La télémédecine est en pleine expansion. C'est en réalité internet, beaucoup plus que l'informatique classique, qui est à l'origine d'un usage médical et thérapeutique considérable. Nous en sommes actuellement à la phase du téléconseil médical. Ceci mérite qu'on s'y arrête un instant. Je pratique le téléconseil psychiatrique depuis plus de 10 ans. Les premières procédures consistaient en un forum Minitel, dénommé CSA, réservé aux médecins. Ceux-ci exposaient les cas problématiques et je donnais à cet égard de longs avis circonstanciés: par exemple une dizaine de pages de texte. Puis ensuite le téléconseil s'est développé de jour en jour dans internet, au travers des forums de la FFP, des news comme med.bio.fr, fr.bio.medecine, sci.med.informatics, sci.med, sci.med.psychobiology, sci.med.telemedicine, sci.psychology.research et les forums du Dr Ivan Goldberg, malheureusement en anglais. Autre source importante de téléconseil: les courriers électroniques suscités par la lecture des grands WEB psychiatriques.
   Le développement de ces derniers échanges est si considérable qu'il est impossible d'en faire ici la présentation succincte. Ainsi par exemple a-t-il été possible en 1998 de faire une expertise psychiatrique collégiale (à plusieurs voix). Ainsi ai-je pu effectuer de riches échanges d'informations psychiatriques avec des collègues au Brésil et avec un collègue psychiatre japonais, professeur à Kyoto, que je n'avais pas revu depuis 1971! Ainsi par exemple m'a-t-il été possible de construire une revue scientifique psychiatrique accessible uniquement sur le WEB. Des procédures thérapeutiques sont proposées à nos collègues médecins et psychiatres dispersés dans le monde.
   Déjà apparaissent des protocoles de télémédecine et de télépsychiatrie en particulier en Finlande pour rendre service aux populations isolées comme le sont les Esquimaux et les Inuit du pays des glaces. Il faut souligner à cet égard que les premiers soins concernaient les enfants, plus précisément en pédopsychiatrie.
   J'ai quant à moi étudié depuis 4 ans la possibilité de conseils psychothérapiques auprès de quelques personnes qui se trouvent désemparées, dans des régions très isolées. L'une d'entre elles est une infirmière d'un grand hôpital de Genève qui ne souhaite absolument pas parler de ses problèmes à l'un des nombreux et excellents psychiatres qui l'entourent.
   Enfin, "last but not least", de très nombreux WEB ont une vertu thérapeutique résultant du foisonnement des informations médico-psychiatriques qu'ils produisent. Il faut noter en particulier les effets remarquables des procédures de l'hypertexte, "texte en abîmes", des "FAQ", des modalités "Questions Réponses" etc... Les vertus thérapeutiques de ces nouvelles modalités sont très vraisemblables mais nous sommes à l'heure actuelle incapables d'en évaluer la portée. On peut au minimum constater l'enrichissement des connaissances et des savoir-faire de l'ensemble de la population.
    La télépsychiatrie
   1) Les petites interventions.
   J'ai eu une dizaine d'autres cas mineurs qui étaient des patients perdus appelant à l'aide dans des circonstances assez variées. L'un à Lyon, se reconnaissant dans un cas borderline décrit dans ma revue, demandait conseil. Il avait été suivi par quelques psychiatres lyonnais et demandait que faire. Une autre, patient demeurant dans une petite ville d'Argentine, demandait comment obtenir de l'olanzapine pour les troubles schizophréniques. Un autre en Belgique demandait si ses troubles hypersexuels étaient une indication d'acétate de cyprotérone. Un autre demandait si ses troubles étaient justifiables d'un psychiatre, d'un psychologue, d'un psychothérapeute ou d'un psychanalyste. Bref des demandes assez classiques sans grande implication de ma part.
   Ma conclusion est la suivante: "wait and see". Les résultats sont encore actuellement limités. Le bénéfice immédiat est certainement le travail du téléconsultant.
