psychanalyste doit "interpréter, interpréter et interpréter encore". Ainsi donc la théorie de l'analyste totalement muet est-elle une légende ou bien un défaut de jeunes analystes débutants tout droits sortis de l'Institut de la rue Saint-Jacques.
   Pour introduire l'acétate de cyprotérone il faut nommer d'autre part l'un des moteurs du drame, la testostérone. "L'un des patients violeur que j'avais reçu il y a très longtemps était un infrmier qui avait abusé de plusieurs patientes. Je l'avais pris en entretien et j'avais abordé avec lui la question de l'Androcur qui venait d'apparaître. Le patient m'a répondu en me demandant un certificat scientifique destiné au juge disant "qu'il était probablement victime des phéromones émanant des femmes". J'ai du lui expliquer qu'un tel certificat ne serait pas justifié et je me suis donc récusé.
   J'ai compris que Coutanceau était partisan de mieux connaître le dossier judiciaire du patient. Je trouve à cet égard la position de Coutanceau excellente. Dans les cas de pathologie extrême il faut absolument que le patient perçoivent que son thérapeute "connaît la musique". Un thérapeute doit offrir l'image d'une personne "au parfum"! Beaucoup de patients fuient en effet les thérapeutes qui donnent d'eux-mêmes une image d'inquiétante candeur. J'aurais envie de proclamer ceci: "Les patients doivent légitimement fuir les thérapeutes dotés d'une inquiétante candeur!"
   L'intervention de Coutanceau permet d'autre part de déterminer et d'ouvrir un champ de réflexion assez vaste. Je trouve dans cette attitude un écho de mes réflexions à propos de l'archéologie du psychisme et de la téléologie. Les spécialistes de la psychopathologie devraient en effet assumer une réflexion sur le "devenir" qui est contenu dans le champ présent de la représentation psychique. La réflexion du Dr Coutanceau sur la question du destin me plaît: c'est la problématique de la téléologie c'est-à-dire celle qui est au centre de la philosophie phénoménologique que nous avons pu entevoir dans "Ideen" d'Edmund Husserl.
   
   Dr France PARAMELLE
   Nous connaissons cette excellente collègue depuis de très nombreuses années. Elle fréquente l'Académie depuis les débuts. Elle décrit le cas clinique d'une victime d'agression sexuelle. Dans son excellente communication notre collègue s'appuie sur des pré-requis typiquement psychanalytiques. "La patiente, nous dit Paramelle, doit absolument se sentir sujet coopérant avec un autre sujet". Le couple est présent à la première consultation. La patiente veut un enfant. Elle ne ressent rien à la faveur des relations sexuelles. L'anamnèse paraît lisse: études supérieures brillantes. Une première proposition thérapeutique, "le sensate focus", qu'elle transmettra à son mari qui n'est plus convié aux consultations ultérieures. La patiente a rapidement bénéficié d'une sorte de processus de détente. Elle évolue alors de la frigidité à l'anaphrodisie et de l'absence de plaisir à l'absence de désir! Cette évolution paradoxale explique les suites du traitement. Sur le divan ensuite elle racontera l'histoire de son adolescence. Elle avait une copine moins brillante qu'elle. Elle va aimer le frère qui était une sorte de leader d'une bande de jeunes gens de sa résidence de banlieue. L'amant va l'embarquer dans un viol collectif. Elle s'y est soumise en résistant musculairement mais sans crier. C'est une sorte de film sans émotion. Elle se sépare de tout ce petit monde c'est-à-dire de son copain et de la copine du HLM. Elle va se consacrer totalement à ses études et se marier. Les troubles sexuels s'éclairent donc: elle se punit de se venger ou se venge en se punissant, en n'éprouvant rien avec un homme. Elle pourra enfin parler de son désir de punir les trois ou quatre violeurs. Elle se lance dans une longue enquête sur ses anciens violeurs: deux d'entre eux sont morts dans un accident de moto. Elle évolue en élaborant de plus en plus ses sentiments de haine. Elle retrouve le leader qui est en fait en prison pour 10 ans encore. C'est à ce moment là qu'elle peut se sentir autrement coupable. Elle veut cesser son traitement à ce moment là de son évolution. Mais le Dr Paramelle eût aimé approfondir le pourquoi de l'impossibilité d'en parler aux parents.
   Le Dr Paramelle poursuit ainsi sa réflexion à propos de ce cas: "Ma patiente avait élaboré une demande centrée sur le symptôme. De plus elle présentait un fonctionnement psychique que l'on peut dire être sur un mode opératoire. L'anamnèse donnée avant la cure ne faisait pas mention du trauma subi. Cette patiente est apparue au fur et a mesure du travail comme fonctionnant sur un mode de clivage. Le travail corporel a effectivement été vécu par elle comme la restauration d'une confiance telle que le petit enfant peut l'établir dans la relation précoce avec la mère (cf Lowen). Mais ce travail s'est établi non pas dans une relation duelle mais dans sa symbolique triangulaire. Le premier modèle opératoire utilisé a permis de passer à un autre modèle opératoire: verbalisation associative qui a permis peu à peu de lever le clivage et a permis le travail de remémoration du trauma. Cette remémoration et la possibilité d'exprimer les affects de colère et de haine, ainsi que les sentiments de culpabilité a permis la levée du symptôme. La reconnaissance de sa position de victime et la légitimation de sa "réaction" au viol collectif subi a aussi concouru aux retrouvailles de sa capacité d'aimer. Elle a pu esquisser le conflit avec son père au moment de l'adolescence mais effectivement comme elle entretenait de nouveau de bonnes relations avec sa famille elle n'a pu envisager de communiquer avec eux à propos du trauma subi à l'adolescence. Les représentations du soubassement oedipien du vécu traumatique a été abordé. Mais effectivement la patiente n'a pas souhaité prolonger ce questionnement et a préféré centrer sa vie sur le projet d'enfant.
   
