Bulletin de psychiatrie
Numéro 8
Article 8.1
(semestrielle ou annuelle)
Edition du 10 novembre 1999
Dr Fineltain Ludwig
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Paris
E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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cuneiforme sumerien

EXAMEN ET BILAN DU DEVELOPPEMENT MENTAL
ET DE L'ETAT PSYCHIQUE D'UN ENFANT

   

Mots clefs: -Consultation -Psychothérapie - Orthophonie - Thérapie psychomotrice - Les principaux troubles: -Les arriérations, les thésaurismoses et diverses autres atteintes cérébrales - Les troubles de la parole et de l'écriture -Le contrôle sphinctérien et ses troubles - Les pulsions agressives - Les névroses - Les prépsychoses et les psychoses - Classifications - Tableau du développement


   
PREFACE

    La description des examens de dépistage et des traitements couramment pratiqués dans une consultation spécialisée de CMPP ou Centre Médico-Psycho-Pédagogique sera fort utile au médecin généraliste, au pédiatre et au psychiatre. Comme ces centres reçoivent les enfants de 3 à 20 ans la psychiatrie d'enfant tout entière est concernée.
    Il existe certainement une nosologie particulière des CMPP. Mais il est important de la comparer aux nosologies psychiatriques locorégionales et internationales.
    Voici d'abord quelques généralités à propos des symptômes qui justifient la demande de consultation. Ce sont d'habitude des plaintes de parents: il est paresseux ou bien encore il n'obéit pas etc. Comme les motifs sont habituellement imprécis, généraux et globaux il convient de les décomposer et de les déchiffrer.
    Une première approche des troubles pédopsychiatriques usuels peut être envisagée par commodité au travers des trois types de traitements fondamentaux offerts par les CMPP à savoir la psychothérapie, la thérapie de la psychomotricité et la rééducation orthophonique.

1- PROTOCOLE DE L'EXAMEN PEDOPSYCHIATRIQUE

    Un examen psychiatrique d'enfant se mène toujours conformément à une sorte de protocole: d'abord les parents et l'enfant ensemble puis l'enfant seul; rarement les parents seuls ou la mère seule. Aussi bien conseillerais-je au généraliste ou au pédiatre de prévoir au moins trois consultations.
    La conduite de l'entretien psychiatrique avec un enfant est très particulière.
    L'enfant très tôt doit être convaincu de l'existence d'une sorte de complicité avec le thérapeute de telle sorte qu'il perçoive comme ses intérêts psychiques sont protégés et défendus. Cela sera assurément payant du point de vue thérapeutique. Quant au cadre technique: on met à disposition de l'enfant des jeux, du matériel de dessin, de modelage ou encore des marionnettes afin de faciliter l'élaboration psychique.
    On peut sans doute prêter aux parents une attention et une écoute silencieuses: on ne doit pas faire de même avec l'enfant.
    Le rôle des examens psychologiques et psychométriques.
    La psychométrie est intéressante entre les mains de psychologues ayant une formation complète type DESS augmentée d'une formation en séminaire spécialisé sans quoi les résultats ne sont guère pertinents. Les tests sont un raffinement de votre observation clinique mais ils reposent en outre sur un étalonnage statistique qui en fait la richesse spécifique.
    La fonction du psychologue en psychiatrie d'enfants a beaucoup évolué depuis 20 ans. On observe un glissement des fonctions. ceux-ci se sont progressivement dessaisis de la psychométrie pour assumer une posture de psychothérapeute pour peu qu'ils en aient acquis la formation.

