Psychiatrie Embarquee
Bulletin de psychiatrie
(parution semestrielle ou annuelle)
Bulletin N°15
Edition du 30 avril 2004
   Mise à jour du 22.08.2004 (16ème version)


TRAITE DE PSYCHIATRIE EMBARQUEE
    TROUSSE MEDICO-PSYCHIATRIQUE


Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Paris

E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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Edition du 30.05.2004
Mise à jour du 22.08.2004
______________________________

   

      
Estienne       Poetae graeci


Gravure de Lurat
La leçon de Charcot
            Tableau de Brouillet: Charcot
Une leçon clinique à la Salpêtrière
(Salon 1887)
           

  


   
   
   

PRECIS DE PSYCHIATRIE EMBARQUEE
    (Psychiatrie de campagne, psychiatrie de poche, psychiatrie insulaire
    ou psychiatrie orpheline)

    Dr Ludwig Fineltain
    Neuropsychiatre et Psychanalyste
    Paris


    Ce petit bréviaire de psychiatrie est destiné à tous ceux qui s'embarquent pour des îles lointaines loin des centres hospitaliers et des plateaux techniques sophistiqués à quoi nous sommes accoutumés dans les grandes cités de l'hexagone. Le même raisonnement vaut pour les régions isolées par la géographie, par l'absence de route ou par le climat. Trois considérations nous guideront:
    1)La possibilité de faire un diagnostic de commodité fondé sur une nosologie restreinte commandée par la gravité ou l'urgence
    2)La disposition d'une trousse de voyage psychiatrique comprenant deux compartiments l'un psychiatrique et l'autre médico-chirurgical utile au psychiatre.
    3)L'intervention psychiatrique ne se limite pas aux médicaments. Comment élaborer les principes d'une psychothérapie restreinte? Cette question classique si longtemps débattue entre des psychanalystes -songez à Rosen, à Alexander et French- prend ici un relief tout à fait particulier. Ce n'est plus un débat théorique mais la mise en œuvre de ce que l'un de nos collègues nommait spirituellement "le minimum vital psychiatrique".
   
    Plan et mots clefs:


    INTRODUCTION


    I- Troubles névrotiques
    - Troubles phobiques (= DSM 300 & CIM F40)
    - Troubles obsessionnels (= CIM F42 DSM 300.3)
    ++ Troubles hystériques
    II- HYPOCHONDRIE (= CIM F45.2)
    III- PERSONNALITÉS PATHOLOGIQUES (= DSM 301)
    IV- Troubles de l'humeur - Syndromes dépressifs (= CIM F32 DSM 296)
    V- CLINIQUE PSYCHIATRIQUE TRANSCULTURELLE
    VI- SYNDROME BORDERLINE ou Etat-limite
    VII- PSYCHOSES
    - SYNDROMES DELIRANTS
    -PSYCHOSES DELIRANTES CHRONIQUES
    -PSYCHOSES DELIRANTES AIGUES (= CIM F23)
    - P.M.D. (= CIM F31)
    - SYNDROME DISSOCIATIF (= CIM F20)
    DIAGNOSTIC POSITIF DE LA SCHIZOPHRENIE
    ETATS D'EXCITATION, D'AGITATION ET DE DANGEROSITE
    - SYNDROME CONFUSIONNEL

    DIAGNOSTIC DES ETATS DEMENTIELS (= CIM F00 à F09)
    MODALITES DES TRAITEMENTS CONTRAINTS
    VADEMECUM THERAPEUTIQUE
    Interventions psychothérapiques brèves
    TROUSSE MEDICO-PSYCHIATRIQUE
    TROUSSE MEDICALE GENERALISTE
    TROUSSE DE MATERIEL MEDICAL

    BIBLIOGRAPHIE


    Extraction des formes graves


    Nous nous proposons d'extraire parmi l'ensemble des affections celles qui dans des contrées isolées par leur intensité et leur acuité susciteraient attention et considération et requerraient un traitement immédiat.
    Parmi les névroses: -La crise d'angoisse dans sa phase paroxystique et au cours des raptus et -Le trouble hystérique dans sa forme spectaculaire.
    Parmi les syndromes dépressifs: -La mélancolie, ses deux formes gravissimes comme le syndrome de Cotard d'une part et le suicide altruiste d'autre part -La forme dépressive atypique de la schizophrénie -La dépression tempétueuse chez le "borderline".
    Quelques formes répertoriées de syndromes psychiatriques transculturels comme le Windigo des Hopis, l'Amok des polynésiens et le Piblokto des Inuit.
    Parmi les syndromes "borderline" ceux qui ont une tendance autodestructrice.
    Parmi les psychoses: presque toutes les formes cliniques sont dignes d'attention et de vigilance à l'exception des paraphrénies fantastiques. Notons en particulier: -Les bouffées délirantes aiguës -Toutes les formes cliniques de la Schizophrénie -Toutes les formes de la psychose maniaco-dépressive aussi bien en phase d'excitation syntone que de dépression auto-accusatrice. Soulignons de nouveau la gravité méconnue des Délires Paranoïdes, du délire de négation de Cotard et des Mélancolies avec propension au suicide altruiste.
    Des syndromes intermédiaires ont un certaine gravité: l'hypochondrie revendicative, l'érotomanie meurtrière et la jalousie pathologique avec des agir paranoïaques.
    Parmi les psychoses dites organiques les états confusionnels aigus ou délirium de l'alcool, des excès pharmacologiques et des drogues dures, les overdoses et les syndromes de sevrage.
    Parmi les psychoses du patient âgé: les syndromes confusionnels issus d'un excès de médications ou de troubles hydro-électrolytiques, la forme sénile de la paranoïa ou encore l'accroissement d'un processus démentiel connu.
    Parmi les processus démentiels de tout âge notons les deux variantes de la maladie de Creutzfelt-Jakob et les démences toxi-infectieuses, en particulier les démences alcooliques.

    Parmi les causes d'erreur majeures j'isolerais:
    1) L'accident vasculaire cérébral ischémique: notez la confusion mentale (le jargon de l'aphasie de Wernicke) et le trouble de la vigilance parmi les prodromes de l'acuité. Cette urgence médicale et neurologique classique requiert un plateau technique avec sérum glucosé, anticoagulants et antihypertenseurs.
    2) L'encéphalopathie porto-cave hyperammoniémique qui peut avec son syndrome confusionnel induire le clinicien en erreur. Elle requiert un diagnostic urgent (circulation veineuse collatérale, flapping tremor et foetor hepaticus) et la mise en oeuvre d'une correction électrolytique réglée contre l'hypoglycémie et l'hyperammoniémie.


    INTRODUCTION


    1) A propos de la définition de la psychiatrie
    La psychiatrie possède une sémiologie spécifique comme par exemple l’angoisse, les phobies, les obsessions, les hallucinations, les interprétations, les délires thématiques, l’onirisme, l’automatisme mental, la dépression, l’excitation, le déficit intellectuel et les confusions.
    Elle précise et répertorie des syndromes, des maladies bref une nosologie qui différencie nettement les troubles névrotiques et les états-limites, les délires aigus et chroniques, et les schizophrénies (1911), les états démentiels et les arriérations légères, moyennes ou profondes et enfin les perversions.
    2) A propos du diagnostic en psychiatrie
    L'élaboration d'un diagnostic psychiatrique est une action positive. La psychiatrie est une spécialité médicale et elle requiert à ce titre une démarche clinique rigoureuse. Il n’existe pas de diagnostic psychiatrique par exclusion. Mais bien entendu on ne peut pas définir un trouble mental par simple exclusion d'une autre forme de pathologie organique démontrable! On ne peut pas décréter une affection psychiatrique du seul fait que les examens paracliniques sont négatifs.
    3) A propos des troubles névrotiques et des névroses
    Ces pathologies requièrent donc un diagnostic positif. Par contre peut-on préciser les diagnostics psychiatriques que tout oppose les uns aux autres. Les névroses par exemple diffèrent sensiblement des troubles de la personnalité (qui sont des traits de caractère et des types de comportement durables et stables), des troubles psychotiques et bien entendu des troubles démentiels et des arriérations mentales.
    La réalité, la fréquence et l'importance des pathologies névrotiques nous apparaissent tous les jours d'une grande évidence. Mais cependant le poids des névroses dans une psychiatrie embarquée est très faible au regard des psychoses.
    4) A propos du concept de régression. L'organisation pulsionnelle retrouve un mode d'organisation caractéristique d'un stade sexuel infantile c'est-à-dire que le sujet revient à des étapes dépassées de son développement au regard des stades libidinaux, des relations d'objet et des identifications. Les régressions peuvent être objectales comme dans l'hystérie, libidinales comme dans la névrose obsessionnelle. Freud distinguait trois sortes de régressions: topique, temporelle ou formelle.
    5) A propos du concept de décompensation. C'est la mobilisation inopportune des composantes d'un équilibre psychique précaire. En médecine, la décompensation d'un état fragile est l'aggravation qui résulte d'un mauvais état général, du vieillissement ou de l'épuisement de l'effet thérapeutique ou plus précisément de tares physiques exerçant ses effets sur une maladie intercurrente: le diabète, l'insuffisance rénale, l'alcoolisme et les déficiences immunitaires. En psychiatrie la décompensation emprunte métaphoriquement à la médecine physique la notion d'un équilibre précaire ou d'un fond chronique de fragilité: 1)Une névrose décompense sous la forme d'une crise, au cours de son histoire, à la faveur de la réactivation des conflits intrapsychiques non résolus. Cela concerne essentiellement une structure de personnalité hystérique ou phobique. 2)Une personnalité psychopathique est susceptible de décompenser sur le mode de la décharge psychomotrice ou le suicide. 3)Les décompensations des personnalités paranoïaques ou des personnalités "borderline" se font volontiers sur un mode psychotique. Les débilités mentales sont, elles aussi, susceptibles de décompenser sur le mode de la bouffée délirante ou confusionnelle.
    6) Réflexions à propos de la peau de chagrin psychiatrique
    Voici un grand paradoxe de la psychiatrie contemporaine. Beaucoup de psychiatres minimisent le rôle des psychoses dans le corpus psychiatrique. Ce processus d’élimination est très généralisé depuis 1980 au profit des états sociopathiques. Dans un manuel récent*(3) on trouve une vaste synthèse des nouveautés thérapeutiques, biologiques, comportementales, cognitives et psychanalytiques tandis qu'en contrepartie la psychose, véritable peau de chagrin, y est réduite à une vingtaine de pages sur les 400 qui composent l'ouvrage! On ne peut approuver la tendance contemporaine des manuels d'évacuer le noyau vivant de la psychiatrie au profit des syndromes accessoires.
    7) A propos de la psychiatrie transculturelle. La psychiatrie comparée ou ethnopsychiatrie requiert une grande attention. Nous devons reconnaître l'importance des formes exotiques de la maladie mentale. Des théories comme l'ethnopsychiatrie et l'ethnopsychanalyse prennent en compte le poids spécifique de la culture et les interactions du sujet avec le milieu.


