Bulletin de psychiatrie
    Numero 5
    Article 5.2
    (semestrielle ou annuelle)
    Edition du 11.07.98
    Dr Fineltain Ludwig
    Neuropsychiatre
    Psychanalyste
    Paris
    E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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LA SEXOLOGIE CLINIQUE FRANCAISE
    Dr Fineltain Ludwig

'Le Festin des Dieux' Ecole Anvers 1640 Coll. privée
     

LA SEXOLOGIE CLINIQUE
    EVOLUTION ET DEVELOPPEMENT DES THERAPIES DEPUIS 20 ANS

Outw diakeisqon (su te kai o adelfos) wsper ei tw ceire trapointo pros to diakwluein allhlw
    Les mains de cet homme se gênent l'une l'autre au lieu de s'entraider
 
    J'ai eu en septembre 1994 la tâche redoutable et très émouvante de retracer dans les salons de l'Hôtel Lutétia à Paris devant mes amis de la sexologie française les 20 années écoulées de thérapies sexologiques.
    Vingt ans de sexologie c'était aussi vingt ans de ma vie, vingt ans de notre vie.
    Je partage depuis plus de vingt ans ma vie professionnelle entre la psychiatrie, la psychanalyse et la sexologie.

1) JE ME SOUVIENS
    La sexologie est entrée dans nos pratiques comme un maëlstrom. Vous connaissez tous le texte de l'écrivain Georges Pérec et sa répétition des "Je me souviens". Permettez-moi de paraphraser l'envoûtante litanie de ses remémorations.
    Je me souviens de la pudibonderie de nos divers milieux médicaux, en médecine, en psychiatrie comme dans les milieux psychanalytiques. On y recouvrait d'un nom générique, troubles de la libido, un ensemble très variés de troubles sexuels. Chez les seconds le sexe est bien trop charnel et bien trop cru pour être étudié directement comme tel. On y parle de phallus mais on ne saurait y parler de pénis.
    Je me souviens du premier rendez-vous de la SFSC à La Coupole en février 1974.
    Je me souviens de la merveilleuse conférence inaugurale du Dr Vellay au siège de l'Ordre des Médecins intitulée "Les mots de la sexualité". Je me souviens du tohu-bohu de la conférence qui dégénéra en émeute au siège du laboratoire Roussel-Uclaf. Je me souviens des efforts démesurés que j'ai moi-même déployés pour rédiger le code d'éthique des sexologues. Je me souviens de l'acharnement du Dr Gérard Valles à répandre la bonne parole sexologique dans les capitales d'outremer.

2) LES SOURCES DE LA SEXOLOGIE FRANÇAISE
    PSYCHIATRES ET SOMATICIENS

    Je me propose maintenant de vous raconter la préhistoire, l'histoire et peut-être le futur de la SFSC si du moins la sexologie est capable de m'accorder un quelconque don de double vue.
    L'idée d'une société d'étude sexologique est née un jour en 1970 à la salle de garde de Sainte-Anne entre Charles Gellman et moi-même. L'affaire s'était endormie pendant 4 ans du sommeil du juste. Du moins c'est ce que je croyais. J'ai appris un jour que la chrysalide s'était transformée en papillon. Où? A la Coupole, bien sûr!
    D'où venions-nous? Nous étions des psychiatres, des médecins généralistes et des gynécologues, et, parmi ces derniers, quelques-uns avaient été des animateurs du "Mouvement du Planning". Beaucoup de psychologues cliniciens et de conseillers conjugaux se sont joints à nos premiers rendez-vous.
    Le petit groupe des fondateurs confia à notre secrétaire d'alors, Mme Green, le soin de déposer les statuts officiels de l'Association conformément à la loi de 1901. A l'énoncé des noms des fondateurs l'employée du Ministère de l'Intérieur eut un grand sourire de connivence quand enfin elle entendit nommer Valles, un nom aux consonances vraiment conformes aux traditions de notre terroir.
    Nous étions donc une dizaine de collègues à la Coupole en ce jour de février 1974. Puis ensuite les événements se déroulèrent très vite. Il m'est apparu très tôt que des fées s'étaient penchées sur le berceau de la Société Française de Sexologie Clinique. Des hommes fées dois-je préciser. Je me souviens que l'un de nos premiers colloques était consacré à l'inhibition sexuelle chez la femme: quatre hommes se penchaient gravement sur ce problème.