2- EXAMEN CLINIQUE
2.1- Histoire de l'enfant:

    - Circonstances de la grossesse et de l'accouchement. Les conditions de la naissance: prématurité, souffrance néonatale. Une prématurité peut susciter chez les parents une stratégie de protection sensiblement plus importante qu'elle n'eût été autrement.
    - Situer le début des troubles par rapport aux événements familiaux.
    - Maîtrise sphinctérienne: âge de la propreté anale, urinaire.
    - Notions de troubles antérieurs: anorexie du nourrisson, énurésie.
    - Les éventuels placements: durée, répétition, nourrices, séjours en maisons d'enfants, etc.
    Un placement équivaut, dans l'imaginaire de l'enfant, à un abandon. L'enfant qui va de placement en placement développe une problématique d'abandon voire une névrose d'abandon proprement dite.
    - Le développement intellectuel et la vie scolaire.
    - La vie sociale de l'enfant:
    - il faut évaluer les savoir-faire de l'enfant
    - il faut connaître ses intérêts à la télévision
    - il faut apprécier ses jeux. Les jeux collectifs organisés apparaissent entre 3 et 7 ans. Le spécialiste doit connaître les règles des jeux qui varient selon les époques, les quartiers et les régions.

2.2- LE DEVELOPPEMENT NORMAL DE L'ENFANT

    Tableau du développement
    On s'attachera d'abord à décrire les moments importants du développement psychomoteur de l'enfant, de la naissance au temps présent:
    1ère phase jusqu'à 2 mois
    2ème phase: 2 à 6 mois. Orientation, poursuite et aimantation du regard qui suit le visage humain
    3ème phase: 6 mois à 1 an: position assise, station debout puis marche
    L'évolution de l'enfant: stades du suceur et du regardeur (jusqu'à 3 mois), de l'attrapeur (3-5 mois), du palpeur (5-12 mois), du trotteur (12-15 mois), du parlotteur et du constructeur (2-3 ans).
    - vers 17 mois: il se reconnaît dans le miroir
    - vers la 2ème année: il nomme des parties du corps
    - vers 5 ans distingue droite gauche
    - vers 11 ans: connaît ses doigts par leur nom
    La notion d'immaturation recouvre un champ mal défini: émotionnel, affectif caractérisé par une dépendance excessive et anachronique, intellectuel, psychomotrice. On décrit aussi une immaturation sociale et une immaturation EEG (le rôle des ondes thêtas).

3- EXAMEN PSYCHIATRIQUE

3.1- ETUDE CLINIQUE DES TROUBLES


    1) Etude globale du développement psychomoteur:
    L'évolution de l'enfant: stades du suceur et du regardeur (jusqu'à 3 mois), de l'attrapeur (3-5 mois), du palpeur (5-12 mois), du trotteur (12-15 mois), du parlotteur et du constructeur (2-3 ans).
    Les moments significatifs du développement sont les suivants (ils sont synthétisés dans des tableaux synoptiques):
    +/- L'apparition du premier sourire: 3ème mois
    - L'âge de la tenue de la nuque, de la tête: 3ème mois. Le maintien de la tête, l'enfant étant en position verticale: à 2 mois 66%, à 3 mois 96%.
    + L'âge de la tenue assise: entre la 28ème et la 40ème semaine? La position assise (l'épreuve consiste à se soulever jusqu'à la position assise). A 7 mois 46% des enfants y parviennent, à 9 mois 98%.
    - A la même époque s'annule le "Babinski physiologique": 181-192èmes jours
    + L'enfant à la chaise: à partir de 6 mois?
    Station debout sans aide: à 10 mois, 71% des enfants et, à 12 mois, 98%.
    La préhension fine: le lâcher d'un cube dans une tasse apparaît à 12 mois.
    + A quel âge a-t-il marché sans aide? Entre 12 et 18 mois? Marche: à 13 mois 64% et à 15 mois 94%.
    Un équivalent de la préhension au membre inférieur: la maîtrise de l'alternance des pas en descendant ou en montant les marches d'un escalier s'acquiert vers 3 ans.
    - A quel âge a-t-il su monter un escalier: à 2 ans ou à 3 ans?
    - Pathologie de la persistance de syncinésies au-delà de 3 ans.
    2) Le développement du langage.
    + Apparition des premiers mots: 12ème mois
    + Apparition des premières constructions syntaxiques. Quelques moments forts: passage du mot à la phrase comprenant au minimum un sujet, une copule et un verbe; apparition des pronoms tels qu'un "je" opposable à un "tu": entre 24 et 36 mois. Ainsi donc, à 3 ans, ceci doit être acquis. Si par exemple à 4 ans le "je" n'est pas acquis ou bien s'il constitue un simple son remplaçable par le "tu" ou le "il" la suspicion de processus psychotique est très forte.
    3) Etude de la latéralisation: on essaiera de se figurer le destin de la latéralisation en fonction de sa structuration actuelle. On étudiera les gestes instinctifs tels que la main tendue soudainement sollicitée, la main qui lance la balle et le pied qui shoote, le bras qui fait la plus grande extension en essayant de saisir un objet haut placé, le saut à cloche-pied -et on s'enquerra de la main qui torche-. On ne donnera pas de valeur significative à l'oeil directeur.
    4) Quelques anomalies évidentes sont exposées d'emblée: énurésie, tics, onychophagie, céphalée, troubles du sommeil, instabilité, inhibition, agitation, opposition, colères, mythomanie, réactions perverses vis-à-vis des animaux, tristesse et troubles divers de l'humeur et émotivité excessive. On fera préciser les conditions de survenue: à la maison, à l'école, au cours de séjours divers chez les grands-parents, des oncles ou des amis.
    5) La maîtrise sphinctérienne: âge de la propreté anale, urinaire.
    6) Le comportement alimentaire:
   