    La situation a beaucoup évolué depuis 3 ans. J'ai pris en charge deux cas cliniques conformément à un protocole expérimental. Ces patients sont vus chaque mois et entre-temps la psychothérapie se poursuit par email à jour fixe. L'évaluation est en cours.
    Le premier auditoire en 2001 capable d'examiner cette question fut bien entendu l'association des MMT. Il s'agit de patients lointains que je voudrais voir chaque semaine en entretiens psychothérapiques. Je les vois une fois par mois et entre-temps, la procédure suivante a été proposée: chaque semaine un texte par email assorti d'une réponse substantielle. Puis l'ensembles des questions est reprise à la faveur de la rencontre mensuelle concrète.
    Une remarque d'un collègue psychiatre membre des MMT avait attiré mon attention. Ces sessions, disait-il, représentent beaucoup plus une variété de "counselling" qu'une consultation proprement dite bref une intervention quasi pédagogique. Rappel du cas clinique. Il s'agit donc d'une femme de 40 ans qui a vécu dans sa vie de couple des événements d'une gravité exceptionnelle. La patiente s'est installée petit à petit dans une atmosphère de désarroi puis bientôt de peur panique. Elle parle de sa dépression mais aussi d'un vague désir de reconstruire une nouvelle vie. Tout ceci serait assez banal si elle habitait près du cabinet de consultation. Mais hélas cette patiente demeure et travaille en province loin très loin de Paris. Il lui est impossible de perdre deux heures dans les trains pour venir 1 ou 2 fois par semaine à des séances de psychothérapie. Je l'ai donc suivie conformément à la procédure décrite ci-dessus. Ces séances "email" que j'appelle "sessions" ont donc constitué des équivalents de séances de psychothérapies. Après ces sessions les contenus des échanges seront repris à la faveur de notre rencontre concrète. Ceci implique une conclusion remarquable. La mayonnaise prend! Le grand critère en effet est le processus de perlaboration ou durcharbeit. Il existe un travail d'élaboration psychique à partir du discours de la patiente et des réponses interprétatives que je lui ai fournies de telle sorte que la reprise du discours témoigne d'une évolution ou d'une reconstruction des positions de la patiente. Dans l'état actuel de l'expérimentation cela signifie que le processus psychothérapique est également possible par ce moyen.
   2) La pratique infraclinique des forums.
   Des internautes fragiles se manifestent dans les forums ou plus volontiers dans les listes de diffusion, en particulier parmi les forums de Psydoc-France qui est l'expression officielle de la FFP. En voici un exemple caractéristique, brut, avec sa charge d'angoisse et ses grossières fautes de français. Nous avions donc reçu ce message, en mai 1999, sur un forum de Psydoc-France: "Bonjour Dr! Je m'appelle V. et j'ai 24 ans. Le 20 mars dernier j'ai eu un choc émotionnel aigu (diagnostiqué par un psy). A la suite d'un entretien avec un médium qui communique soit disant avec l'au-delà! Le problème c'est que cette personne m'a dit des choses tellement vraies sur mon passé etc...". Ainsi peut-on sur un forum laisser libre cours à toute une fantasmatique inavouable, sombre et inquiétante.
   3) Le télétraitement et la vidéoconférence
   La vidéoconférence se développe beaucoup. Elle est au centre des activités médicales américaines, en particulier à la faveur des interventions militaires en Iraq, en Bosnie et au Kosovo. Je suis à cet égard assez sceptique. Je pense que c'est un gadget d'avenir incertain.
    Il existe en réalité des aspects très divers de la télémédecine:
   Télé-encadrement ou téléconseil: établissement d'une relation entre un spécialiste (jouant le rôle de mentor) et un médecin de soins primaires, un résident, une infirmière, etc.
   Téléconsultation: consultation entre médecins et autres professionnels de la santé à divers endroits dans les cas de malades en phase critique et ceux nécessitant une deuxième opinion.
   Télédiagnostic: services diagnostiques fournis par des groupes de spécialistes aux établissements éloignés qui n'ont pas d'experts sur place. Celui-ci requiert un plateau technique substantiel.