3) LE TERREAU DE LA SEXOLOGIE

    Le choc culturel en ce temps-là fut considérable. Un collègue psychologue psychanalyste apprenant ma participation à la sexologie de la SFSC m'a dit d'un ton interrogateur et outragé: "Mais pourquoi t'intéresses-tu à la sexualité des gens? Pourquoi t'occupes-tu de la sexualité des gens?". Retenez bien cette phrase admirable: "De quel droit t'intéresses-tu à la sexualité des gens?". Nous baignions en 1970 dans une incroyable atmosphère de pensées conventionnelles, d'orthodoxies de la pensée et de théories toutes faites brandies comme des modèles intouchables. Le dogmatisme régnait également dans de tout autres domaines: savez-vous que d'éminents psychanalystes pensaient que la réflexion philosophique et métaphysique est un symptôme qui s'analyse!
    Les reproches pleuvaient sur nous de toutes parts! Dieu merci! Tout cela a bien évolué. On nous a fait quantité d'autres reproches: nous étions pour l'Ordre des Médecins des pervers sexuels, pour la mouvance révolutionnaire des "sexo-flics" ou "des glapisseurs du sexe" et pour d'autres des familialistes. Diriez-vous que cela nous faisait de la peine? Non ce ne serait pas exact. Je crois même que tous ces petits scandales ont contribué à nous faire mieux connaître.
    La sexologie pour progresser a cependant besoin d'un terreau favorable et précieux. Elle se développe et progresse dans les pays démocratiques. Il n'y a pas de sexologie qui vaille dans un pays où règnent les idéologies dogmatiques et la terreur.
    A la même époque, en 1974, se tint à Paris le 1er Congrès International de Sexologie. Cet événement fut aussi une sorte de démarrage complémentaire pour la sexologie européenne. A la faveur de ce premier Congrès le Pr Netter demandait au sexologue une formation pluridisciplinaire. Au gynécologue, disait-il, de se doter d'une bonne connaissance de l'endocrinologie testiculaire et surtout de la psychogenèse sexuelle, au psychiatre d'une connaissance de la gynécologie et de l'andrologie. Cette discipline, ajoutait-il est au carrefour de la gynécologie, de l'andrologie, de la psychiatrie, de la morale et de la sociologie.
    La sexologie fut d'emblée au carrefour de maintes disciplines mais mieux encore elle convoque d'emblée toutes les idées émises à propos de la psychogenèse et de l'organogenèse. Le même constat doit être fait à propos des thérapeutiques. Le sexologue mêle dans sa pratique les psychothérapies, les thérapies comportementales et les traitements médicaux physiques.
    La SFSC naissante encouragea les contacts et suscita de nombreux voyages internationaux. Un séminaire fut organisé aux Etats-Unis auprès de W.H. Masters et V.E. Johnson.
    Dans le même mouvement fut fondée une Association Mondiale de Sexologie ou WAS dont l'un des nôtres, le Dr Gilbert Tordjman, fut le premier Président.
    Entre-temps nous créâmes l'Académie des Sciences de la Sexualité, certes pour garantir notre immortalité, mais surtout pour répondre à des exigences qui nous paraissaient prioritaires. Nous voulions définir chaque année un thème sexologique d'ordre général. Nous organisons depuis lors chaque année un séminaire consacré à l'étude d'un thème que nous rangions dans une rubrique originale dénommée métasexologie.

4) TRAJECTOIRES DE LA SEXOLOGIE

    Les sources historiques de la sexologie.
    Le terme sexologie apparaît en 1911 puis en 1931. On trouve cependant dans la mythologie un savoir antique sur la nature de l'orgasme. Un différend opposait à ce sujet Zeus et Héra. On choisit 48 sujets des deux sexes et 70 juges pour distinguer le plaisir orgastique d'une femme de celui d'un homme. Tirésias avait connu les deux sexes: il fut tour à tour homme, femme puis de nouveau homme. Il était tout trouvé pour arbitrer le différend. Il conclut à une intensité de l'orgasme dix fois plus grande chez la femme. On sait qu'il fut puni d'avoir contredit la thèse d'Héra.
    Notez qu'en 1938 le Dr E.Toulouse et Simonnet ont créé une éphémère "Association d'Etudes Sexologiques" et le Pr Achard avait également constitué une Société de Sexologie. En Europe l'Institut de Sexologie de Prague fondé en 1921 fut sans doute le premier du genre avant même celui de Berlin.
    Observez le glissement progressif du souci sexologique de Freud à Kinsey puis à W.H. Masters. Le premier était neuropsychiatre, le second biologiste et le troisième gynécologue. Gageons que le quatrième sera sexologue. On glisse du psychisme à la physiologie de l'orgasme.
    L'histoire de la sexologie en France va désormais se confondre avec l'histoire de la SFSC.
    Il est aujourd'hui difficile de dénombrer l'ensemble des sociétés de sexologie en France comme dans le monde. Elles témoignent par leur vitalité que notre travail a été très utile.
    La sexologie accède à la modernité à partir de 1949. Des travaux significatifs jalonnent l'évolution de la sexologie moderne et notamment le célèbre rapport Kinsey, Martin et Pomeroy. La publication de cet ouvrage édité en 1949 fut un véritable scandale. Mais il eut un retentissement considérable dans la communauté scientifique.
    Puis vint enfin le travail sensationnel de W.H. Masters et V.E. Johnson. Ces deux fortes personnalités méritent chacune une description approfondie. Ils sont tous deux des gynécologues. Ce sont d'autre part des WASP, white anglo-saxon protestant, ce qui aux Etats-Unis possède une certaine importance. Nous avons pu constater à quel point quelques nations réformées avaient en 1974 pris de l'avance sur nos contrées latines et méditerranéennes pour des raisons qu'il appartiendra aux chercheurs d'approfondir.
    Leurs textes les plus importants sont certainement "Les réactions sexuelles" et "Les mésententes sexuelles et leur traitement". Comment présenter l'effet novateur, dans les années 1970, des études de W.H. Masters et V.E. Johnson et résumer en quelques paragraphes l'influence de leurs travaux sur nos propres cheminements intellectuels? Depuis lors il est juste de dire que les thérapies ont beaucoup évolué depuis les sexothérapies ou psychothérapies comportementales élaborées par Masters et Johnson jusqu'à l'apparition des premières injections intracaverneuses, des prothèses péniennes et du sildénafil.

5)LES TRAITEMENTS

LES THERAPIES NON MEDICAMENTEUSES


    L'exigence de thérapies courtes était sans doute l'une des motivations essentielles du développement des nouvelles techniques.
    La sexothérapie est la première initiative, la thérapie princeps, qui fut proposée par W.H. Masters et V.E. Johnson.