   
    SEMEIOLOGIE PSYCHIATRIQUE


   
I.- LES NEVROSES
    Définition des névroses.- En psychiatrie, troubles dont le statut est précisé entre les quatre cadres nosologiques fondamentaux: névroses, psychoses, déséquilibres psychiques et démences. La définition de Janet est certainement la plus juste: les névroses sont des maladies de la personnalité caractérisées par des conflits intrapsychiques qui inhibent les conduites sociales. Les principales sont les suivantes: névrose d'angoisse, névrose phobique, névrose hystérique et névrose obsessionnelle. La définition psychanalytique est celle-ci: trouble psychique dont les symptômes sont l'expression -compromis entre désir et défense- d'un conflit intrapsychique et dont les sources se situent au cours de l'histoire infantile du sujet.
    Les troubles névrotiques ont une clinique précise et ils répondent en particulier à un processus spécifique que la psychiatrie classique puis Freud d'une part et Karl Jaspers de l'autre ont contribué à préciser. Le processus névrotique requiert parfois des psychotropes mais presque toujours un traitement psychothérapique ou psychanalytique
    Voyons plus précisément ce que signifie la notion de processus. Le processus et le processuel: "Organisation typiquement pathologique reposant sur la notion d'une discontinuité radicale entre le normal et le pathologique en psychiatrie. Ainsi les psychoses organiques possèdent-elles un critère anatomique objectif. La connotation est l'existence de la maladie par opposition au critère de compréhensibilité de Jaspers. On voit les limites de cette théorie excluant du champ des maladies ce qui n'est pas processuel au sens organique comme la névrose phobique d'où la nécessité de l'élargir. Le processus est finalement la limite où s'arrête l'explication psychosociologique"
   
I1.- Phobie
    Névrose phobique.
    Une phobie est une crainte angoissante déclenchée par un objet ou une situation et qui déclenche des comportements contre-phobiques.
    La phobie est une systématisation de l'angoisse sur des personnes, des choses ou des comportements qui deviennent l'objet d'une terreur paralysante. Ce sont l'agoraphobie, la claustrophobie, l'angoisse des transports, les phobies d'impulsion, les phobies de défenestration, les phobies des armes et des instruments tranchants, l'éreutophobie (crainte de rougir), l'érythrophobie (phobie de la couleur rouge), les nosophobies. Dide et Guiraud distinguaient: phobies des lieux, des éléments, des êtres vivants et des fonctions organiques.
   
I2.- Troubles obsessionnels
    Névrose obsessionnelle. Idées et conduites obsédantes, incoercibles et automatiques. Un fond caractériel spécial: les stigmates psychasthéniques. Les critères de la caractérologie psychanalytique sont dans cette névrose les formations réactionnelles, la régression anale, les déplacements et les condensations
    Parmi les caractéristiques principales: la régression pulsionnelle comme elle a été définie ci-dessus dans l'introduction.
    Rituel obsessionnel. Les rituels ont une valeur conjuratoire dans la névrose obsessionnelle comme dans la croyance superstitieuse. Proche du rituel la "pensée magique" joue aussi dans cette névrose un rôle considérable.
    Troubles obsessionnel-compulsif ou TOC. Obsessions et compulsions. Ce trouble, dans le DSM3, prend la place de la classique névrose obsessionnelle.
    Compulsion ou obsession-impulsion. Tendance incoercible d'un sujet à effectuer, à répéter certaines actions comme un rite pour échapper à la crainte angoissante de ce qui pourrait arriver s'il ne les accomplissait pas. La pensée est envahie par des idées obsédantes qui s'imposent au sujet. Le passage à l'acte est redouté qui ne se réalise en fait que très rarement. Se rencontre au cours d'états névrotiques, en particulier dans la névrose obsessionnelle. Proche aussi de la phobie d'impulsion.
    Les pensées obsédantes et la folie du doute n'appartiennent pas forcément au monde de la névrose obsessionnelle. La folie du doute par exemple est un phénomène différent des obsessions et approchent souvent le processus psychotique au point qu'on a pu proposer jadis le concept de "Psychose obsessionnelle"
   
   
++I3.- Trouble hystérique
    L'hystérie est une maladie paradigmatique en psychiatrie parmi les névroses comme la schizophrénie parmi les psychoses. La pathologie concerne les plus souvent les femmes.
    Elle associe:
    1- Une structure de la personnalité caractérisée par l'égocentrisme, l'histrionisme, la labilité émotionnelle, la pauvreté et la facticité des affects, des troubles de la mémoire comme par exemple des amnésies lacunaires, des troubles de la conscience comme des états subconfus ou états seconds, des états pseudo-démentiels, des troubles de la vigilance comme des hypersomnies paroxystiques
    2- Des troubles somatiques fonctionnels: des troubles moteurs comme les mouvements anormaux, d'allure par exemple athétosique, des parésies adoptant une systématique fantasmatique (on dit aussi que le patient connaît une anatomo-physiologie fantastique), des contractures et des ataxies, des astasie-abasie et enfin l'hystéro-épilepsie.
    La somatisation hystérique requiert un développement. Elle est la traduction corporelle des idées, des images et des affects inconscients. Ainsi la somatisation est-elle au coeur de l'hystérie de conversion. Les symptômes somatiques sont l'expression des conflits inconscients. Le conflit psychique inconscient se traduit en atteinte corporelle au niveau de zones dont l'investissement libidinal est important. Les formes de la somatisation sont essentiellement des crises psychomotrices: attaque d'hystérie ou grande crise de Charcot, "crises de nerf", crise d'agitation, syncopes, mouvements anormaux, crise épileptoïde, crise tétaniforme ou spasmophilique. Des syndromes fonctionnels durables: les paralysies qui sont de deux sortes les unes mimant la systématisation neurologique les autres obéissant à une logique autonome, aux lois d'une anatomie fantasmatique. Diverses autres somatisations sont observées: les contractures et les spasmes c'est-à-dire les mouvements anormaux et les dystonies, les anesthésies, les troubles de la sensibilité objective comme la cécité ou les hémianopsies ou les quadranopsies, les manifestations viscérales et les troubles trophiques. Il faut distinguer une somatisation, une conversion, une épine irritative. La somatisation est donc l'exagération pathologique de modes normaux d'expression, une manifestation non verbale de l'émotion, un langage des organes, un vécu métaphorique de l'émotion. Ce phénomène est capable de se généraliser dans un groupe sensible comme une sorte de phénomène de contagion.
    3- Des manifestations psychomotrices: des décharges psychomotrices paroxystiques appelées communément crises de nerfs
    4- Des troubles sensoriels et végétatifs conversionnels. Parmi les troubles sensitifs l'exemple fréquent de la surdité mais aussi de la mutité hystérique. Il faut rapprocher de ces phénomènes celui de la grossesse nerveuse.
    5- Il existe une véritable sexopathie hystérique: l'extrême dépendance affective, l'érotisation des rapports sociaux contrastant avec la frigidité. Les patients se plaignent d'autres fois d'une forme de sexualité inverse: un donjuanisme sans jouissance.
    Quelques formes cliniques méritent d'être connues:
    L'hystéro-épilepsie de Bancaud. Crises névrotiques aiguës affectant la forme d'une crise d'épilepsie typique. Plusieurs cas de figure sont possibles: soit formes de passage entre la crise épileptique et la crise hystérique soit crises névrotiques survenant chez des épileptiques avérés. Le diagnostic est d'autant plus difficile que les crises sont intriquées. Un comitial peut présenter successivement les deux types de crise.
   