   
   

   .A l'époque de la construction du site de la FFP s'était posée la question de la vocation des sites à la formation continue.
   Il faut noter un paradoxe moderne. Les férus d'internet sont justement les psychiatres d'excellence. Ils n'auraient a priori pas besoin de formation!
   Que Psydoc-fr devait devenir un instrument efficace de la formation continue c'est une évidence. Mais de quelle façon.
   
    Réflexions générales sur les rapports entre internet et le livre
   Lieu de mémoire. Internet n'est pas seulement un outil et une technique. Internet ne se résume pas au progrès technique. C'est aussi un lieu de mémoire c'est-à-dire un moment historiquement daté de la diffusion du savoir, un moment historique dans l'histoire des idées, de la communication et de l'intelligence humaine. Aussi peut-on survoler l'évolution intellectuelle de l'humanité de la façon suivante:
   I. Une première période est celle de la tradition orale, période dite homérique qui permettait aux savoirs une transmission d'homme à homme. Les récits sont mémorisés, répétés et transmis oralement de génération en génération.
   II. Une deuxième période, celle de l'épigraphie, période épigraphique. Les écrits sont déposés sur la pierre, les argiles et le papyrus. L'épigraphie peut être confondue avec la période manuscrite, celle des parchemins et des livres d'heures.
   III Une troisième période est celle de l'imprimerie, période dite de Gutenberg. La diffusion du savoir permet au peuple des croyants d'accéder aux Ecritures Saintes sans aucune médiation. Nous pouvons y déceler l'une des sources de la réforme.
   IV. Une quatrième période est celle d'internet, de la communication électronique, de la télématique. C'est aussi l'univers de Mac Luhan et du village planétaire. Ainsi apparaît une nouvelle forme de diffusion du savoir. Celle-ci obéit à de nouvelles règles. Instantanée et massive, elle paraît sans frein ni censure. Ce dernier point est d'une grande importance. On croit souvent qu'une transmission excessivement libre des savoirs produit des monstruosités. Ce n'est pas l'aspect le plus important de la nouvelle forme d'écriture. La censure jadis fonctionnait aux dépens de la littérature grise. Par ce biais la littérature grise discrète accède désormais au rang de littérature officielle. La diffusion de la littérature grise, du savoir gris au savoir lumineux des bibliothèques.
   
    Quel destin pour internet?
    L'histoire des bibliothèques éclaire le destin d'internet. Un exposé de Steiner en 1998 inspire aujourd'hui mes réflexions puisque tout ce que dit cet auteur merveilleux est toujours remarquable. L'histoire de la lecture en Occident est gouvernée par la Thora, le livre de la vie: tout homme doit être inscrit dans le livre de la vie. Saint Jean dira plus tard dans les Evangiles que les sept sceaux seront brisés au jour du jugement dernier.
   La bibliothèque apparaît très tardivement dans l'histoire des civilisations afin de conserver manuscrits et rouleaux des Grecs anciens en particulier à Alexandrie. La perte de cette bibliothèque est certainement un drame qui nous laisse inconsolable. Le rouleau possédait d'incontestables qualités d'exposition. Les volumes étaient donc jadis, des manuscrits enroulés autour d'un bâtonnet, des rouleaux ou volumines. Du papyrus on passe à la peau animale de Pergame c'est-à-dire au parchemin. Le livre moderne quant à lui libère la main du lecteur. Le livre au XVème siècle se répand à vive allure suscitant d'immenses problèmes de classement qui persistent jusque aujourd'hui. Le livre n'est pas une forme idéale. Comment composer un classement thématique des écrits? Songeons au destin de la métaphysique. Où fallait-il disposer les livres traitant du cosmos parmi les écrits d'Aristote sur la physique? A côté, en dehors ou après? Ainsi naquit la catégorie presque purement topologique de la métaphysique: après la physique. Les classifications! Tel est le problème des livres. Le poids physique des grandes bibliothèques du passé est loin d'être chose négligeable. Les bibliographies sont devenues immenses. Il existe désormais des bibliographies secondes ou tierces! Les très grandes bibliothèques donnent le vertige. Beaucoup de lecteurs se sont blessés en tombant des échelles! Certaines recherches de livres sont acrobatiques. Je me souviens d'un bibliothécaire qui fut surpris à occuper sont temps en bas des échelles sous les jupes des lectrices! Tout cela devient problématique et périlleux!