I.- LES TROIS FORMES DE SEXOTHERAPIES
    1)La cosexothérapie de couple décrite par W.H. W.H. Masters et V.E. Johnson.
    2)La sexothérapie analytique de couple en est une variante intéressante qui s'est beaucoup développée en Europe. La prise en charge du couple empruntant à W.H. Masters et V.E. Johnson le principal de leur technique de soin. Le thérapeute est seul. Il augmente les conseils sexologiques d'interprétations psychanalytiques.
    3)Enfin les sexothérapies de groupes de couple
    Nous insistons particulièrement sur la cosexothérapie de couple, technique élaborée par Masters et Johnson. De ces auteurs peut-on dire comme à propos du poète Malherbe: enfin apparurent W.H. Masters et V.E. Johnson. Leur travail démarre avec le programme de recherche dès 1954, sous les auspices de la Reproductive Biology Research Foundation à Saint Louis Missouri. Puis est créé un centre de soin en 1959. Vous observerez que ce délai très court de cinq ans est tout à fait caractéristique du dynamisme américain.
    Compte tenu donc de l'importance depuis 30 ans de la technique de Masters et Johnson, je m'attacherai à en décrire les modalités au travers de quatre questions:
    -En quoi consiste la technique
    -Ce qu'elle n'est pas
    -Ce qu'on lui reproche.
    -A qui s'adresse-t-elle?
    A. En quoi consiste-t-elle?
    La mise en place d'une procédure d'un protocole du National Sex Forum mérite d'être rappelée. Le procédé est comportementaliste et il est scalaire. Le protocole comporte 3 phases étalées sur 3 semaines. Les concepts de réaction négative, de table ronde au 3ème jour, d'exercices de sensibilisation au cours desquels, au début, toute approche des organes génitaux et des seins est interdite, puis ensuite d'exercices consacrés à la stimulation directe des organes génitaux suivant le grand principe que le caressé guide le caressant, la technique de l'agacement, la squeeze-technique chez l'éjaculateur précoce, la position active de la femme, l'intromission désintéressée et enfin la valorisation de certaines positions coïtales.
    Le patient c'est le couple lui-même, l'homme et la femme ensemble. Le traitement de la relation implique qu'il y ait deux thérapeutes. Il faut un homme et une femme pour traiter un couple.
    La méthode est donc triple: physiologique, psychologique et enfin pédagogique ou comportementale: "Il n'existe pas dans un couple d'incompétence sexuelle à laquelle le partenaire soit étranger. L'incompétence sexuelle est un problème de couple. Les objectifs principaux sont les suivants: éliminer la peur de l'échec, transformer le rôle habituel de spectateur en celui d'acteur, effacer chez la femme des craintes qu'elle éprouve en présence de son conjoint.
    La filmographie sexologique. Pour toutes ces positions s'est développée une imagerie, une iconographie et une cinémathèque désormais assez riche et très utile au sexologue.
    B. Ce qu'elle n'est pas.
    Elle n'est pas à proprement parler une psychothérapie.
    C. Ce qu'on lui reproche.
    On a souvent dit que la cosexothérapie de couple était antipsychanalytique. Ce n'est que partiellement vrai. Il faut, d'après les auteurs eux-mêmes, que les patients aient au préalable résolu leur névrose personnelle avant d'aborder le traitement sexologique proprement dit. D'autre part il n'est pas correct de décréter que toutes les personnes atteintes d'incompétence sexuelle aient besoin d'une psychothérapie analytique.
    On a dit aussi qu'elle était simpliste. Quand on pensait comportementalisme ou béhaviorisme, on pensait simplisme. Or elle exprime la puissance de la méthode expérimentale!
    D. Les indications de la sexothérapie.
    Celle-ci s'adresse aux principaux symptômes en sexologie. Chez l'homme ce sont l'impuissance érectile primaire ou secondaire, l'éjaculation précoce, l'absence d'éjaculation et la dyspareunie; chez la femme, le vaginisme, la dyspareunie et la frigidité. Et bien entendu parmi les problèmes des couples les non-consommations représentent un indication particulièrement intéressante.

II.- LES PSYCHOTHERAPIES

    Elles font partie de la stratégie thérapeutique du sexologue. Les conflits psychiques du patient peuvent justifier une psychothérapie avant toute sexothérapie.
    Les psychothérapies obéissent à des règles bien précises. Elles comportent en outre une liste d'indications et s'intègrent dans une véritable stratégie thérapeutique.
    Les variétés des psychothérapies. J'en distingue trois types:
    A. La psychothérapie d'induction sexologique. Ce type de psychothérapie (qui est d'ailleurs présente dans l'esprit du Dr Hesnard en 1959 sous le nom de psychothérapie sexuelle d'inspiration psychanalytique) s'est imposé à moi avec l'expérience des cas de souffrance sexuelle. Je fais allusion à des patients impuissants solitaires incapables de venir en couple qui ne constituent pas non plus une indication de psychothérapie analytique parce qu'ils ne sont pas névrosés. Dans cette psychothérapie, le patient étant seul, vous expliquez la procédure de W.H. Masters et V.E. Johnson à la faveur des cinq premières séances et vous poursuivez une psychothérapie d'inspiration psychanalytique. Cette psychothérapie sera plus brève qu'une psychothérapie classique.
    Elle est donc réservée aux patients sans conflits intrapsychiques à vie sexuelle pauvre dont la demande est centrée sur la seule insuffisance sexuelle.
    B. La psychothérapie d'inspiration psychanalytique.
    C. La psychanalyse orthodoxe proprement dite.
    Faut-il préciser que, parmi les sexologues, depuis 30 ans, se sont regroupés autour de la SFSC la plupart des tendances psychanalytiques: les orthodoxies freudiennes, les lacaniens, les jungiens et les reichiens. La psychanalyse chacun le sait est une forme de traitement individuel qui repose sur un cadre technique, le transfert, l'élaboration fantasmatique et les interprétations. A qui s'adresse la psychanalyse? La psychanalyse requiert cinq critères dits d'analysabilité qu'il faut examiner attentivement: Symptôme (nu ou disséminé), Moi, Résistances, Affiliation, Introspection.
    Je dois indiquer que la psychanalyse orthodoxe est rarement indiquée d'emblée dans un cas d'impuissance puisque par définition la demande du patient est focalisée sur un symptôme. Il n'est pas non plus exclu que celle-ci soit envisagée dans un second temps.