++ II - HYPOCHONDRIE
    ++ Hypocondrie ou hypochondrie. Etat caractérisé par une exagération des sensations cénesthésiques normales péniblement éprouvées. Mais aussi préoccupations excessives au sujet du fonctionnement morbide des organes, inculpation pathologique d'un organe. Elles peuvent s'organiser en un système délirant psychotique.
    C’est une préoccupation excessive pour la santé ou pour l’intégrité et le fonctionnement d’une partie du corps. Les craintes du patient ne sont pas fondées sur des arguments cliniques éprouvés.
    Anxiété du sujet par rapport à son corps, prise en considération de la moindre sensation avec une interprétation plus ou moins délirante, multiples consultations, examens complémentaires, inefficacité thérapeutique des traitements avec éléments de revendication, absence de signes objectifs le plus souvent.
    ++ L’état hypochondriaque délirant est une conviction inébranlable d’être menacé dans sa santé, d'être atteint d’une maladie incurable, d’une infirmité; il peut s’agir d’une nosophobie, le thème du délire peut être persécutif, conviction d’être victime d’un empoisonnement, d’un envoûtement, d’un maléfice attribué à tel ou tel persécuteur.
    Définissons le concept de cénesthésie: la cénesthopathie (ou coenesthopathie) est la perturbation de la sensibilité interne ou cénesthésie. Elle consiste en des sensations corporelles anormales, gênantes, pénibles et parfois vaguement douloureuses. Cette disposition est assez caractéristique de l'hypocondrie.
    Nota Bene.- La question des xénopathies et des zoopathies est d'une grande importance sous certains climats


   
III - PERSONNALITÉS PATHOLOGIQUES


    Déséquilibre ou déséquilibre mental ou déséquilibre psychique ou personnalité psychopathique. Au terme kraepelinien de psychopathie correspond celui de déséquilibre qui est un peu plus exhaustif. C'est un groupe nosologique parmi la trinité classique: névrose, psychose, déséquilibre mental. Le terme englobe les caractéropathies, les instabilités, les mythomanies etc.: Kurt Schneider en a précisé dix variétés. Les éléments communs sont: une anamnèse très caractéristique, des passages à l'acte antisociaux et de l'impulsivité. Ce sont donc des sujets présentant une anomalie de la personnalité, des troubles affectifs et caractériels divers et une propension aux actes antisociaux.
    Personnalités pathologiques. Les troubles sont constitués d'exagérations morbides des traits de la personnalité normale. Les classifications les plus précises sont d'une part celle de Kretschmer et d'autre part celle de la caractérologie psychanalytique. Ainsi distingue-t-on les personnalités névrotiques (personnalités hystérique, psychasthénique, phobique ainsi que la névrose de destin) et les personnalités psychotiques (personnalités cyclothymique et schizoïde). Elles représentent une catégorie nosologique intermédiaire distincte des névroses, des psychoses, des oligophrénies et des états démentiels.
    1 - Personnalité hystérique
    Elle est caractérisée par des traits de caractère classiques: - égocentrisme - érotisation des rapports sociaux - labilité émotionnelle - tendance à la mythomanie et à la fabulation
    2 - Personnalité obsessionnelle
    Elle est caractérisée par les traits suivants: - doute, pensées obsédante, pensée obsidionale - des mécanismes de défense exacerbés comme les formations réactionnelles: tendance à l’ordre, propreté, méticulosité - psychasthénique et doute.
    3 - Personnalité anxieuse ou évitante
    4 - Personnalité dépendante
    ++ 5 - Personnalité paranoïaque
    Elle est caractérisée par les traits suivants: - Surestimation de soi, orgueil - Fausseté du jugement, absence d’autocritique - Rigidité mentale - Méfiance et réticence
    ++ 6 - Personnalité schizoïde
    Elle est caractérisée par des traits - Repli sur soi, introversion, froideur affective - Mode de pensée abstractionniste, ésotérique, pôles d’intérêts théosophiques morbides, manifestations affectives imprévues.
    ++ 7 - Personnalité psychopathique ou antisociale
    Elle est caractérisée par troubles du comportement dans l’enfance et l’adolescence à type de fugue, mensonge, école buissonnière, vol, vandalisme, conduites agressives, puis instabilité professionnelle et affective, absentéisme, violation de la loi, actes délictueux, appétence toxicomaniaque, comportement agressif, impossibilité de profiter de l’expérience acquise et indifférence aux sanctions.
    ++ 8 - Personnalité limite ou borderline (= DSM3-r 301.83)
    C’est un type de personnalité récemment mis en exergue: - anxiété massive et phobies - fluctuations thymiques - troubles de l’identité corporelle et sexuelle: l'intimité sexuelle est un danger mortel bien qu'elle soit désirée - la décompensation psychotique brève est possible: elle est réversible


   
++ IV.- Troubles de l'humeur


    I -Syndromes dépressifs
    De nombreuses définitions se font concurrence les unes l'autres. La dépression est un fléchissement du tonus neuropsychique. L'état ou le syndrome est caractérisé par une présentation très particulière, le taedium vitae, l'inhibition psychomotrice ou ralentissement, l'hypocondrie, des réactions dépressives aux situations et aux difficultés vitales (conflit conjugal, éloignement des enfants, ennuis professionnels etc.), une péjoration imaginaire de l'existence et de l'anxiété. Le concept a subi une extension abusive, tarte à la crème de la psychiatrie du XXème siècle, pour décrire de façon inadéquate toutes sortes de troubles psychiques.
    Ses formes cliniques:
    Dépression mélancolique. Tableau séméiologique psychotique comportant une présentation caractéristique, de l'inhibition psychique et motrice, de l'anxiété et de l'auto-accusation.
    Il faut la distinguer de la dépression dite atypique. On désigne traditionnellement de cette façon les troubles dépressifs discordants du schizophrène. L'atypie ou l'atypicité d'une façon générale est une métaphore de la schizophrénie.
    La dépression:
    1 - Symptômes psychiques
    Deux éléments caractéristiques de l'état dépressif douleur morale et ralentissement psychomoteur
    Douleur morale: vécu pessimiste des choses occasionnant chez le sujet une souffrance interne intense s'associant à des éléments de dévalorisation, d'insatisfaction, de culpabilité pouvant aller dans les syndromes dépressifs d'intensité majeure (mélancolie) jusqu'à des idées d'indignité et d'incurabilité. Le risque suicidaire étant proportionnel à l'intensité de cette douleur morale et donc à l'intensité du syndrome dépressif.
    Sur le plan comportemental le patient se présente figé, ralenti, présentant quelques fois un oméga mélancolique, parlant d'une voix monocorde.
    Inhibition se traduisant par - un ralentissement psychomoteur (démarche et gestes lents, rares, diminution de la mobilité, bradypsychie avec une incapacité à penser (troubles mnésiques et cognitifs, et de l'attention) - fatigue et asthénie (sensation d'épuisement, inertie,- apragmatisme - anhédonie (perte du plaisir à faire des choses) - aboulie.
    Anxiété psychique et son cortège de symptômes neurovégétatifs qui accroissent le risque de passage à l'acte suicidaire.
    2 - Symptômes physiques
    Troubles du sommeil, troubles digestifs et troubles sexuels
    3 - Formes cliniques
    Psychose maniaco-dépressive (PMD): - bipolaire: - unipolaires souvent de type mélancolique, ou que maniaques (plus rarement)
    D'autres dépression: la dépression réactionnelle à des traumatismes psychiques
    La dépression d'origine organique: toxicomanie, effets pharmacologiques secondaires des corticoïdes ou du Tagamet, troubles thyroïdiens, lupus et certaines septicémies.
    Nous avons vu que les états dépressifs ou maniaques de la schizophrénie étaient très différents. Leur traitement est également tout différent de la dépression structurée.
    Voyons surtout la manie qui peut représenter une urgence.
    II - Syndromes maniaques
    1 - Symptômes cliniques
    Hyperactivité des fonctions psychiques entraînant des réactions d'extériorisation idéiques et motrices. Le patient n'en reconnaît habituellement pas le caractère morbide. Il épuise son entourage.
    Exaltation psychique: euphorie, fuite des idées, logorrhée, coq à l'âne et ludisme.
    Excitation motrice: agitation, hyperactivité stérile et improductive, déambulations incessantes.
    Troubles de la vie instinctuelle: boulimie, anorexie, hypersexualité
    Délires imaginatifs avec des thèmes mégalomaniaques, érotiques et un délire de filiation etc.
    Perplexité plutôt qu'anxiété