3.2- Caractère et personnalité

   
3.3- Etude du milieu familial.


    Les parents ont-ils eux-mêmes rencontré des difficultés durant l'enfance? Le but: percevoir comment tel parent projette sur l'enfant une problématique personnelle vécue à un âge comparable et qui ne fut pas résolue en son temps.
    Un père manquant ou caractériel. L'influence d'un père trop faible pourrait favoriser chez l'enfant une tendance psychopathique aux agir pathologiques avec un désir de maîtriser l'angoisse d'un excessif laxisme en ne rencontrant jamais de bornes à ses propres pulsions agressives et aux agir pathologiques.
    Une mère trop protectrice. L'intérêt de cette observation: pour un enfant ayant un retard de parole, conduirait à conseiller à la mère deux ou trois mesures afin de desserrer l'étau d'une protection étouffante.
    La fratrie: une connaissance détaillée en est impérative. Le développement de troubles autour de la naissance d'un puîné oriente très précisément le diagnostic et le traitement.
    Organisation économique, sociale et surtout culturelle de la famille. Il est bon de connaître les habitudes culturelles des familles. Il est absolument nécessaire que le psychiatre acquière une connaissance des cultures différentes de la nôtre. Ainsi l'énurésie chez les enfants tziganes doit-elle être regardée autrement que chez les petits parisiens.
   

3.4 Organisation culturelle et linguistique de l'enfant et de la famille


    La dyslexie des enfants de familles bilingues ou multilingues demande une réflexion spécifique. Le multilinguisme est habituellement la source de nombreux problèmes, en tout cas chez l'enfant de niveau intellectuel moyen, générateur de retard linguistique comme par exemple un appauvrissement du stock des mots dans chacune des deux ou trois langues vernaculaires. Quelques conseils simples pourront être donnés aux parents: par exemple de donner priorité, entre eux, à la maison, à la langue française au dépens de la langue vernaculaire ou de la langue maternelle. Une famille d'immigrés russes m'a dit: "il n'est pas question qu'à la maison je me prive de parler tout le temps russe à mes enfants". Je lui ai répondu que je respectais ses idéaux mais qu'il fallait tout de même faire l'effort de donner priorité à la langue française à la faveur des conversations familiales.
   