LE DEBAT ENTRE PSYCHANALYSE ET SEXOLOGIE


    Je rappelle que c'est sans doute le grand sujet de cette fin de siècle. Un journal avait voici quelques années intitulé sa première page: "La fin des analystes le matin des sexologues", parution dont vous avez peut-être gardé le souvenir.
    Le sexologue s'intéresse avant tout aux symptômes ponctuels de la vie sexuelle. Le psychanalyste de son côté s'intéresse aux névroses dont les symptômes sexuels ne sont qu'une composante.
    Le dilemme aujourd'hui est mal posé puisque psychothérapie et psychanalyse sont partie intégrante des méthodes de traitement des sexologues.
    Les conflits doctrinaux antagonistes ont provoqué quelques scissions. Peut-être pourrait-on regretter, je le regrette quant à moi, que des sociétés de sexologues cultivant une certaine solitude se consacrent aux recherches biologiques loin de la SFSC. Il ne faut pas installer et conforter parmi les sexologues cette sorte de hiatus qui a existé en psychiatrie entre l'Evolution Psychiatrique et la Société de Psychiatrie biologique, entre psychogénistes et organicistes. Aucune discorde ne fut plus fausse et plus pernicieuse que celle-là.
    Nous n'avons cependant guère connu du moins au même degré en sexologie ce mal qui a frappé le monde psychiatrique, un véritable mal de langueur, qui consistait en un débat stérilisant entre psychogénistes et organicistes
    Rappelez-vous ce qu'écrivait Xénophon (Mém. II.3.18) à propos de mains fraternelles qui se gênent l'une l'autre, c'est-à-dire pour ceux qui ont des souvenirs de grec classique:

   Outw diakeisqon (su te kai o adelfoV) wsper ei tw ceire trapointo pros to diakwluein allhlw
    "Les mains de cet homme se gênent l'une l'autre au lieu de s'entraider"

    [18] nun men gar outws, efh, diakeisqon, wsper ei tw ceire, as o qeos epi tw sullambanein allhloin epoihsen, afemenw toutou trapointo pros to diakwluein allhlw, h ei tw pode qeiai moirai pepoihmenw pros to sunergein allhloin, amelhsante toutou empodizoien allhlw.
    [19] ouk an pollh amaqia eih kai kakodaimonia tois ep' wpheleiai pepoihmenois epi blabhi chrhsqai; kai mhn adelphw ge, hws emoi dokei, ho qeos epoihsen epi meizoni wpheleiai allhloin h cheire te kai pode kai ophqalmw kai talla hosa adelpha ephusen anthrwpois. cheires men gar, ei deoi autas ta pleon orguias diechonta hama poihsai, ouk an dunainto, podes de oud' an epi ta orguian diechonta elqoien hama, ophqalmoi de hoi dokountes epi pleiston exikneisqai oud' an twn eti enguterw ontwn ta emprosqen hama kai ta opisqen idein dunainto: adelphw de, philw onte, kai polu diestwte pratteton hama kai ep' wpheleiai allhloin.

TECHNIQUES DU CORPS

    Le domaine des techniques psycho-corporelles est immense. On peut considérer les sexothérapies issues de W.H. Masters et V.E. Johnson comme des thérapies psycho-comportementales mais aussi psycho-corporelles. Mais de nombreuses autres techniques ont été proposées depuis 20 ans.
    Notons à ce sujet que la pensée du psychanalyste Wilhelm Reich est en train de vivre une revanche tardive puisqu'elles sont toutes issues de sa théorie de la cuirasse caractérielle.
    La bioénergie. Cette technique psycho-comportementale de groupe très directement issue de la psychanalyse reichienne a acquis en sexologie une importance majeure.
    Le massage californien fut sans doute un des premiers exemples spectaculaires, dans l'ordre des préséances et de la localisation sur la Côte Ouest des Etats-Unis. Les techniques de massage suggérées à l'Institut d'Esalen ont pour projet de re-sensualiser le corps.
    Les relaxations sont au centre des thérapeutiques corporelles. Elles ont trouvé en sexologie une seconde jeunesse. On distingue 7 méthodes de relaxation. Les plus connues sont le training autogène de Schultz et la méthode d'Ajuriaguerra-Sapir.
    Ce mode de traitement illustre très bien l'immense invasion des techniques du corps parmi les sexologues.
    Les mécanismes d'action sur les troubles sexuels sont les suivants: la détente agissant sur l'angoisse, sur le schéma corporel, le renforcement du narcissisme du sujet et une meilleure conscience du moi physique.
    Une autre idée centrale de la plupart des sexologues utilisant ces techniques du corps est celle-ci: le rôle du toucher à la naissance (Leboyer), le rôle des caresses à l'enfant, le rôle du contact avec le corps de la mère durant la première enfance, le rôle supposé des carences du corps à corps maternel chez les enfants autistiques, du moins comme on en fait l'hypothèse chez eux. On espère encore l'accentuation des émotions et de la verbalisation. Dans les ateliers de thérapies de groupes avec techniques du corps se fait un apprentissage progressif du plaisir et de la communication.
    Les techniques du corps sont très souvent proposées en association avec les diverses formes de psychothérapies.
    L'hypnose elle-même, technique très proche de la relaxation, a connu un regain de faveur.