   
V.- Pathologies transculturelles d'ici et d'ailleurs, de l'Occident et des pays exotiques


    Pathologies psychiatriques transculturelles

    Ce texte s’inscrit dans un effort de déterminer les pathologies psychiatriques à partir d’un point d’un point de vue transnational. Il paraît très important de mesurer l'impact des cultures qui offrent une sorte de modèle aux formes cliniques des troubles mentaux.
    Une psychiatrie portative ou une psychiatrie embarquée doit prendre en compte les formes cliniques exotiques des syndromes psychiatriques qui n’ont guère été répertoriées dans la nosographie psychiatrique occidentale.
    Ces quelques notes concernent donc les syndromes liés à une culture ou "culture-bound syndroms":
   
    A) Formes transculturelles de la dépression névrotique grave, formes exceptionnelles des syndromes borderline et formes exotiques de la mélancolie
    Koro. La dépression des malais d'origine chinoise s'exprime sous la forme d'un fantasme ou d'un délire suivant quoi le pénis va s'atrophiant et s'invaginant dans l'abdomen avec un risque d'en mourir. Ces syndromes sont des formes limites de la mélancolie proches du syndrome de Cotard.
    Latah Forme de la dépression visible en Extrême-Orient et en Afrique du Nord: écholalie, échopraxie et approbativité qui pourrait en imposer à tort pour un syndrome de Pick.
    Susto ou Espanto. La dépression dans les milieux indigènes des Hauts Plateaux des Andes se traduit par un repli dépressif sous l'influence des forces surnaturelles selon les guérisseurs de la région de Cuetzalan. Le syndrome touche également les "latinos" des Etats-Unis. Le susto équivaut au sentiment de peur, au stress post-traumatique ou bien à un état dépressif majeur
    Windigo ou Wihtigo. La dépression dans les milieux Hopi et autre tribus indiennes d'Amérique du Nord, en particulier chez les Algonquins du Canada, prend la forme d'une sorte de lypémanie en ce sens que le délire consiste à se sentir transformé en un être cannibale.
   
    B) Forme transculturelle occidentale de la dépression:
    La dépression occidentale comme syndrome transculturel!
    La dépression et l’anxiété.
L'angoisse.- L’anxiété est une peur sans objet. On a coutume de mettre en regard l'anxiété et l'angoisse et de les comparer. L'angoisse se définit ainsi (le mot est issu du latin angustiae, resserrement et du grec agônia, agitation de l'âme): c'est une peur sans objet, un état affectif douloureux, une attente inquiète et oppressante et une appréhension de quelque chose qui pourrait advenir. L'angoisse serait plus précisément le versant somatique et l'anxiété le versant psychique. Maintenant le terme d'angoisse indique plus volontiers l'intensité et la profondeur du symptôme. L'anxiété (issue du latin anxietas, disposition inquiète) est donc le versant psychique de l'angoisse. Ce terme en effet soulignait autrefois le pôle psychique de la peur sans objet. Le terme désigne maintenant de plus en plus des manifestations plus superficielles que celles de l'angoisse proprement dite. On connaît différentes formes cliniques de l'anxiété: crise d'angoisse aiguë, attaque de panique, angoisse névrotique, angoisse psychotique (angoisse de morcellement)
    La dépression est un syndrome omniprésent dans la culture occidentale au point d'occulter l'immense variété des troubles psychiatriques. Ce diagnostic est bien souvent attribué à tort ou avec excès.
    Mais voici qui me paraît plus important: les personnes issues d'autres cultures ne manifestent pas de façon comparable les affects dépressifs et la douleur morale. Aussi peut-on légitimement considérer a contrario la forme occidentale de la dépression comme une forme clinique transculturelle. Les occidentaux, en phase pathologique, fantasment plus et cultivent en outre excessivement la douleur morale! Beaucoup de formes cliniques doivent être pensées sous l'angle de la psychiatrie transculturelle. Le champ séméiologique de l'anxiété et de la dépression mineure par exemple sont la manifestation d'un véritable syndrome transculturel occidental. Les études récurrentes à propos des rapports de la co-morbidité entre anxiété et dépression ont une importance uniquement dans la culture occidentale.
   
    C) Formes exotiques de la dépression névrotique hystérique
    La psychose nuptiale des pays musulmans.
L'enjeu de la maladie et de sa résolution réside dans une sorte de négociation entre des "djinns". Ce syndrome typiquement hystérique a été étudié en Egypte par Bruno Lewin en 1957 mais nous connaissons des cas étudiés en France soit parmi la population immigrée soit auprès de consultants venus exprès pour cela du Maroc ou d'Algérie (j'ai suivi par intermittence deux cas typiques).
   
    D) Formes transculturelles grave du stress post traumatique
    Le "syndrome de Porto-Rico" ou "mal de pelea"
est un syndrome hystérique bien qu'on ait invoqué une maladie cérébrale organique autonome! Ce syndrome a été bien décrit par les médecins militaires américains.
   
    La "Maladie des Partisans" ou "partizanska bolest" se déclaraient parmi les partisans yougoslaves affrontant l’envahisseur allemand en 40. On peut le comparer au syndrome russe des tranchées de la guerre 14.
   
    E) Formes exotiques de la décompensation psychotique ou de la crise d'agitation psychotique non définie
   
    Amok. Ce syndrome dépressif est célèbre. On l’observe en Polynésie et dans toute l'Asie du Sud-Est. Il prend la forme d’un raptus anxieux, d'un état de fureur surtout, avec déambulation et agressivité meurtrière. On dit alors "Il fait son Amok". Il est difficile de préciser s'il s'agit d'un raptus anxieux névrotique ou d'une manifestation de la décompensation psychotique proche de la bouffée confuso-délirante.
   
    Kayaksvimmel ou Piblokto. Décrit initialement par FREUCHEN puis BERTELSEN et apparenté à l’hystérie par ELLENBERGER, si bien qu'il a pu être dénommé "hystérie arctique". Il serait devenu maintenant anecdotique transformé par l’acculturation et l’alcoolisme endémique. Le Piblokto appartient aux cultures cousines du Groenland. La crise de Kayakvimmel est déclenchée par une émotion vive, une frayeur ou une colère. Elle débute brusquement: le patient est envahi par une agitation furieuse. Il déchire ses vêtements et se met à courir nu sur la neige ou sur la glace. Il met bien entendu sa vie en danger. Mais aussi il frappe tout autour de lui et peu devenir dangereux. Il est capable de blesser ou de tuer un enfant et de briser à coup de marteau des récipients. Il mesurerait cependant ses destructions avec des mesures de précaution utiles. Les psychiatres danois décrivaient chez les groenlandais un manque de maîtrise, une impulsivité explosive, de la frustration sexuelle et de la jalousie féminine, de la suggestibilité et une tendance à l’imitation et une grande labilité affective. Ces populations faut-il le rappeler avaient une vie si dure que la tradition autrefois autorisait de sacrifier les plus faibles en les abandonnant sur la banquise. PEARY cite quant à lui le cas d'une patiente en crise de Piblokto qui tout en imitant des cris d’animaux cherchait frénétiquement à marcher au plafond de son igloo.
    Divers arguments viennent immédiatement à l’esprit des cliniciens. Des troubles spécifiques naissent, ou naissaient il y a peu, dans ce monde de la souffrance mentale chronique, de la perte de repères identitaires et de l'acculturation à marche forcée. Ces paysages sont hostiles et glaciaux et la nuit hivernale y dure six mois. Les traditions animistes imprègnent encore profondément les mentalités et s’opposent à la «world culture». La médecine et la psychiatrie sont priées de s'adapter.
    Le Kayaksvimmel et le Piblokto (on écrit maintenant Pibloktoq) sont donc habituellement classées parmi les phobies ou les hystéries. Mais cela me paraît discutable. Le Piblokto à mon sens est une forme clinique de la schizophrénie féminine en milieu Inuit se traduisant par des agressions meurtrières ou des suicides spectaculaires. Je rappelle qu'en Occident les suicides spectaculaires et surtout les suicides altruistes sont au contraire plus souvent mélancoliques que schizophréniques.
    Formes transculturelles des psychoses schizophréniques et des psychoses délirantes aiguës.
    Il existe donc une problématique transculturelle dans le champ des psychoses. Mais celle-ci est moins claire et moins sensible que dans la dépression. Ainsi les décharges comportementales violentes des schizophrènes, comme dans le Piblokto, sont-elles plus fréquentes sous certains climats qu’en Europe méridionale.
    Chacun connaît d'autre part la fréquence des décompensations sous la forme d'une bouffée délirante dans les pays africains et maghrébins. Cette observation clinique est si ancienne et si classique que je n'y insiste pas. C’est encore de nos jours une réalité incontestable.
   