   La première bibliothèque d'Europe fut créée à Venise, rêve fou de Bessarion, l'archevêque de Nicée. Les bibliothèques sont l'un des lieux sacrés des pouvoirs des nations. Voyez comme la Bibliothèque Nationale de France à Bercy a passionné le Président Mitterrand! Mais les livres peuvent disparaître à jamais. A l'ère d'internet les écrits par bonheur deviennent intemporels et éternels. Le rêve de Leibniz d'une seule bibliothèque planétaire se trouve bientôt réalisé. Internet est une grande bibliothèque vivante animée d'un mouvement incessant.
    Mais la lecture du manuscrit ne va-t-elle pas changer? La période de l'écriture est en réalité très brève, 3.000 années, précédées par 10.000 ans d'oralité. Socrate, Platon et Jésus-Christ ont eu horreur de l'écrit! L'écrit était l'ennemi de la mémoire humaine.
   Nos très grandes bibliothèques nationales nous dit Steiner sont déjà dépassées. Ce sont d'ores et déjà des cimetières de livres. Dans les rayons de ma bibliothèque certains livres se sont assoupis! Mon Proust en 7 volumes dort dans un rayon de ma bibliothèque assez rarement entr'ouvert.
    Ecoutons encore Steiner. Le livre comme objet physique est un temple de la mémoire. Les bibliothécaires n'aiment pas les lecteurs. Ils préfèrent projeter les livres sur un écran. L'espace coûte cher: ma bibliothèque et le silence qui la baigne m'ont coûté cher. C'est un luxe. Le livre est-il pour autant un gardien du silence? "Lire consiste à être seul avec un livre. Mais l'art immémorial de la lecture va-t-il survivre? Ne sommes-nous pas au siècle des zappeurs, des rapeurs et des rockers? Quelles doivent être les concessions acceptables?"
    Je note cependant qu'internet n'est pas l'ennemi du livre.
   
   

LA VIOLENCE ET LES IMAGES
Les jeux vidéos
    Les jeux vidéos soulèvent parmi les psychiatres et psychologues des réponses très contrastées. Je crois que le Dr Lebovici, célèbre psychanalyste d'enfants, estimait les jeux en question nocifs pour les très jeunes enfants. Je n'ai pour ma part jamais observé le moindre problème à cet égard.
    Existe-t-il un risque de dépendance à l'informatique ou à internet? Une échelle d'évaluation de la dépendance en question a été proposée d'abord sur le mode humoristique par notre collègue américain, le Dr Ivan Goldberg -c'était, dans son esprit un simple canular- puis ensuite sur un mode sérieux.
    La violence
   Les procès d'intention naissent contre des films ou des jeux vidéo qu'on accuse d'être responsables des actes de délinquance commis par des jeunes. Je suis à cet égard assez sceptique et réservé. A la valeur d'un film ou d'un jeu répond la richesse des fantasmes des enfants spectateurs. Des oeuvres peuvent faire naître les émotions de vie, de mort ou d'amour.
    Raisonnons par analogie. L'enfant n'est pas capable comme l'adulte d'élaborer sur un mode purement langagier dans l'espace d'une relation thérapeutique. Il a besoin de la médiation du jeu et de l'art -de la création artistique-. L'enfant dessine beaucoup dans une séance de psychothérapie.