LES EXAMENS PARACLINIQUES
    L'évolution des traitements a été conditionnée par la mise au point et l'affinement d'examens paracliniques pertinents afin de mieux poser les indications Je veux parler des grands progrès depuis la jauge de contrainte mise au point par Barlow puis par Bancroft en 1977, la carte thermographique en 1980, le Doppler artériel des vaisseaux péniens, des deux dorsales et des deux caverneuses, l'écho-doppler, la pléthysmographie qui étudie les variations de volume systolique dans diverses parties du pénis. La thermographie pénienne a ses amateurs. Il faut encore affiner l'étude des séries.
    La détection de la tumescence pénienne nocturne est cruciale. C'est un phénomène physiologique, le sommeil produisant l'intumescence par libération des centres nerveux automatiques. La pléthysmographie pénienne nocturne et la rigidimétrie, technique plus évoluée, évaluent la rigidité pénienne au cours du temps (Rigiscan). Le critère est le plateau de 5 minutes avec une rigidité de 80%.
    Première apparition de l'intra-caverneuse qui montre là le bout de son nez: le test pharmacologique de l'injection intracaverneuse.
    On a signalé à cet égard des pistes d'avenir: le doppler et la pléthysmographie pénienne d'effort.

INSTRUMENTS ET APPAREILS

    Nous avons vu se développer tout un ensemble d'appareillage sexologique. Ils proposent qui une activation de l'érection qui une faradisation des muscles périnéaux chez la femme, en particulier le releveur de l'anus, que nous voyons exposés dans les différents congrès sexologiques.
    Les pompes à vide combinent une rétention veineuse et une aspiration: plusieurs marques sont proposées aux impuissants. L'électrisation, la faradisation de points vaginaux ou rectaux afin de contracter le releveur de l'anus est une adaptation d'appareils qui avaient été proposés antérieurement pour faciliter les manoeuvres de Kegel dans l'énurésie des adultes capables d'augmenter le tonus des muscles périnéaux maintenant proposés dans les cas d'anorgasmie féminine.
    Je me contenterai d'évoquer les vibromasseurs vaginaux dont le développement depuis 20 ans a été fulgurant, qui font la fortune des "sex-shops". Ces appareils peuvent avoir un intérêt en sexologie.
    Quant aux bougies calibrées, pour la cure du vaginisme, elles ont toujours enthousiasmé gynécologues et chirurgiens, tandis que les autres demeurent réticents. Je leur préfère la méthode mixte de W.H. Masters et V.E. Johnson.

LA RECHERCHE FONDAMENTALE BIOLOGIQUE

    Celle-ci conditionnera l'avenir de la sexologie.
    Les recherches en psycho-neuro-endocrinologie nous entraînent du côté:
    -Le rapport entre taux de prolactine et celui de la testostérone
    -Le couple prolactine-dopamine sérotonine
    -Les taux de testostérone, oestradiol, LH (hormone lutéinique), FSH et prolactine, le test de LHRH:
    -La recherche de syndromes endocriniens subcliniques.
    La prolactinémie basale et réponses au TRH et au sulpiride dans diverses catégories de dysfonctions sexuelles masculines.
    -La prolactine et la testostéronémie. Test à la TRH: dosage de PRL après injection intraveineuse de 200 microgramme de TRH. Test au sulpiride.
    -Les anomalies prolactiniques et les troubles sexuels pourraient être reliés par la modification des mêmes systèmes de neurotransmetteurs cérébraux, particulièrement celle des systèmes adrénergiques.
    La recherche va donc se centrer autour de quelques grands axes:
    -autour des processus hormonaux: par exemple les effets de la prolactine sur l'impuissance
    -autour des neurotransmetteurs: dopamine-sérotonine
    -autour des aphrodisiaques qui sont l'arlésienne de la sexologie
    Une autre voie de la recherche se situe du côté des prothèses.
    Une prédiction d'Attali, quoique il ne soit pas médecin, suscite un grand intérêt. Cet auteur estime que les fonctions vitales seront de plus en plus instrumentalisées. Les gadgets, les orthèses seront de plus en plus présentés comme une réponse thérapeutique aux souffrances. Le gadget peut-il constituer une réponse thérapeutique qui va de soi?

LES TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX ET LA PHARMACOLOGIE

    L'évolution des traitements médicaux et chirurgicaux depuis 20 ans a été également considérable. Ce développement a été accéléré voire même provoqué par l'onde de choc W.H. Masters et V.E. Johnson. Sans leurs succès thérapeutiques nul doute que des travaux médicaux eussent été mis au placard.

A. LES TOPIQUES.
    Les topiques se sont multipliés: d'une part les lubrifiants vaginaux et d'autre part la lidocaïne en pulvérisation dans les éjaculations précoces.