   
VI.- LES STYXOSES (néologisme) ou SYNDROME BORDERLINE ++++


    Formes intermédiaires entre les névroses et les psychoses
    Borderline, état-limite. Etat clinique frontière entre la névrose et la psychose considéré désormais comme une entité clinique. Bien que le trouble ait une réalité incontestable, on tente sans cesse d'en donner une définition satisfaisante. Les symptômes principaux sont la dépression, des états d'exaspération, des troubles des relations interpersonnelles, un sentiment douloureux de vide intérieur et de solitude. On a apparenté ce syndrome aux pré-schizophrénies, aux schizophrénies incipiens, aux déséquilibres et aux névroses atypiques.
    Voici quelques traits majeurs mis en évidence chez des cas de borderline suivis en analyse assouplie: Les pulsions suicidaires - Les insuffisances graves du narcissisme - Les troubles de l'identité sexuelle accompagnés de pulsions homosexuelles douloureuses


   
VII.- ++ LES PSYCHOSES


    I.- Syndromes psychotiques
    Définition de la psychose. Maladie mentale majeure troublant gravement l'existence du malade dans ses rapports avec lui-même et avec le monde extérieur comportant l'altération de la conscience de soi, de la conscience d'autrui et de rapports avec le monde extérieur. L'altération en outre de l'affectivité, de l'intelligence, du jugement et de la personnalité va se traduire par un trouble marqué du comportement extérieur le sujet vivant comme s'il était étranger à ce monde: on dit qu'il est aliéné. Il semble que la ligne de démarcation pertinente soit dans le degré de conscience que le sujet a de ses troubles.
    1)Pour les psychiatres, le concept de psychose est conçu dans un sens large recouvrant toute une gamme de maladies mentales dont la schizophrénie est le paradigme. Les distinctions majeures sont celles qui s'établissent entre névroses, psychopathies, psychoses et démences.
    2)Pour les psychanalystes, la psychose est repérée pour autant qu'il y a accès ou non à la cure analytique. La psychanalyse distingue différentes structures: paranoïa et schizophrénie, mélancolie et manie. Le dénominateur commun des psychoses est ici la perturbation primaire de la relation libidinale à la réalité. Les délires sont des tentatives secondaires de restauration du lien objectal. Freud dans un premier temps repère le rejet radical hors de la conscience ou forclusion et la projection, puis le narcissisme, puis la rupture entre le moi et la réalité. La psychanalyse échoue à penser la psychose parce que celle-ci n'est pas en réalité au centre de ses préoccupations.
    3)Pour un phénoménologue jaspersien, on oppose le processus ou le processuel du côté de la psychose à la compréhensibilité du côté des troubles névrotiques.
   
    II.- La définition des processus psychotiques tient à deux faits fondamentaux: la néo-réalité ou, mieux, la néo-mondanité par rapport au monde externe et au monde interne d’une part et l'aliénation mentale d’autre part. Cette deuxième topique découle de la néo-mondanité. Il résulte en effet de la naissance de nouveaux mondes que le patient se représente lui-même comme étranger au monde. C'est l'aliénation La perte du contact avec la réalité, totale ou partielle, caractéristique des psychoses, n’existe pas au même degré en théorie du moins au cours des névroses. Quant à la méconnaissance de l’état morbide: celle-ci était elle aussi autrefois caractéristique des états psychotiques. Mais le développement favorable des traitements neuroleptiques atypiques a transformé la situation. La nosographie des psychoses a d'ailleurs beaucoup évolué en même temps que l'éclosion des neuroleptiques. Les critères classiques des psychoses demeurent cependant maintenant encore les délires et les hallucinations.
   
III - Les délires
    Le délire est un trouble de la conscience avec croyance et conviction qui n'est pas corroboré par la réalité et qui ne permet pas la coexistence avec autrui.
    Il est nécessaire de démembrer et de reconstituer cette catégorie nosologique et notamment de modifier la vision résumée, appauvrie et réductrice issue des différentes versions du DSM. Un exemple éloquent de ces malheureux dérapages est le destin de la catégorie si nécessaire des "Bouffées délirantes".
    Les thèmes des délires peuvent être:
    - hypochondriaque: -notons en particulier les thèmes de transformations, de métamorphose, de possession, de négation d’organes comme dans le syndrome de Cotard dont les caractéristiques doivent être repérées (négation de la personne, du monde extérieur, d’immortalité, de damnation ou bien, comme décrit dans mon Glossaire Psychiatrique: Délire de négation de Cotard. Négation délirante de l'existence d'une personne, d'un événement ou de la présence des organes ou bien, parfois, transformation paradoxale, impression d'énormité des organes. Ce délire est caractéristique de la mélancolie. Avec les hallucinations négatives, il constitue le syndrome de Cotard), - de persécution, - mégalomaniaques, - d'influence (être agi ou commandé par une force extérieure, les actes sont imposés, les idées et les sentiments aussi), - de jalousie, érotomaniaques (conviction délirante d’être aimé), - idées de référence (être au centre des intérêts d’autrui).
    Les délires ont une structure prévalente qu'il est important de préciser: systématisé lorsque le délire se développe dans l'ordre, la clarté et la cohérence; polymorphe ou non systématisé lorsque les thèmes sont multiples, diffus et incohérents; il se développe en secteur ou bien au contraire en réseau.
    Il est bien entendu primordial de diagnostiquer la position des thèmes délirants dans un ensemble séméiologique plus vaste (thymie, angoisse psychotique, discordance ou confusion mentale).
    Il existe une grande variété de délires qu'il est important de repérer et de distinguer
    -Des délires discordants: Notons deux aspects: ++ le délire discordant proprement dit avec son incohérence caractéristique et le délire catatonique qui est une production délirante du schizophrène riche en expériences angoissantes de morcellement physique et psychique.
    -Des délires paranoïaques:
    Des délires interprétatifs et paranoïaques:
    1) ++ Délire paranoïaque. Constructions délirantes quasi logiques.
    2) Une variante du délire de persécution, délire sensitif de relation, apparaît chez des personnes, des femmes le plus souvent, souffrant d'une vie d'abstinence sexuelle.
    3) ++ Délire de préjudice de Kraepelin. Idées délirantes, chez les vieillards, de vol d'objets, d'effraction dans le domicile et de jalousie. Le délire de vol de brevet et de vol d'invention est très proche de ces formes cliniques.
    4) ++ Délire de référence. Interprétations délirantes du sujet qui se sent l'objet d'un intérêt particulier et malveillant. Le terme "référence" est préféré à "relation" en particulier dans la psychiatrie anglo-saxonne.
    5) ++ Délire sensitif de relation de Kretschmer. C'est l'interprétation sensitive de sujets hyperémotifs ou délire sensitif des paranoïaques. L'hyperémotivité coexiste avec un délire mettant le patient au centre d'une sorte de persécution.
    6) ++ Délire à deux et délire collectif. Le délirant plausible, induit chez des proches une participation à son délire.
    7) ++ Délire d'interprétation de Sérieux et Capgras. "Folie raisonnante" avec déchiffrement systématique et persécution.
    8) Délire palingnostique ou rétrospectif de Mendel repris par Lévy-Valensi. Le patient transforme son passé sur un mode délirant. S'observe dans les psychoses paranoïaques interprétatives et dans les schizophrénies
    -Des délires mélancoliques:
    ++ Délire mélancolique ou idées délirantes mélancoliques. Classiquement centrées sur les thèmes rétrospectifs de regrets et de remords et par ailleurs prospectifs d'anxiété et de crainte. L'expérience délirante la plus spectaculaire de l'angoisse mélancolique est le délire de négation ou syndrome de Cotard.
    ++ Délire de négation de Cotard. Négation délirante de l'existence d'une personne, d'un événement ou de la présence des organes ou bien, parfois, transformation paradoxale, impression d'énormité des organes. Ce délire est caractéristique de la mélancolie. Avec les hallucinations négatives, il constitue le syndrome de Cotard.
    -Des délires doux:
    Délire fantastique. On nomme ainsi le délire central de la paraphrénie également nommé autrefois délire d'imagination de Dupré. C'est un délire riche et fantastique coexistant avec une vie quasi normale en société.
    Délire onirique. C'est un délire qui ressemble au rêve en s'appuyant essentiellement sur une imagerie dotée d'une faible construction
    Délire enkysté. Evolution d'un délire vers une sorte de cristallisation, de durcissement, de fixation et donc d'assoupissement.
   