    J'ai coutume de distinguer chez l'enfant comme chez l'adulte les phantasmes des fantasmes. Ce qui signifie que ces derniers sont beaucoup plus archaïques et en somme beaucoup plus près des pulsions destructrices. Peut-on dire qu'il y a des rêves spécifiques à chaque âge? Bien entendu la qualité des fantasmes et des rêves varie avec la structure psychique. On ne dira jamais assez que le diagnostic et l'évaluation de la structure psychique sont des préalables impératifs avant toute psychothérapie.
   Une aberration de beaucoup de psychothérapeutes mal formés consiste à interpréter crûment les dessins comme des productions indépendantes. Ainsi, pour certains, l'oeuvre horrible dénoterait des fantasmes horribles! Cela ne marche pas du tout comme ça! L'oeuvre est un intermédiaire par quoi la pulsion se dit ou se cache. L'enfant doit associer à propos de ses productions artistiques pour en éclairer le sens latent.
   Ainsi par analogie l'oeuvre télévisée et les jeux vidéos violents ou sexuels sont-ils des créations artistiques qu'on peut comparer à des fantasmes incarnés. Comme le rêveur sait qu'il a rêvé de même l'enfant spectateur sait qu'il a vu un spectacle, une oeuvre de fiction.
   Aux fantasmes, aux rêves et aux spectacles encore faut-il ajouter les contes cruels qu'on a enseignés aux enfants. Rien de plus cruel que les contes de Grimm et de Perrault. Ils servent d'exutoire; ils ont une fonction cathartique. Ils permettent la transmission d'affects des parents aux enfants.
   L'adolescent a besoin lui aussi de rites initiatiques.
    D'une façon générale l'absence de fantasme et l'absence d'image sont préjudiciables beaucoup plus que l'excès inverse. J'ai coutume de montrer à mes patients de tous âges que fantasmer fait sas, matelas protection contre le cru de la vie. Est-ce à dire qu'il faut apprendre à fantasmer? Non bien sûr! J'en conclus que le fait de se nourrir d'images violentes n'a rien en soi de détestable.
   Ainsi peut-on raisonner à propos de ce qu'on appelle la scène primitive. Le souvenir de quelque chose d'étrange et de violent doit prendre sens dans une reprise -élaboration mentale- ou discussion avec les parents, les copains ou les enseignants.
   La production d'images donne un supplément de sens aux fantasmes et aux pulsions. L'incapacité de fantasmer c'est-à-dire de produire des images internes débouche sur des agir ou des somatisations.
   Est-ce qu'il existe une tératologie des images? Que faut-il pour que l'enfant sache fantasmer à bon escient? Qu'il ne fasse pas confusion entre la réalité et le fantasme. C'est d'abord une question de structure. Mais c'est aussi une question de richesse de la vie.
    Les adolescents et les jeunes adultes qui ont un vécu douloureux de leurs pulsions sexuelles vont tout droit aux films pornographiques. Ils privilégient les expériences perverses aux dépens des expériences vécues.
   Mais cependant les bienfaits du porno apparaissent évidents dans cette sorte de raisonnement parce qu'ils sont une usine à images qui se substitue aux défaillances. La pornographie pourrait canaliser une masse énorme de violence.
    Les partis dogmatiques et militarisés, les sectes ainsi que des religions intégristes fournissent à cet égard une grille d'images, notées et cotées, rassurantes ou repoussantes à leurs adhérents. Mais il existe une contrepartie: une structure psychique passive et un besoin foncier d'être dirigé conduise à la soumission sans discussion.
   Est-ce que les mauvais scénarios sont générateurs de violence?
   Le pathologique consiste en fait à multiplier les agir aux dépens des fantasmes. L'alexithymie ou la pathologie décrite par l'Ecole de Paris dite "Structure psychosomatique" c'est justement cela. Mettez la théorie entre parenthèse: vous disposez à cet égard d'une expérience clinique qui le confirme. L'exemple le plus éclairant chez l'adolescent est la tentative de suicide par désespérance de manque d'amour. Mieux vaut la décharge psychomotrice d'aller vers le Walhalla, séjour des guerriers morts palais splendide régi par le dieu Odin de la saga scandinave, plutôt que cette vie ordinaire pleine de temporisation, de médiations et de fantasmes.