3.5- Examen clinique médical


    Il est rarement nécessaire, à ce stade de l'examen, de procéder à un examen clinique médical et neurologique approfondi. Celui-ci pourrait être complété à la faveur de la 2ème consultation ou d'une autre consultation ultérieure complémentaire. Il est cependant nécessaire de bien repérer des troubles médicaux jouant d'emblée un très grand rôle en psychiatrie infantile. Retenez cependant que les erreurs qui consistent à tenir pour somatiques des problématiques psychiques sont, dans la pratique clinique courante, bien plus fréquentes que l'inverse!
    On fera le bilan d'une déficience somatique, de maladies importantes concomitantes, d'un déficit sensoriel et de signes physiques de débilité motrice comme les paratonies et les syncinésies.
    - Parmi les déficiences somatiques il est important de repérer les atteintes génétiques, les thésaurismoses et les mouvements anormaux des atteintes neurologiques classiques.
    - Parmi les déficits sensoriels l'examen est centré sur la recherche d'une hypoacousie, d'une amblyopie, non seulement la myopie ou l'hypermétropie mais aussi l'hétérophorie.
    Les déficits sensoriels paroxystiques des comitialités sont rares mais elles ne doivent pas induire le médecin en erreur.
    Très souvent peut-on observer une combinaison des troubles à savoir les troubles moteurs neurologique ou neurotoxique -ceux des thésaurismoses par exemple- et le retard psychomoteur. Je me souviens du cas d'un enfant atteint de la maladie du cri du chat ou délétion du bras court du chromosome 5 (46/XY/del5p) avec un important retard psychomoteur que la rééducation psychomotrice avait beaucoup aidé à progresser.
    3.6- Les thésaurismoses (une description plus détaillée est fournie dans ce lien)
    Voici le tableau succinct des thésaurismoses impliquant des atteintes neuropsychiatriques.
    - MALADIES GENETIQUES DU TRANSPORT ACTIF MEMBRANAIRE
    - MALADIES DU TRANSPORT DES ACIDES AMINES
    - GLYCOGENOSES
    - CYCLE DE L'UREE (ANOMALIES ENZYMATIQUES)
    - MUCOPOLYSACCHARIDOSES ou MPS
    - MUCOLIPIDOSES ou MLP
    - DEFICIT HEREDITAIRE EN LIPOPROTEINES
   

4- L'ETAPE DIAGNOSTIQUE ET LES TROUBLES DES DIFFERENTES FONCTIONS

   
4.1- L'intelligence et ses déficiences.

    Celle-ci peut se définir en termes de QI. Mais la seule méthode logique d'appréciation est celle de Piaget (acquisitions des opérations sensori-motrices, des opérations concrètes puis enfin des opérations formelles).
    Il faut bien entendu tenir compte du groupe très particulier mais très évident des débilités organiques. Le diagnostic est le plus souvent orienté par la multiplicité des déterminations génétiques ou métaboliques: les aberrations chromosomiques, les thésaurismoses issues des erreurs innées du métabolisme des protides, des lipides, des glucides et d'une quantité d'autres comme les acides aminés, les urates. Il faut encore tenir compte d'infections et d'intoxications spécifiques dont nous ne ferons pas ici la liste détaillée. La plupart des débilités mentales sont néanmoins d'origine inconnue.
    Les degrés de débilité, en pratique courante, sont la débilité légère et la débilité moyenne. L'orientation scolaire des débiles mentaux consiste à leur proposer assez tôt la "classe de perfectionnement" ou à un degré supplémentaire une Institution Médico-Pédagogique.
    Le médecin ne saurait être apte, tout seul, de prendre des décisions utiles. Il faut encourager et même exhorter la famille à négocier avec la maîtresse et surtout la directrice de l'école. Les orientations sont alors prises sous l'égide des CDES.
    Il faut très tôt avec les parents proposer une prospective scolaire. Le discours du spécialiste doit être, dans la mesure du possible, un parler vrai. Si le spécialiste ne peut tenir ce discours auprès des parents qui donc en serait capable? Voici un exemple: je m'occupe actuellement d'une enfant perturbée, débile légère. Elle demeure en maternelle alors qu'elle a 6 ans. La maîtresse craint qu'elle ne fasse un mauvais CP. Je dis à la mère: "Elle fera peut-être un mauvais CP; peut-être devra-t-elle redoubler une ou deux fois etc. Elle acquerra la lecture, aura sans doute du mal à acquérir la grammaire etc."