   
++ LA SCHIZOPHRENIE - SYNDROME DISSOCIATIF
    Quelques définitions préalables:
    Psychose discordante et psychose dissociative équivalent à schizophrénie.
    Discordance. Manifestation de la désagrégation psychique. Elle est idéo-affective et psychomotrice (catatonie et sourires discordants). Caractère embrouillé et désordonné de la pensée. Stransky l'a appelé "ataxie psychique".
    Dissociation psychique. Ensemble syndromique de la schizophrénie composé de l'impénétrabilité, la bizarrerie, du détachement (Spaltung) et de l'ambivalence. Selon Guiraud: défaut d'intégration synthétique des composantes dynamiques normalement créatrice de la notion du Moi. On utilise aussi le terme discordance. La dissociation est pathognomonique de la schizophrénie.
    On décrit aussi, nouvelle acception, des états dissociatifs dans les hystéries. La dissociation signifie dans ce cas: le défaut d'harmonie entre les pulsions, les attitudes et la tonalité affective ou encore le défaut d'intégration synthétique des composantes constitutives du Moi. Les troubles de la dissociation hystérique sont le somnambulisme, les amnésies, la fugue, les personnalités multiples et le syndrome de Ganser. Cette extension abusive du terme ne me paraît pas très satisfaisante.
    -Définissons le délire paranoïde. Délire touffu sans lien logique. Les termes paranoïa et paranoïde, qui en réalité s'opposent très nettement, ont soulevé depuis des décades de grandes disputes terminologiques. Il existe par exemple à cet égard une grande confusion entre les Anglo-saxons et les francophones d'où d'importantes erreurs de traduction.
    -Définissons la diffluence psychique: "Modalité particulière du flou de la pensée, symptôme fréquent et caractéristique dans la schizophrénie paranoïde et dans la confusion mentale"
    Quant à la dépression atypique, forme extrêmement fréquente: on désigne traditionnellement de cette façon les troubles dépressifs discordants du schizophrène. L'atypicité d'une façon générale est une métaphore de la schizophrénie.
   
   
DIAGNOSTIC POSITIF DE LA SCHIZOPHRENIE
    Les critères majeurs de la schizophrénie. Les maîtres symptômes sont la dissociation psychique (défaut de cohérence), le délire discordant et l'autisme.
    1 - Dissociation et discordance sont proches l’un de l’autre. Un patient discordant apparaît bizarre, hermétique, impénétrable, détaché du réel.
    2 - Troubles intellectuels
    Ce sont des troubles du flux ou du cours de la pensée: avec des stéréotypies, du fading et des barrages
    Revoyons quelques définitions:
    Barrage. Interruption, suspension brusque et inopinée d'un discours ou d'un acte, symptôme typique de la schizophrénie. Barrage et fading mental sont l'expression discursive de la dissociation schizophrénique)
    Fading mental. Decrescendo de la parole et de la pensée. Diminution progressive du cours de la pensée, du tonus mental et du flux linguistique.
    3 - Troubles du langage: incapacité à utiliser harmonieusement les règles du langage. On observe des néologismes, mots nouveaux dont la signification est propre au patient, des paralogismes, mots connus mais pris par le patient dans une autre signification, et de l'agrammatisme (mauvaise utilisation de la syntaxe).
    4 - Atteinte des processus de pensée. La pensée est dite déréelle en ce sens qu'elle est régie par un processus intellectuel primaire ou archaïque comme celui de l’imaginaire, des fantasmes et des rêves.
    La pensée est diffluente, sans but apparent, sans axe thématique précis. La pensée est ambivalente: elle peut exprimer une chose et son contraire dans la même sentence. C'est une pensée qui apparaît sans portée pragmatique, très abstraite -dans le sens d'un abstractionnisme désincarné- et morbide.
    Le patient présente des troubles diffus de la conscience des choses: la déréalisation est cette sorte de trouble de la conscience au cours duquel le sujet éprouve des impressions angoissantes d'irréalité des choses. Le trouble accompagne souvent l'expérience de dépersonnalisation.
    Conduite de l'entretien:
    Le clinicien éprouve le malaise de l’incompréhensibilité, perception plus intense que l’incompréhension, pour orienter le diagnostic. Cette sensation, le "praecox gefühl" de Rumke, est la perception intuitive d'emblée du diagnostic de psychose schizophrénique. Il représente un signal riche en signification.
    5 - Troubles affectifs
    Il existe une dysharmonie affective et émotionnelle: l’affect n’est plus concordant avec la pensée, la mimique n’est plus concordante avec l’affect. Ambivalence affective et conduites affectives paradoxales.
    6 - Troubles psychomoteurs
    A - Le syndrome catatonique: dans sa forme complète associe: négativisme (attitude d’opposition ou de résistance) catalepsie (prise en masse des différents segments de membre), hyperkinésies (impulsions gestuelles, décharges motrices clastiques), tasikinésie (la tasikinésie, du grec tasis tendance et kinésis mouvement, est une instabilité motrice faite de déplacements incessants).
    B - Le maniérisme: est une affectation paradoxale des mouvements qui donne une impression de maladresse et de théâtralité.
    C - Les parakinésies: instabilités motrices dans leur ensemble à savoir l'akathisie, les "impatiences" et la tasikinésie (besoin impérieux de se déplacer constamment de long en large).
    Des phénomènes en écho (écholalie, échopraxie, échomimie)
   
   
LES FORMES CLINIQUES DE LA SCHIZOPHRENIE
    La formulation condensée de Borel souligne l'importance de l'âge:
    On acquiert l'hébéphrénie à 20 ans, l'hébéphrénie délirante à 25 ans, la schizophrénie paranoïde polymorphe à 30 ans, la schizophrénie paranoïde à thème organisé à 35 ans et le délire chronique systématique à 45 ans.
    Mais on observe des composantes séméiologiques communes aux diverses formes cliniques:
    Schizophrénie: syndrome dissociatif, - début avant 35 ans - formes cliniques: simple (syndrome dissociatif pur), hébéphrénie (syndrome dissociatif pur avec évolution déficitaire; les 5 thèmes hébéphréniques principaux), catatonique (discordance psychomotrice majeure), paranoïde (syndromes dissociatif et délirant), pseudo-névrotique (syndrome dissociatif et troubles névrotiques), héboïdophrénie (syndrome dissociatif et éléments psychopathiques), dysthymiques (troubles thymiques associés)
    Les définitions des classifications internationales DSM et CIM ont quasiment repris les formulations kraepeliniennes.
   
    Diagnostic différentiel
    Si le syndrome discordant et dissociatif est pathognomonique de la schizophrénie: il existe cependant beaucoup d'autres diagnostics des états délirants et hallucinatoires.
    Quant au syndrome catatonique il peut apparaître dans les stupeurs confusionnelles et autres formes de psychoses aiguës.
   
   
DIAGNOSTIC DES DELIRES CHRONIQUES ET AIGUS
   
1) Psychoses délirantes chroniques ou Délires chroniques:
    Les Paranoïas, la Psychose Hallucinatoire Chroniques ou PHC, la Paraphrénie fantastique.
    Formes cliniques: délire paranoïaque interprétatif, persécutif, passionnel, de relation ou sensitif, psychose hallucinatoire chronique (le mécanisme hallucinatoire est très riche et il est enrichi de phénomènes de pensées imposées?), paraphrénie (la magnificence du délire imaginatif contraste avec une bonne adaptation sociale)
    La psychose hallucinatoire chronique, qui a fait la gloire de Clérambault, expose une extraordinaire richesse de la séméiologie psychiatrique. Les moments les plus significatifs sont d'une part les pseudo-hallucinations ou hallucinations psychiques et d'autre part la pensée forcée -la xénopathie-. "quelque chose d'étranger en moi-même m'entraîne à penser et à énoncer".
    La paraphrénie fantastique expose le contraste entre la luxuriance des délires et la capacité de s'adapter à la vie quotidienne.
   
2) Psychoses délirantes aiguës ou Délires aigus
    BOUFFEES DELIRANTES AIGUES et BOUFFEES DELIRANTES POLYMORPHES y compris la psychose puerpérale qui réalise une bouffée confuso-délirante aiguë.
    Ces états sont à tort assimilés à la schizophrénie aiguë dans la nosologie anglo-saxonne.
    Symptomatologie aiguë: symptomatologie psychotique de début brutal de durée brève (moins de 6 mois) sans troubles thymiques ou somatiques pouvant l’expliquer.
    Formes cliniques: BDA (bouffée délirante aiguë, délire polymorphe), psychose interprétative délirante, psychose hallucinatoire aiguë, psychose imaginative aiguë.
   