B. LES PSYCHOTROPES: LES EFFETS POSITIFS ET NEGATIFS


    Nous connaissons bien mieux les effets secondaires négatifs des médicaments sur la sexualité, sur le désir sexuel, sur l'érection et sur l'obtention de l'orgasme. Ces médicaments sont principalement des psychotropes, des anticomitiaux et les bêta bloqueurs.
    Par contre les effets positifs des psychotropes ont été précisés. Les effets thérapeutiques se confirment avec la thioridazine ou Melleril qui est un neuroleptique dont l'usage doit être prudent sur l'éjaculation ainsi que le Prozac, antidépresseur de catégorie non imipraminique et non IMAO (c'est un sérotoninergique). Ces deux produits sont efficaces dans l'éjaculation précoce. Et d'ailleurs ils ne sont pas les seuls. Le mécanisme d'action n'en est pas encore très connu. Ils ouvrent la voie de recherches du côté des neurotransmetteurs.

C. LES VASODILATATEURS GENERAUX


    Les acquis pharmacologiques:     1)Les vasodilatateurs prescrits par voie générale, on propose généralement les vasodilatateurs artériels (comme la phentolamine, l'hydralazine et la nifépidine) sont tous en fait peu efficaces.
    La yohimbine constitue un cas particulier. Ce produit confirme quelques effets positifs quoique très faibles dans les impuissances.
    Une nouvelle molécule, le sildénafil constitue un progrès remarquable. Giuliano et Jardin, dans les Annales d'Urologie en font l'exposé synthétique en 1998. Ils rappellent que les cas réfractaires sont des indications possibles de prothèses. Les traitements par injections intracaverneuses se voient désormais concurrencées par le traitement oral du sildénafil (Viagra).Les mécanismes intracellulaires dans les muscles lisses des tissus caverneux sont de mieux en mieux connus. Le monoxyde d'azote et la phosphodiesterase jouent le rôle principal. L'injection de la linsidomine (monoxyde d'azote) et la prise orale de l'inhibiteur de la phosphodiesterase, le sildenafil, ont confirmé ce point de vue.
    Il est encore possible de proposer une voie transdermique avec de la nitroglycérine, du moxisylyte ou de la papavérine. La voie intra-uréthrale de prostaglandine a également été proposée.

D. LES VASODILATATEURS ELECTIFS IN SITU: LES INJECTIONS INTRACAVERNEUSES
    Les injections intracaverneuses sont apparues vers 1988. Elles constituent un exemple assez remarquable du développement des techniques d'examen et des traitements de l'impuissance érectile. Celles-ci sont envisagées sous trois angles quelque peu différents: procédure de test, procédure d'examen, procédure prothétique.
    Les produits ont varié en tenant compte de ces trois procédures différentes: produits à action énergique et produit à action douce voire retardée.
    Ce sont des injections intracaverneuses au moyen de: la papavérine, de l'association phentolamine papavérine, puis les prostaglandines PGE1, puis le moxisylyte. Ainsi par exemple relève-t-on 123 articles collationnées par la banque de données Medline en 1994 dans les revues scientifiques à propos de l'injection intracaverneuse de PGE1. Ce dernier produit est difficile à classer. Les prostaglandines sont déjà connues dans l'asthme pour potentialiser les effets vasculaires de l'histamine et de la bradykinine. Le Diprostone ou PGE2 est utilisé en gynécologie comme eutocique tandis que l'Alprostadil ou PGE1 est utilisé pour ses vertus vaso-actives.
    On est très vite passé des injections aux auto-injections intracaverneuses.
    L'idée générale caricaturale est celle-ci: aux impuissances psychogènes le sildénafil ou l'injection intracaverneuse, aux impuissances organiques la prothèse pénienne.

LA SEXOLOGIE ET LES SPECIALITES MEDICALES

    La sexologie en neurologie
    Le vaste mouvement sexologique a entraîné avec lui divers spécialistes à rechercher des solutions aux impuissances des paraplégiques. Ainsi en est-il des atteintes dissociées des érections et des éjaculations dans les atteintes rachidiennes.
    En 1976 le sperme d'un paraplégique était obtenu après injection de prostigmine, puis par l'électro-stimulation intrarectale qui permet l'obtention d'un sperme de bonne qualité.
    La sexologie en endocrinologie
    Les impuissances endocriniennes justifient des prescriptions bien réglées.
    On connaissait bien le rôle des androgènes, des oestrogènes et de la progestérone. A la ménopause le traitement oestrogénique substitutif est classique en particulier pour améliorer la trophicité vaginale.
    L'hypersécrétion de prolactine comme on peut l'observer dans les adénomes de l'hypophyse chez l'homme entraîne l'impuissance: les effets positifs de la bromocriptine sont désormais bien connus.
    Mais on peut dire avec le recul des années que le rôle de la prolactine dans les troubles sexuels masculins n'est pas aussi universel qu'on le supposait.
    Les anti-androstérones.
    Nous sommes en présence d'un couple d'opposés. Est-ce que la découverte d'antagonistes des pulsions sexuelles permettra d'approcher demain les excitants sexuels? Certainement oui. L'acétate de cyprotérone (Androcur) est une importante novation pour traiter les agresseurs sexuels, du moins ceux d'entre eux qui sont demandeurs de traitement. Son action est double, au niveau des cibles et au niveau sécrétoire: elle inhibe les effets des androgènes et diminue les gonadotrophines hypophysaires donc la sécrétion androgénique. Ses effets secondaires sont mineurs.