4.2- Troubles de l'acquisition du langage

    Rappelons les étapes:
    - Avant 1 an: pas de langage
    - A partir de 12 ou 13 mois: le premier symbole verbal
    - Vers 15 mois: 3 ou 4 mots
    - Vers 18 mois: 6 à 10 mots
    - Vers 24 mois: ébauche de phrase
    - Vers 30 mois: le "je" est acquis. Ceci est un critère très important.
    Alors que la date d'acquisition des premiers mots est tolérée dans des fourchettes d'âge assez larges, soit jusqu'à 20 mois, autant l'acquisition de la construction syntaxique doit être perçue à 30 mois sans quoi on peut envisager les diagnostics du retard de langage. Il faut savoir aussi compter le stock des mots.
    Les causes sont à différents niveaux: des causes névrotiques, des causes psychotiques, la débilité mentale.
    Vers 3 ans: le vocabulaire est riche et les phrases sont construites correctement. Un langage non acquis à 4 ans évoque quelques fois le processus psychotique. Notons dans une première approche: le "Je", le stock des mots et les ébauches syntaxiques.
    La compréhension verbale est bien entendu en avance sur l'expression.
   

Troubles du langage oral: les blésités.

   
    Elles modifient le phonème, la structure du mot ou la structure de la phrase. Ce sont les classiques sesseyement, zézaiement, chuintement, gammacisme, iotacisme, clichement, zozotement, grasseyement, lambdacisme, mutacisme et deltacisme des phoniatres classiques.
    Les altérations phonétiques du retard de parole sont les mêmes que celles qui ont été notées au cours de l'évolution historique de la langue, du latin au français! Assimilation, dissimilation, interversion, métathèse, suppression des consonnes, chute d'une syllabe finale etc.
    Quelques retards de langage spécifiques doivent être remarqués:
    - Retard du langage du débile: il faut situer ce retard sur une échelle de niveau.
    - Retard du langage du déficit auditif et l'audimutité
    - Retard du langage en rapport avec un trouble de l'affectivité ou du comportement
    - Retard simple du langage
    Les problèmes du bégaiement. Ce trouble constitue en lui-même un chapitre nosologique à part. On s'attachera à bien distinguer le bafouillage du bégaiement. Une bonne connaissance des composantes clonique et tonique du trouble seront très utiles pour juger de l'évolution en cours de traitement. D'une façon générale les traitements sont actuellement assez décevants.
    Les troubles de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
    Les inaptitudes sont la dyslexie et la dysorthographie. La dyslexie consiste en une persistance anormale avec une fréquence significative des erreurs en écriture et en lecture. Ce trouble spécifique est bien différent des simples insuffisances de l'acquisition des règles orthographiques et syntaxiques de la langue.
    Développement normal.
    N'oublions que le calendrier de l'apprentissage de la langue écrite est d'abord sous l'emprise de la culture. Telle culture obligeait des enfants de 4 ans à retenir des lettres gravées sur de petits morceaux de bois, telle autre décrète la règle des 6 ans tandis que les civilisations tolérantes scandinaves attendent 7 ans. On peut tolérer un défaut d'acquisition jusqu'à 7 ou 8 ans! Ainsi la dédramatisation de cette question requiert une attitude souple. Il faut expliquer aux familles la protohistoire de l'écriture, l'histoire millénaire de l'acquisition des alphabets du cunéiforme sumérien et akkadien aux alphabets consonantiques puis vocaliques avec les modifications surprenantes des positions des lettres dans l'espace.
    Attention le semi-mutisme ou le mutisme ne sont pas traités par des orthophonistes: il ne s'agit pas d'un trouble de l'expression de la parole mais d'un refus ou d'une impossibilité de parler du fait de conflits intrapsychiques. Une remarque analogue peut être faite au sujet de la dysgraphie qui bénéficiera plus volontiers de la rééducation psychomotrice.
    Le problème des retards scolaires.
    Ces enfants constituent un important contingent des consultants au CMPP. Comme ce problème est à la fois difficile et subjectif, il ne faut pas s'armer de tests: il faut connaître l'avis circonstancié de l'institutrice ou mieux encore de la directrice de l'école.
   