3) LES ETATS CONFUSIONNELS
    ETATS CONFUSIONNELS ET PSYCHOSES MEDICO-PSYCHIATRIQUES
    1) Description des stupeurs
    Au cours de la psychose confusionnelle ou de la confusion mentale la conscience est obnubilée ou stuporeuse jusqu'à l'apparence du coma. S'y associent la désorientation temporo-spatiale et le délire onirique.
    La séméiologie est assez évidente:
    Les troubles de la conscience vont de l’obnubilation à la stupeur
    La désorientation temporo-spatiale est bien autre chose que l’apractognosie géométrique du début des détériorations mentales pathologiques.
    Des troubles mnésiques
    Il y a un onirisme plus volontiers qu’un syndrome délirant
    Il y a de la perplexité plus volontiers que de l’anxiété.
    Il peut exister une agitation un besoin de fuite. Notons que des traumatisme graves, accident ou attentat, déclenchent des états confusionnels avec des décharges comportementales comme par exemple des conduite de fuite et des fugues post-traumatiques voire même des voyages pathologiques.
    Les symptômes enfin fluctuent dans le temps.
    2) Les étiologies
    Elles sont de deux ordres: organiques en particulier neurologiques et psychiatriques.
    Les étiologies organiques: syndrome confusionnel infectieux, syndrome confusionnel toxique, stupeur confusionnelle et délire aigu. Plus précisément, parmi les confusions infectieuses, toxiques et post-traumatiques: les confusions fébriles, l'ivresse et le delirium tremens.
    La psycho-polynévrite de Korsakov, l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke et l'encéphalopathie porto-cave produisent au cours de leur évolution des états confusionnels.
    L'étiologie psychiatrique pure est également fréquente: elle constitue la confusion mentale primitive. Elle affecte souvent la forme d'une bouffée confuso-délirante.
   
4) DIAGNOSTIC DES ETATS D'EXCITATION ET DES ETATS D'AGITATION
    Les diagnostics classiques sont l'état maniaque, la bouffée délirante aiguë, la phase aiguë de la schizophrénie et le trouble de la personnalité. Ces états naissent aussi à la faveur d'atteintes organiques: les douleurs organiques de l'infarctus du myocarde, de la pancréatite aiguë ou de la colique néphrétique, les septicémies, l'hyperthyroïdie, la porphyrie aiguë, l'hémorragie méningée et enfin l'encéphalopathie porto-cave mais aussi à la faveur des avatars de l'alcoolisme, de la cocaïne et du crack, de l'ecstasy et d'autres amphétaminiques, du LSD, des BZD-benzodiazépines et des antidépresseurs chez des sujets ayant eu des antécédents de PMD. Les mêmes effets peuvent résulter des corticoïdes (élation) et du Tagamet
   
LA PSYCHOSE MANIACO-DEPRESSIVE
    La manie est caractérisée par la logorrhée la fuite des idées la labilité et l'insolence incongrue
    Un degré mineur de la crise d'excitation est l'hypomanie. Quant aux autres formes de crises d'excitation, celles qui surviennent au cours de la schizophrénie déclarée ou à la faveur de la forme incipiens: il s'agit d'une excitation psychique discordante très différente de la manie, avec des bizarreries et une répétition stéréotypée des mêmes thèmes. Le traitement sera bien entendu tout différent
    Le diagnostic différentiel est l'ivresse pathologique ou "cuite", la fureur épileptique, le délire alcoolique simple, l'agitation du schizophrène catatonique ou encore l'excitation perplexe du dément sénile.
   
   
5) DIAGNOSTIC DES ETATS DEMENTIELS
    LES DEMENCES PRE-SENILES ET TARDIVES
    Les symptômes fondamentaux sont l'affaiblissement intellectuel significatif, un trouble du raisonnement et du jugement -notamment de la norme éthique-, une atteinte de la mémoire et des repérages spatio-temporels. Un signe remarquablement précoce et quasiment pathognomonique est l'apractognosie géométrique. Il en est de même à propos de la mémoire immédiate des séries de chiffres. Le processus cérébral atrophique est de mieux en mieux connu. Mais on imagine aisément qu'une psychiatrie embarquée ne peut pas se doter d'un scanner et d'un IRM! La question de l'âge est bien entendu importante: la prévalence est de 10% au delà de 60 ans et de 20% au delà de 80 ans. Les démences frontales atrophiques: Pick et Alzheimer et la démence vasculaire représentent ensemble 75% des cas.
    Les différents types de démences. Voici une classification pragmatique:
    La maladie d’Alzheimer: les lésions sont essentiellement pariéto-temporales (l'alzheimérisation est un processus démentiel spécifique, syndrome biologique où le dépôt de plaques séniles, les protéines bêta-amyloïdes et la dégénérescence neuro-fibrillaire au sein du parenchyme cérébral jouent le rôle essentiel)
    La démence à corps de Lewy n'est pas rare qui associe la détérioration mentale et le syndrome de Parkinson.
    La maladie de Pick: les troubles frontaux sont prédominants.
    Les démences vasculaires (par infarctus cérébraux multiples) et mixtes: elles représentent environ 30 % des démences.
    Les démences chirurgicales: outre les hématomes sous duraux, les hydrocéphalies à pression normale (outre les troubles mentaux des troubles précoces de la marche et troubles sphinctériens), les tumeurs cérébrales d’évolution lente.
    Les pseudo-démences métaboliques et endocriniennes: par exemple l’insuffisance thyroïdienne chez la personne âgée, l’alcoolisme chronique, les syndromes carentiels, les intoxications aux métaux comme l'aluminium, le bismuth, le lithium et le plomb mais aussi l'oxyde de carbone.
    Les démences infectieuses: le SIDA, la syphilis (c'est-à-dire la paralysie générale avec son signe d'Argyll-Robertson), les variantes de la maladie de Creutzfeld-Jakob (Les mouvements anormaux sont précoces et l'EEG est caractéristique).
    Très proches des processus démentiels: le syndrome psycho-polynévritique de Korsakov et le syndrome bulbaire.
    Enfin les démences traumatiques comme le syndrome des boxeurs etc.
   
   

MODALITÉS D'HOSPITALISATION


    Je rappelle les modes d'hospitalisation psychiatrique dans le droit français. L'hospitalisation sur demande d'un tiers ou HDT et l'hospitalisation d'office ou HO résultent de la loi du 27 juin 1990 qui modifiait celle du 30 juin 1838. Elle dispose que L'HDT ou hospitalisation sur demande d'un tiers requiert une demande familiale et deux médecins certificateurs, hormis les hospitalisations d'urgence, tandis que l'HO ou hospitalisation d'office est à la diligence du Préfet argumentée par un examen d'expertise. Les services libres ou placements libres restent comme auparavant les modes d'entrée les plus fréquents. Ces procédures bien entendu ne représentent dans le vaste monde que des modèles asymptotiques adoptés dans très peu de pays.
    Si cependant les placements sont devenus quasi impossibles en France souhaitons que l'aide aux patients en difficulté soit plus aisée tout en restant humaine dans d'autres contrées. Protéger les patients et leurs familles dans des lieux très isolés loin de tout hôpital requiert de l'imagination et de l'inventivité. Comment résoudre la question du traitement sous contrainte dans des lieux isolés? Cette question apparemment complexe en réalité est simplifiée par l'existence d'une solidarité communale. Le patient psychotique en période d'acuité bénéficiera de l'entraide communautaire pour autant que celle-ci soit solidaire. Une chambre familiale, une case ou une cabane de jardinier conviendra aussi bien que la chambre capitonnée du service d'urgence. Bref les mesures de contrainte, d'isolement ou de contention seront beaucoup plus humaines que dans un service hospitalier.


   
Thérapies embarquées


    Traitements psychothérapiques brefs, une pharmacie psychiatrique, une pharmacie générale et le matériel


   
Interventions psychothérapiques brèves
    Il n'est guère possible dans cette perspective d'envisager une prise en charge à long terme de type psychanalytique qui requiert beaucoup de temps et un cadre favorable.
    A.- L'entretien psychiatrique dans sa forme semi-directive ou non directive recèle chaque fois en lui-même les prémices d'une intervention psychothérapique brève.
    B - Les psychothérapies psychanalytiques brèves structurées ont été proposées par Balint, Winnicott, Rosen, Alexander & French puis par Otto Kernberg.
    Elles constituent l'équivalent des "consultations thérapeutiques". Ces formes de thérapies brèves et focales ne sont pas à proprement parler des analyses. Elles visent à renforcer les compromis adaptatifs, à mettre en exergue les conflits actuels, à définir les rapports du sujet à la réalité externe. Je conseille d'approcher les pulsions infantiles au moyen de propositions quasi interprétatives sous une forme hypothétique, prémices d'interprétations proprement dites. Bref! Cela représente pour le patient un encouragement de poursuivre un processus auto-analytique.
    C - Les psychothérapies semi-directives brèves furent essentiellement proposées par Adler et par Karl Rogers.
    D - Technique suggérée.
    - La psychothérapie du psychiatre praticien est très généralement une adaptation de la psychanalyse assouplie "face à face" propice aux cas difficiles. Il faut concevoir l'organisation de trois séances parfaitement comparables aux entretiens préliminaires "d'évaluation de l'indication d'une psychanalyse". La différence essentielle par rapport au cadre analytique orthodoxe consiste en ceci: -Une visée résolutoire et thérapeutique d'emblée -Des interventions interprétatives d'entrée de jeu -Une indication explicite précoce de la forme de la relation transférentielle et de la nature des relations objectales prévalentes.
    F - Autres techniques psychothérapiques convenables dans une intervention psychiatrique embarquée:
    - la psychothérapie comportementale
    - on peut retenir la technique de la bioénergie préconisée par Löwen
    - le psychodrame non analytique de Moreno
    - parmi les techniques de groupe on retiendra l'intérêt des méthodes non interprétatives de Kurt Lewin
    - Nous ne possédons pas encore de recul suffisant à propos des techniques ethno-psychanalytiques actualisées par Tobie Nathan.
    .