    Le mirage des aphrodisiaques
    A l'opposé de la cyprotérone les aphrodisiaques demeurent le souci permanent du public mais aussi des sexologues. Il est inutile d'exposer toute la liste des aphrodisiaques du marché de la parapharmacie. Leurs effets sont exactement comparables aux effets placebos. Mais la recherche dans ce domaine pharmacologique nous apportera la découverte pharmacologique attendue. En attendant nous ne disposons que de fort peu de médicaments. La prescription de testostérone 10mg à 50 mg par jour pendant 3 mois chez la femme par contre a des effets certains. La L.DOPA a montré des effets aphrodisiaques surtout chez l'homme en particulier à la faveur de leur utilisation dans les syndromes de Parkinson mais leur mode d'action est problématique.
    Ce sont les seuls aphrodisiaques avérés en 1994.

THERAPEUTIQUE

    Le merveilleux développement des techniques d'examen et de soins nous apportent de nouveaux motifs d'abus. Ainsi les résultats au doppler pénien et de l'épreuve à la papavérine sont-ils extrapolés trop rapidement. Ainsi les prothèses péniennes sont-elles proposées parfois sans la certitude de la causalité organique exclusive. Le praticien emporte l'adhésion du patient dans une commune fascination pour le gadget alors que les indications sérieuses sont bien connues et bien limitées comme par exemple les atteintes neuro-artérielles graves du diabète. (Je pense encore aux auto-injections de papavérine et de phentolamine B ou de prostaglandine A. Que penser d'une sexualité médiatisée par des effets prothétiques? Il faut distinguer entre diverses indications.
    Je pense d'autre part qu'on trouvera pas mal de choses en psychopharmacologie dans la foulée des recherches de "la décennie du cerveau".

LA CHIRURGIE ET LE TRAITEMENT MEDICO-CHIRURGICAL DES IMPUISSANCES
    Les progrès depuis 20 ans concernent essentiellement la question de l'impuissance sexuelle.
    Les chirurgiens s'intéressent depuis longtemps aux causes organiques de l'impuissance érectile: l'artériopathie diabétique, le syndrome de Leriche, les traumas du bassin, les atteintes neurologiques du rachis et les séquelles de priapisme.
    Les paraplégiques centraux complets ont presque tous des érections réflexes qui ne permettent pas facilement le coït et, dans tous les cas, ni l'éjaculation ni l'orgasme. Les paraplégiques complets périphériques sont impuissants. La prothèse est seule capable de donner une réponse au paraplégique périphérique. La même conclusion s'impose lorsque des traitements invasifs ont compromis la sexualité: la maladie du col vésical, le cancer du testicule et le cancer de la prostate. Nous trouvons dans toutes ces affections les meilleures indications des prothèses et des anastomoses
    -Les anastomoses artérielles
    L'anastomose de l'épigastrique et des corps caverneux réalisée en 1972 par Gruber a été reprise en France par Ginestié. Elle a de nombreux partisans.
    -Les prothèses, tuteurs et implants
    Les prothèses sont certainement la grande nouveauté issue du mouvement de la pensée sexologique. Il en existe désormais un grand nombre de variétés. Les tuteurs constitués de matériaux synthétiques, le silicone, introduits dans chaque corps caverneux permettent des performances correctes. Le Dr Subrini nous a toujours enseigné que seul un tuteur très souple permet paradoxalement une rigidité pénienne satisfaisante.

L'enseignement et la diffusion des travaux des sexologues.
    Les travaux des sexologues ont été largement repris par les médias. Ainsi l'influence de leurs travaux sur le grand public a été considérable. Les gens sont très sensibles aux modèles sexuels idéaux qu'on leur propose. La presse bien entendu constitue une chambre d'écho aux sonorités contrastées. De nombreux articles ont paru à propos des théories de la supériorité de l'orgasme vaginal sur le clitoridien, théorie que Freud avait en son temps beaucoup défendue. Les journaux ont également beaucoup insisté sur le modèle idéal des orgasmes simultanés. Ainsi depuis nos travaux à la SFSC, depuis 20 ans, peut-on à bon droit estimer que par des effets divers nous avons modifié dans le public non scientifique, le public des lecteurs de la grande presse, les concepts de la sexualité humaine et du comportement sexuel. Nous avons contribué à modifier les concepts de normal et de pathologique en matière de sexe. L'enseignement de la sexologie a beaucoup bénéficié des nouveaux matériels pédagogiques, les films et la diffusion par l'internet. Les progrès dans ce domaine ont été tout à fait sensationnels. Il s'est constitué très vite une cinémathèque de programmes sexologiques, d'abord aux Etats-Unis, à Palo-Alto puis en Europe et notamment en France. On ne pourrait plus guère concevoir de grandes réunions internationales de sexologie sans projections. Leur usage en thérapeutique est également en plein développement.

Le regain tragique des maladies sexuellement transmissibles.
    Entre-temps le SIDA, croissant depuis 1983 jusqu'à devenir la pandémie qu'on connaît, est venu jeter un voile noir sur l'ensemble de conduites sexuelles avec son cortège de retour à des valeurs traditionnelles.
    Souvenez-vous qu'en 1974 nous avions maîtrisé la plupart des maladies sexuellement transmissibles.
    Dans le même esprit, tout près du SIDA on trouve les antisexologues, l'un nourrissant l'autre. Mais qui sont donc les antisexologues? Par idéologie scientifique ou religieuse, je note que les mêmes milieux intransigeants et les mêmes raisons animent les antipsychanalystes et les antisexologues.