5- Les troubles du contrôle sphinctérien

   
    L'enfant devient propre vers 2 ans, parallèlement à l'acquisition de la marche. L'énurésie est le fait de pisser au lit pendant le sommeil au-delà de 4 à 5 ans. A 2 ans la moitié des enfants sont continents et à 3 ans les trois-quarts. Au CMPP nous parlerons d'énurésie à partir de 3 ans. L'énurésie consiste alors à pisser involontairement dans la culotte le jour ou la nuit dans le lit.
    Il est très important de distinguer l'énurésie de l'incontinence.
    La distinction entre l'énurésie primaire et l'énurésie secondaire par contre a fort peu d'importance. Les énurétiques sont le plus souvent des garçons.
    L'énurésie est un symptôme régressif et protestataire.
    Le traitement logique est la psychothérapie. Il est fréquent au cours des psychothérapies d'apprendre rétrospectivement que l'énurésie avait cessé au 3ème ou 4ème mois de la cure. Des guérisons peuvent aussi bien advenir, chez l'interniste comme chez le psychiatre, grâce à d'autres méthodes: l'avertisseur électrique automatique, les imipraminiques, les agonistes de l'hormone antidiurétique comme la desmopressine ou même les placebos.
    L'encoprésie est la défécation dans la culotte ou dans le lit: il faut impérativement la distinguer du défaut de propreté. Les critères d'âge sont bien entendu fondamentaux. Elle signale un état psychique grave sinon très grave, quelquefois d'emblée psychotique. L'encoprésie est un symptôme d'angoisse profonde.
   

6- Troubles psychomoteurs

   
    L'organisation psychomotrice et ses désordres
    On a coutume d'y inclure les rythmies motrices comme l'offensa capitis, la trichotillomanie, l'onychophagie et les tics.
    La débilité motrice, l'instabilité motrice ou plus précisément l'instabilité psychomotrice et les dyspraxies en sont les principaux exemples.
    La rééducation psychomotrice se donne pour but d'accroître la maîtrise psychique du schéma corporel, des conduites corporelles et des acquisitions spatio-temporelles.
   

7- Divers troubles constituent des motifs peu fréquents de consultation dans un CMPP

    Les anorexies et polyphagies et les troubles du sommeil sont des motifs peu fréquents de consultation.
    Les troubles des fonctions sexuelles. La masturbation est une conduite sexuelle qui ne constitue pas ou plus guère un motif de consultation. Le public depuis des années a été correctement informé du sens de cette activité sexuelle par les excellents articles que l'on découvre dans la grande presse.
    On reçoit parfois, quoique rarement, des cas d'enfants ébauchant un transsexualisme: j'ai noté trois cas venus à ce titre en consultation et confirmés, en l'espace de 25 ans.
   

8- Les névroses de l'enfant et les troubles courants du comportement et du caractère

   
    Ce sont le plus souvent des organisations névrotiques plutôt que des névroses structurées. Les névroses de l'enfant peuvent être classées sur le modèle de l'adulte mais elles n'en possèdent généralement pas la structure achevée. Ce sont des névroses en formation, en mouvement et en remaniement permanent.
    Les motifs de consultation sont:
    - l'anxiété et les cauchemars
    - les phobies requièrent avant tout une étude chronologique de telle sorte que l'on puisse distinguer une période phobique normale ou peur de l'étranger à 3 ans, des phobies spécifiques mineures (l'exigence de la lumière de nuit, la peur des animaux etc.) par opposition aux organisations phobiques plus inquiétantes
    - les pensées obsédantes: l'enfant ne présente pas à proprement parler de névrose obsessionnelle mais des pensées obsédantes et compulsionnelles. Les rituels de l'enfant ne sont le plus souvent que des épisodes évolutifs normaux des pulsions libidinales.
    - les décharges psychomotrices que certains collègues appellent un peu vite hystérie de l'enfant sont généralement les crises de nerfs, les crises de larmes et de sanglots et les douleurs abdominales avant d'aller à l'école
    - les troubles de la personnalité
    - la dépression chez l'enfant est le plus souvent polymorphe: elle est en réalité peu fréquente contrairement aux données de la littérature contemporaine
    - les pulsions agressives et la désintrication pulsionnelle
    - le masochisme, la propension aux accidents et les automutilations
    - le suicide est rare chez l'enfant et il requiert une étude attentive et approfondie: il est toujours inquiétant
    - l'abandonnisme
    - les troubles des pulsions sexuelles ont été abordés plus haut: outre les 5 syndromes endocriniens on évoquera de nouveau le transsexualisme précoce
   