   On a donné quelque importance en France à la suite des excès de Palo Alto à la "fantasmothérapie" qui est en somme un apport de fantasmes à qui en manquerait!
   Celui qui a cherché son inspiration dans un film pour tuer a commis son acte en ne sachant pas mettre en mots et en images ses pulsions archaïques.
   La décharge motrice et le jeu sont des composantes normales et saine de l'évolution psychique de l'enfant.

    Fantasmes, violence et comportements induits
   1) Point de vue psychanalytique. L'élaboration fantasmatique chez l'adolescent est une nécessité. Le rapport général avec les images s'intègre dans ce mode de compréhension.
   2) Nous avons généralement accepté les théories psychanalytique à propos des contes de fées et du jeu -en particulier chez l'enfant-. Le jeu est un scénario par quoi l'enfant met en actes les pulsions sexuelles infantiles. Parmi celles-ci le classique "jouer au docteur" permet d'une part aux enfants d'assouvir la curiosité sexuelle et d'approcher sous une forme déguisée les fantasmes oedipiens. Ce raisonnement devenu aujourd'hui académique doit évidemment tenir compte du développement des techniques de jeu. La télé et l'ensemble des techniques numériques de composition de scénarios, d'images sonores sont beaucoup plus sophistiqués que jadis. Mais n'exagérons pas trop: quand vous participez pendant une heure à une session de jeu d'arcades dans une salle de jeu vidéo ou à la FNAC vous trouvez tout de même l'imagerie assez pauvre. Ce n'est pas encore du cinéma en relief! Je ne peux pas dire non plus que la clinique m'apporte à cet égard le moindre signal d'alarme.
   J'ai beaucoup plus acquis une expérience en expertise de la réparation juridique qu'en expertise criminologique. Mais enfin je suis tout de même en relation constante avec les criminologues. Ce sont surtout les psychologues criminologues qui invoquent l'effet des images sur les esprits perturbés et les effets du mimétisme. On ne retrouve pas le même langage chez les psychiatres criminologues. J'invoquerai ici plus volontiers une différence de regard scientifique -le psychiatre étant plus lourdement sensible à la clinique psychiatrique que le psychologue-
   
   - Violences, images et sondages
    Que montrent les études et les sondages?
    Parmi les jeux vidéos les plus populaires: * Une étude avec un petit échantillonnage a révélé que les catégories de jeux vidéos les plus populaires étaient les jeux fantastiques violents, préférés par 32% des joueurs, les jeux de sports (29%), de divertissement général (20%), de violence humaine (17%) et les jeux éducatifs (2%). (Source: Interactive Video Games, de Mediascope, juin 1996).
   Voici comment cela se passe dans la presse: "Appel à contributions pour la revue Consommations & Sociétés, Cahiers pluridisciplinaire sur la consommation et l'interculturel. Rédacteur en chef: Pr. Dominique Desjeux, éditeur L'Harmattan. Les jeux vidéos sont en passe de devenir en France un champ de recherche à part entière (c'est déjà le cas depuis quelques années dans les pays nordiques et anglo-saxons). On s'interroge sur les va-et-vient entre "monde virtuel" et "monde réel".
   La recherche du docteur William Marshall de la Queen's University montre que 86% des violeurs sont intéressés par la pornographie dite "hardcore". Le même auteur estime que la pornographie non violente peut jouer un rôle significatif dans le déclenchement de comportements sexuels déviants"+.
   Je n'ai jamais pu quant à moi vérifier ou confirmer cette notion au cours de ma carrière de psychiatre d'enfants, de psychiatre d'adulte et de psychanalyste. Je considère généralement que la société d'information est intégrée d'une façon générale par nos contemporains dans le comportement ludique. Le jeu a toujours joué principalement un rôle de catharsis.
   
   
   

Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Directeur du Bulletin de psychiatrie
   fineltainl@yahoo.fr