CONCLUSION

    -Le futur de la sexologie est conditionné par l'échange des idées entre différentes disciplines scientifiques.
    J'ai aimé cette sorte d'agitation intellectuelle suscitée par l'avènement de la sexologie. J'ai toujours souhaité me trouver confronté à la déstabilisation inattendue des hypothèses voire des croyances traditionnelles! Oui je le souhaite parce que se manifeste ainsi le mouvement du savoir. La pensée scientifique est le contraire de l'immobilité d'une conviction et d'une rhétorique qu'on nomme de deux mots qui ont fait fortune: le dogmatisme et la langue de bois. L'effondrement des idées figées est bénéfique: elles indiquent, au cours de leur chute, comment se sont entremêlés le dogme, l'éthique, l'histoire des hommes et celle des idées. Vous pouvez faire l'analyse spectrale des idées d'autrefois au bruit que fait leur chute!
    -La sexologie clinique est le moment conceptuel central en sexologie:
    1)Les traitements se situent entre psychothérapies, sexothérapies, pharmacologie et chirurgie. La multiplicité des approches constitue la procédure de traitement la plus scientifique. Le sexologue doit concilier des modes de pensée très divers sinon opposés: le psychogénisme et l'organicisme, la psychanalyse, le béhaviorisme et la biologie.
    2)Le sexologue doit éviter le dogmatisme. Cette science est le lieu des tentations scientifiques extrémistes: "Le tout anatomopathologique" et sa réponse uniquement biochimique ou "Le tout psychique" avec son paquet cadeau la psychanalyse. Nous avons détesté toutes les formes de l'extrémisme.
    3)Peut-être faut-il répondre à cette question. Comment la pensée scientifique raisonnable vient aux sexologues? Par une pratique sincère, documentée et débarrassée des miasmes dogmatiques.
    4)La grande vertu du langage. La grande vertu des sexologues ne consiste pas seulement à concilier plusieurs spécialités médicales. Mieux que d'autres spécialistes les sexologues manient un langage sexuel adapté. Ils ont aux yeux des patients la capacité de nomination des symptômes. Ceci a un effet cathartique très important pour des patients très désorientés.
    5)Sexologie, éthique et liberté. L'histoire nous a appris qu'il n'y a pas de médecine véritable en pays de dictatures. Si vous méprisez les hommes, si vous les transformez en serviteurs, en instruments, en outils d'une idéologie vous ne pouvez pas faire de la sexologie. Je ne vise pas seulement les espaces de la planète où règne aujourd'hui sous nos yeux une dictature religieuse obscène et sanglante mais je fais aussi bien référence à nos collègues de jadis, à Magnus Hirschfeld et à la Société de Sexologie de Berlin, qui ont souffert des barbares de la Mittel-Europa. Où règne la barbarie notre science est bien fragile.
    6)La sexologie fut dès ses débuts une discipline originale.
    La sexologie tout entière paraît être de l'ordre de l'extrême. La sexologie sauvage est sans doute un grand danger. Les excès proviennent d'une méconnaissance des savoirs de base de la sexopathologie. Peut-on s'improviser précipitamment sexologue comme on le voit faire en psychothérapie et en psychanalyse?
    Il existe en sexologie un parfum d'éthique et de science. Le sexe comme le psychisme sont des condensés d'organique, de psychique et d'éthique. La dimension éthique proprement dite a été précisée dans un code déontologique des sexologues que j'ai rédigé il y a une vingtaine d'années. Il n'y a de respect de l'éthique que si la démarche scientifique est respectée. Il nous faut, dans tous les cas, respecter des critères de scientificité. Appliquons au moins une rigoureuse sémantique. Je pense que la question d'un lexique spécialisé doit recueillir une approbation consensuelle.
    7)Des liens humains. Je voudrais souligner un aspect remarquable des diverses associations et sociétés de sexologues. Elles ont toutes quelque chose en commun: elles ont fait naître en leur sein des liens humains, une convivialité très chaleureuse qui n'a son pareil dans aucune autre société médicale. Faites-moi confiance sur ce point! J'ai fréquenté beaucoup de sociétés médicales et je n'y avais jamais trouvé rien de pareil à ce que j'ai connu à la SFSC.
    8)Les grandes tendances de la sexologie.
    Les tendances scientifiques des différentes écoles sont très connues. Les Américains de la Côte Ouest sont très pragmatiques: expérimentation, statistique et béhaviorisme. L'école de la SFSC est plus volontiers synthétique: le rapprochement des techniques de W.H. Masters et V.E. Johnson et de la psychanalyse en sont un exemple éloquent.
    Il apparaît aussi un adage assez important en sexologie: les développements scientifiques, pharmacologiques et techniques ont été très importants depuis 20 ans mais elles impliquent un corollaire paradoxal: ce sont les sexothérapies et les techniques psychothérapiques les plus classiques qui constituent bien souvent de bonnes solutions thérapeutiques.
    8)Le futur
    Nous avons tous été des aventuriers de la clinique qui est finalement le pivot de la médecine. Oui! Des aventuriers, parce que le sexe comme le psychisme et le politique sont des terrains dangereux. La sexologie est une discipline, plus sensible que d'autres, qui questionne la souffrance, la clinique et la thérapeutique. La sexologie tout entière paraît être une médecine de l'extrême. J'invite tout le monde à s'y aventurer avec honnêteté, prudence et obstination.
    9)La leçon
    Que dire encore de ces 20 années écoulées?
    Nous avons fait tout cela. Nous avons accompagné la sexologie avec un esprit de recherche et de novation mais aussi avec une sorte de jubilation intellectuelle. Et tout ceci m'apparaît maintenant avec le recul du temps comme la vraie jeunesse de l'esprit.
    Je vous remercie,

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    BIBLIOGRAPHIE

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