9- L'enfant psychopathe

   
    L'enfant pervers et l'enfant asocial ou prédateur. Les enfants délinquants ne sont pas tous pathologiques loin de là. Les enfants fugueurs et les bandes sont dirigés vers la consultation à la requête des services judiciaires beaucoup plus souvent que sur les conseils d'enseignants.
    Le syndrome borderline chez l'enfant est une perspective de recherche beaucoup plus qu'une catégorie nosologique confirmée (en tous cas chez l'enfant).

10- Les prépsychoses et les psychoses infantiles

    Pathologie quasiment réservée aux spécialistes le diagnostic est élaboré par un pédopsychiatre confirmé. La question est si complexe que je ne saurais la résumer succinctement.
    Le médecin doit avant toutes choses se prémunir des préjugés et des prétentions de milieux anti-scientifiques.
    La pratique des bilans d'évaluation dans certains centres suscite des controverses. L'apport des test d'évaluation et des grilles issues du DSM est lui aussi tout à fait insuffisant.
    On ne fait pas non plus ce diagnostic sur la base d'un test projectif. Celui-ci ne fonctionne pas comme l'examen paraclinique attestant le lupus érythémateux disséminé ou la spondylarthrite ankylosante. Les tests psychométriques et projectifs viennent enrichir une approche clinique qui demeure absolument prioritaire.
    Il n'existe pas non plus de diagnostic psychanalytique de la psychose infantile! La démarche psychanalytique assume deux rôles importants: elle joue d'abord un rôle heuristique dans la recherche de la pathogénie et d'autre part elle propose dans ces cas cliniques une technique majeure de traitement.
    Voici quelques repères cliniques:
    - Absence de langage à 4 ans
    - Un enfant, au-delà de 3 mois, qui ne suit pas le visage de sa mère du regard!
    - Un enfant qui paraît totalement insensible aux douleurs et qui paraît sourd sans qu'aucune déficience neurophysiologique n'ait été constatée: notez que l'examen audiométrique doit être pratiqué dans un laboratoire spécialisé pour les déficiences des enfants; des interprétations erronées sont toutefois possibles.
    Les propositions de synthèse syndromique et nosologique.
    Une synthèse des symptômes fondamentaux de la psychose infantile a été reprise par le DSM-IV dans la rubrique des TED ou troubles envahissants du développement.
    Les désordres psychotiques précoces, la psychose infantile sont ainsi répertoriés:
    1) Relation inadéquate à la réalité (retrait autistique)
    2) Défaut d'usage des objets
    3) Applications très éparpillée de la connaissance, des affections et de l'activité
    4) Des fantasmes magiques superposés à la réalité
    5) L'abstraction excessive paralyse activité et pensée
    6) Distorsion manifeste de la communication
    7) Relation inadéquate avec les gens