   Mme Martine MASSON "La Gestalt et la prise en charge d'abusée"
   Quelques concepts clefs de la Gestalt:
   - Awareness: écoute très globale - Mise en acte - Interpellation directe: imagine que cette personne soit là et ... - Représentation sur paperboard.

   "Estelle 21 ans éprouve des absences de désir et arrête parfois la relation sexuelle en cours. Son ami n'y comprend pas grand chose. Estelle parle de souvenirs d'attouchements qui la hantent, caresses d'un ami de la famille, sans pénétration. Le travail sur paperboard, le dessin du pénis mutilé par elle avec les ciseaux permettent un aboutissement de la thérapie.
   
   Intervention du Dr Fineltain
   Je remarque que la Gestalt est apparemment très codifiée. On sent bien cependant que la thérapeute est aussi une analyste éprouvée. Un raisonnement psychanalytique pur eût postulé dans ce cas que la relation induit chez la thérapeute une posture de spectateur et de voyeur intrusif et donc persécutif.
   
   Une autre patiente, difficile, ne veut rien dire. Elle attend que la thérapeute pose les questions. Et soudain consent-elle à lâcher: "Ça s'est passé avant 10 ans".
   On apprendra après 15 mois de thérapie que d'abord victime de son cousin, qui avait un an de plus, elle va ensuite d'elle-même au devant de la relation comme pour devancer le harcèlement. Ceci a duré 9 ans, de l'enfance à l'adolescence. A partir d'une certaine date les contacts sont devenus quotidiens. Le garçon était également sadique et humiliant. Puis au fil du temps il y a eu des coïts. La thérapeute estime que la sollicitation de dire en mots ce qu'elle a vécu est difficile mais essentielle dans la Gestalt. Elle parviendra à dire : "J'ai été un peu abusée" puis plus tard : "J'ai été abusée". La patiente rompra plus tard les relations avec sa mère qui eut jadis un comportement douteux et intrusif. Après le 2ème enfant, reprenant son enseignement, la patiente n'eut pas le courage d'enseigner en deuxième cycle, à des enfants qui ont atteint l'âge de son ancien petit séducteur. Une tentative de suicide déclenche la prescription d'un arrêt de travail de longue durée.
   
   Mr Claude Esturgie: "Un cas clinique cloacal
   Une jeune femme de 30 ans suivie pendant un an avait subi une intervention pour juguler l'évolution d'une tumeur cancéreuse mammaire. L'évocation de tout ce qui est périnéal fait naître chez elle une angoisse très forte. Enfant elle était chaque jour vigoureusement lavée et astiquée par sa mère. Elle redoutait les épisodes de lavage sur un bidet. On s'interroge sur le lien entre l'abus maternel et les futures phobies et en particulier chez elle celle des couteaux. Tout ce qui évoque vulve et périnée fait naître chez la patiente une angoisse des couteaux. L'orateur nomme cela l'angoisse cloacale. L'auteur nous signale un texte consacré à la "pensée cloacale" décrite dans un article dont j'ai omis la référence. Une relation y est précisément décrite entre les expériences de périnées violentés au cours de l'enfance et une vie fantasmatique très particulière. Chez Angélique la crainte centrale était la persistance d'une vacuité périnéale.

   Remarque. Cet exposé est particulièrement intéressant. Coïncidence: une jeune femme m'avait exposé assez longuement au téléphone voici une semaine une séméiologie comparable. Elle se plaignait en outre que les divers psychiatres et sexologues qu'elle avait consultés fussent demeurés perplexes. Ceci dit elle n'a pas confirmé sa demande de consultation. Elle m'a donc cantonné dans ma perplexité!
   
   Finalement cette réunion annuelle de l'Académie fut riche en enseignement. Nous avons d'abord observé combien les activités des associations d'aide aux femmes abusées étaient difficiles et frustrantes. Quant aux exposés des membres de l'Académie: c'est justement la diversité des doctrines qui fait leur richesse. Nous n'avons pas échappé bien entendu aux rivalités tout à la fois comiques et sympathiques entre orthodoxes et lacaniens. Mais le plus important à l'Académie c'est justement la capacité des diverses stratégies thérapeutiques de se côtoyer et et de coexister pacifiquement.
   Ces vertus exceptionnelles ainsi décrites ne sont-elles pas devenues fort rares en 2002?
   
   Dr Ludwig Fineltain Neuropsychiatre Psychanalyste Directeur du Bulletin de psychiatrie
   fineltainl@yahoo.fr



Dr Ludwig Fineltain