Trousse de pharmacie générale embarquée
    Les médicaments et le matériel


   
LA TROUSSE PSYCHIATRIQUE
    1ère forme
    Tranquillisants: - Benzodiazépines Valium (cp 5-10 mg. amp inj IM à 10 mg), Lexomil (cp sécable à 6 mg), Tranxène (cp sécable à 50 mg, flacon inj IM, IV à 20 mg), Xanax (cp à 0,25 mg) - Buspiridone (Buspar).
    Antidépresseur -Deux imipraminiques: (Tofranil) clomipramine (Anafranil cp à 25 mg). -Des sérotoninergiques: Effexor (cp à 50 mg), Deroxat -Une amitriptylline Laroxyl (amp inj IM, IV à 50 mg), Un IMAO: Marsilid
    Neuroleptiques - Solian 100mg, Tercian (cp à25 mg ou à 100 mg ou amp inj IM à 50 mg) halopéridol (Haldol sol buvable 2 mg/ml, 1 mg = X gouttes), amp inj IM à 5 mg. Solian (amp inj IM à 200 mg), chlorpromazine (Largactil amp inj IM à 25 mg), rispéridone (Risperdal)
    Neuroleptique anxiolytique et antidépressif: lévomépromazine (Nozinan inj. 25 mg) - Cocktail PLD de Laborit, composition passée à la postérité associant Chlorpromazine 50mg (Largactil), Prométhazine 50mg (Phénergan) et Péthidine 100mg (Dolosal), ou PLD, afin d'induire une hibernation artificielle. Mais aussi Clozapine (Leponex compr. 25mg et 100mg), Olanzapine (Zyprexa) et Aripiprazole (Habilitat). Mais aussi un ou deux NAP comme le Modecate et l'Haldol Decanoas. (classement des neuroleptiques par ordre de commodité)
    Correcteur des effets extrapyramidaux: Lepticur (amp inj compr et sol. IM ou IV lente à 10 mg), trihexyphénidyle (Artane 5mg et sol. inj. à 10mg)
    Proposition réitérée de la part de collègues: tiapridal 100mg: 1cp ou IM, Loxapac 50mg 2 à 4 amp per os ou IM mais encore Loxapac 3 amp. IM + Tranxène 50: 1 amp IM dans 2 seringuées
    2ème forme: Ma trousse personnelle
    Neuroleptique Melleril ampoules ou sol. à 4p.100 (dont le laboratoire cesse la production en mai 2005) Solian 100 mg, Zyprexa (compr. 5 et 7,5 mg et 10mg), Haldol compr 5mg et aripiprazole
    Tranquillisants. Valium (cp sécable à 10 mg, amp inj IM, lV à 10 mg) ou Lexomil cp à 6 mg 3x1/2 à 3 compr./j.
    Anafranil (cp à 25 mg), Deroxat (cp à 20 mg)
    Hypnotique: Mogadon Rohypnol Imovane
    3ème forme
    Le pack d'urgence classique avec: halopéridol (Haldol), chlorpromazine (Largactil), fluanizone (Fluanxol) diazépam (Valium) 5mg et 10mg et amp inj.10mg, méprobamate (Equanil), clonazépam est très contestable. Certains d'entre eux ne doivent plus être incorporés dans une trousse minimale.
    Il faut dans le même esprit distinguer des médicaments de 1ère ou de 2ème nécessité
    1ère nécessité: Valium (cp 5-l 0 mg. amp inj IM à 10 mg), Lexomil (cp sécable à 6 mg), Tranxène (cp sécable à 50 mg, flacon inj IM, IV à 20 mg), Buspar Anafranil (cp à 25 mg) Melleril (dont le laboratoire cesse la production en mai 2005), Solian 100 mg, Largactil (amp inj IM à 25 mg) Risperdal (Nozinan) inj. 25 mg - Clozapine (Leponex compr. 25mg et 100mg), Olanzapine (Zyprexa) Modecate Lepticur (amp inj compr et sol. IM ou IV lente à 10 mg), trihexyphénidyle (Artane 5mg et sol. inj. à 10mg)
    2ème nécessité: l'halopéridol et les antidépresseurs sérotoninergiques dont les effets sont modestes; quant au méprobamate on peut s'en dispenser.
   

Médicaments généraux (La trousse médicale)


    Douleur: DIANTALVIC, EFFERALGAN 1g ASPIRINE,
    Antibiotique, PéniA amoxicylline (CLAMOXYL compr. 500mg)
    ORL et ophtalmo.: Anti-inflammatoire stéroïdien, SOLUPRED 20 mg. Pommade et collyre antibiotiques, RIFAMYCINE
    Protecteur gastrique, Mopral gélules 20mg, Antiseptique intestinal, ERCEFURYL, Pansement gastrique, SMECTA, Anti-diarrhéique, IMODIUM 20, Antispasmodique, SPASFON, Constipation: FORLAX, Parlax, Algies: Elixir parégorique(*2) ou granules de papavérine PRIMPERAN 10mg compr.
    Crise d'Infarctus du myocarde: Chlorhydrate de Morphine 0,02g en sol. à 1% en SC (tableau B) ou Atropine aguettant (amp. inj. IM, IV, SC à 1mg)
    Pneumologie Ventoline 100 microgr. Bécotide 250 microgr.
    Gynécologie, ovules GYNOPEVARYL FLAGYL 500
    Allergies: Anti-histaminique: CLARITYNE compr., ZYRTEC compr. Choc allergique: ADRENALINE Amp inj. dans une perfusion de sérum physiologique amp. 1 ou 5 ml et sol. inj à 20mg/20ml ou bien en SC
    Antibiotique antipaludéen, VIBRAMYCINE 100, Antipaludéens: NIVAQUINE et surtout LARIAM
   

Matériel médical complémentaire minimal (La trousse de matériel)


    Stéthoscope, Tensiomètre Vaquez-Laubry et thermomètre
    Seringues 10cc montées + aiguilles IM et IV à usage unique et garrot
    Compresses stériles 30*30,et 7.5*7.5, (autres cotes: 2"*2" et 3"*3"), bandages élastiques 8cm et 10cm/4m et sparadrap, pansements, Tulle Gras Lumière, Tielle
    Kit de suture: -1 jeu d'aiguilles droites avec fil serti, catgut n°2, 4, 6 -1 jeu d'aiguilles courbes montées avec fil de suture, Stéri-strip 3M Gants latex stériles et Xylocaïne 1%
    Antiseptique: -Liqueur de DAKIN (mais abri lumière et préparation extemporanée), -HEXOMEDINE, -MERCRYL SPRAY -Alcool 90°, Alcool officinal à 60° de préférence non laurylé, Betadine 350 compresses imprégnées et Bétadine alcool. 5% et un pain de savon de Marseille -Solution de MILIAN(*1), -Permanganate de potassium au 1/10.000ème.
   
Matériel complémentaire
    Traitement de l'eau: AQUATABS
    Compte-gouttes oculaire, petite lampe torche
    Bande de contention, RHENA en particulier chevillières et épaule-poignet (NB Veiller aux différences de tailles adulte/enfant) et COHEBAN 3M 7*3 & 10*3.5
    Respirateur manuel type Ambu avec tube flexible et raccord métallique, couverture de survie alu de survie. Tubulure de perfusion et Flacon de Sérum glucosé à 5% et hémisuccinate d'hydrocortisone.
   

BIBLIOGRAPHIE


    EMC PSYCHIATRIE
    DSM-III-R Masson 1989 & sq.
    Dr Ludwig Fineltain "Glossaire Psychiatrique", Ed. Frison-Roche à Paris 01.01.2000
    Ey H. Bernard P. Brisset Ch. "Manuel de Psychiatrie", Ed. Masson 1963
    Dr Juliette Grémion Conférences d'internat 2003
    Dr Basant K.Puri "Principes essentiels de Psychiatrie" Saunders' Pocket 1999
    Senninger & Fontaa Psychopathologie du malade dangereux Ed.DOIN
   
        Note1
    - Solution de MILIAN*
    -vert de méthyle: }
    -cristal violet: }àà 0,10g à 0,25g
    -alcool à 60°: qsp 100!
        Note 2
    - Elixir Parégorique: Teinture d'opium benzoïque et camphrée
    Poudre d'opium: 5g
    Acide benzoïque: }
    Essence d'anis: }àà 5g
    Camphre: 2g
    Alcool à 60°: 985g
        Note 3
    La Psychiatrie d'Aujourd'hui Pr Granger Ed. O.Jacob 2003

   


Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Directeur du Bulletin de psychiatrie
   fineltainl@yahoo.fr



Dr Ludwig Fineltain