L'étape de confirmation du diagnostic dans l'optique du DSM

    Dans le DSM le diagnostic résulte du groupement d'au moins 3 des symptômes envisagés. Le consensus en 1999 requiert 8 items sur 16 dont 2 items affectifs en position A (manque d'empathie, ne recherche pas le réconfort, n'imite pas le geste simple de l'au-revoir, inclut autrui dans ses jeux seulement comme des objets mécaniques; mais il parviendrait cependant à jouer vrai avec son frère ou sa soeur), 1 item verbal en position B (absence de mélodie du parler, ne fait pas écho au sourire par un sourire, au sourire maternel par exemple, mais en tout cas pas du tout à l'examinateur, -pas au mien-; il n'a pas d'écholalie mais il produit tout de même des cris intenses et paradoxaux; absence des pronoms pertinents comme je, tu et il mais c'est surtout le JE qui fait défaut alors que son apparition doit être attestée à 3 ans).
    Je rappelle à cet égard les étapes classiques du développement:
    De 2 à 6 mois s'affirme l'orientation et la poursuite du regard qui suit le visage humain
    Apparition des premières constructions syntaxiques et notamment quelques moments forts: le passage du mot à la phrase comprenant au minimum un sujet, une copule et un verbe et l'apparition des pronoms tels qu'un "je" opposable à un "tu", tout ceci entre 24 et 36 mois.
    A 3 ans, donc, tout ceci doit être acquis. Si à 4 ans le "je" n'est pas acquis ou bien s'il constitue un simple son remplaçable par le "tu" ou le "il", la suspicion du processus psychotique est très forte et enfin un item moteur en position C (il effectue des mouvements complexes qui ne possèdent pas par ailleurs les caractères neurologiques précis des mouvements anormaux, il renifle les jouets, il souffre de la mutation, de l'atteinte à l'immuable).
   

Comment approfondir la réflexion pour confirmer le diagnostic de psychose infantile?

    Il convient de répondre à quelques questions:
    1) Comment l'enfant répond-il aux sollicitations? L'autisme et le sourire partagé. Dans l'autisme, l'absence de mimiques de communication ou de contact sont bien autre chose que la phobie de l'étranger, phase normale du développement pulsionnel de l'enfant. Il ne sourit pas, ne tend pas les bras n'anticipe pas les mouvements quand par exemple on le prend dans les bras. Je rappelle que la 2ème phase du développement de l'enfant implique, entre le 2ème et le 6ème mois, qu'il oriente le visage, suit et poursuit du regard le visage humain.
    2) L'enfant répète-t-il des activités stériles et de quelle façon? Quel est le rapport, chez cet enfant, entre l'autisme et l'immuable? Comment l'enfant s'aménage-t-il une bulle immuable? Quelles sont les composantes de son immutabilité?
    3) Quelle est la nature du retard des acquis? Observe-t-on, dans son langage, une absence du "Je", du Moi et du Tu. La mélodie du langage est-elle anormale? Le vocabulaire et la syntaxe sont-ils réellement pauvres? La scansion de la parole est-elle particulière?
    4) Quelle est chez cet enfant la nature du retard ou du trouble psychomoteur?
    5) Son développement cognitif doit être examiné avec attention.
    6) De quelle sorte de jouet se sert-il? Comment joue-t-il? La réflexion à propos du jeu normal et du jeu pathologique est nécessaire.
   

LES TRAITEMENTS

    Il est commode d'en exposer le tableau synthétique en trois chapitres:
    1) La psychothérapie.
    Les troubles psychiques de l'enfant requièrent essentiellement la psychothérapie d'inspiration psychanalytique. Ce traitement offre une réponse aux troubles suivants: les troubles du caractère, les troubles du comportement comme les violences, les vols et les fugues, la sottise névrotique, les mutismes partiels et totaux, les névroses structurées, les états prépsychotiques, la psychose infantile (sa forme "autisme infantile" définie en 1944, le "syndrome symbiotique" défini en 1952 et la forme "psychose à expression déficitaire").
    Ajoutons à cette liste: les tics, les automutilations etc.
    Dans la psychose infantile un traitement neuroleptique peut et doit coexister avec la psychothérapie. La prescription requiert du spécialiste une connaissance très approfondie du métabolisme des psychotropes neuroleptiques.
    2) Rééducation de la psychomotricité. Elle répond à:
    Retard de développement psychomoteur, défaut de maîtrise corporelle et anomalies de la latéralisation.
    3) Rééducation orthophonique, technique de traitement qui s'intéresse à la maîtrise de la parole et du langage en tant qu'instruments de la communication et à l'acquisition du langage écrit. Elle répond aux retards de parole, à la dyslexie et à la dysorthographie.
    4) Les cas difficiles requièrent un échange d'idées et un examen synthétique du cas en équipe. Un exemple caractéristique est l'utilité pour quelques enfants dyslexiques de faire plus volontiers une psychothérapie qu'une rééducation spécifique.
   

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