Psychiatrie
Bulletin de Psychiatrie
(parution semestrielle ou annuelle)
Journal
Edition du 17.10.03
Mise à jour du 14.12.03 (11ème révision)

Psychiatrie vivante

Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Directeur du Bulletin de psychiatrie

E-mail: fineltainl@yahoo.fr
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ou
BULLETIN DE PSYCHIATRIE FRANCOPHONE

La psychiatrie vivante en 2003
et le mouvement perpétuel
de la parole vive et de la trace scripturaire

   
   
DES LECTURES RECREATIVES

    Des textes psychiatriques récents nous incitent à cultiver l'art des jeux de mots, de la linguistique et de l'étymologie. Un néologisme remarquable introduisait jadis une bonne émission littéraire à la télévision: "C'est en lisant qu'on devient liseron". Quelques variantes remarquables ont été proposées par Raymond Queneau et par le célèbre club littéraire des Oulipos (l'Ouvroir de littérature potentielle): "C'est en lisant qu'on devient liseron". D'autres variantes amusantes ont suivi comme "C'est en écrivant qu'on devient écriveron" et, après le texte sur les "Ecriverons et liserons", l'adage: "C'est en lisant qu'on devient liseron".
    La chanson de Daniel Prévost, "La ronde des métiers", en reprend les principaux thèmes.
    C'est en forgeant qu'on devient forgeron et en chantant chanterelle.
    C'est en lisant qu'on devient liseron et en jouant jouvencelle.
    C'est en bossant qu'on devient Beauceron et en maniant manivelle.

    Refrain:
    Il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes gens
    Et dans la ronde des métiers, il faut avoir de l'entregent

   
    Souvenons-nous à ce propos que Raymond Queneau nous a donné en 1934 un livre amusant sur Les Fous Littéraires où il décrit les oeuvres d'une cinquantaine d'auteurs du XIXème siècle aux idées insolites, des scientifiques (la quadrature du cercle, la nature du soleil etc.) ou bien des prophètes. Il reprend ce thème dans les Enfants du Limon en 1938. On trouve une réédition en 1989 et une autre aux "Editions des Cendres" en 2001 avec pour titre: "Comprendre la folie". Queneau n'est pas tendre pour les psychiatres: "Il ne font aucun effort pour comprendre les malades. L'importance de cette compréhension a été spécialement indiquée par Karl Jaspers dans son traité de psychopathologie générale." Tout cela est assez étonnant. Queneau nous a donné aussi de touchants poèmes sur la psychanalyse ou plus précisément sur sa psychanalyse, qu'une patiente analysante jadis m'avait signalés. La cure analytique n'est pas habituellement une source d'inspiration poétique. Il convenait donc d'en rappeler quelques strophes.
    On trouvera les poèmes dans Chêne et chien. Roman en vers, édité en 1937 puis ils seront rassemblés plus tard dans "Petite Cosmogonie Portative". Queneau en dira quelques mots: "Dans la première partie, je raconte mon enfance, qui ne fut pas gaie, et dans la seconde un traitement psychanalitique qui ne le fut non plus, gai." dans "Conversations avec Georges Ribemont-Dessaignes" en mars 1950. "J'allais cinq fois par semaine chez un psychanalyste pour qu'il me débarrassât d'une malencontreuse tendance à mal gérer mes affaires ..." - "... la psychanalyse (la psychologie qui fait pschtt!)" (Monument pour un rêve - Onzième poème de "Monuments")

    Chaque jour un chemin régulier me conduit
    d'Vaugirard à Passy
    en traversant Javel (Usines Citroën)
    et le fleuve la Seine.

    Je prends chaque matin un café grande tasse
    au bistrot près du pont.
    Dans le noir jus je trempe une tartine grasse
    (moi je trouve ça bon).
    Puis je monte une rue où parfois grimpe un tram,
    où parfois pisse un chien.
    Dans un nouvel immeuble où flotte encor le sable
    loge le médecin.
    Il offre à mon service un divan pas très long
    (je suis de grande taille).
    On analyse alors cette association
    - ce n'est pas un détail.
    Car rien n'est un détail: ça devient agaçant,
    on n'sait plus où se mettre,
    Et si je trouve qu'il a le nez un peu grand,
    ça doit me compromettre.
   

    Et encore, dans Chêne et chien en 1937

    Je me couchai sur un divan
    et me mis à raconter ma vie
    ce que je croyais être ma vie
    Ma vie, qu'est-ce que j'en connaissais?

    Et ta vie, toi, qu'est-ce que tu en connais ?
    Et lui, là, est-ce qu'il la connaît,
    sa vie ?
    (...)
    Enfin me voilà donc couché
    Sur un divan près de Passy
    Je raconte tout ce qu'il me plaît:
    Je suis dans le psychanalysis

   
    Emile Littré Pathologie Verbale ou Lésions de certains mots dans le cours de l'usage.
    Ce texte étrange avait paru en 1880. Vous vous souvenez que Littré, le célèbre auteur du dictionnaire, était médecin. Il examine des mots de la langue et leurs aberrations comme des pathologies. Ainsi les malformations, les confusions, les pertes de rang et les mutations de signification sont-elles regardées d'un point de vue quasi médical voire psychiatrique. Prenons l'exemple de personne qui signifiait masque puis ensuite un ecclésiastique en dignité puis enfin la personne en général. Pour Littré la pathologie du mot consiste donc en cette sorte de promotion du sens.
   

DES LECTURES CONTEMPORAINES

    Les livres
    1) Le Lacan de Paul-Laurent Assoun, dans un QSJ paru en 2003 aux PUF, est une vraie réussite.
    Ce livre incite à réfléchir sur la théorie lacanienne. Je n'ai jamais été lacanien mais je reconnais la vigueur de certaines propositions de Lacan. Il aura démontré la vanité des orthodoxies psychanalytiques.
    Il y a chez Lacan trois périodes comme en ont connues poètes et peintres. Il s'est fait le peintre de la planète Freud. Les disciples de Lacan estiment qu'il a fait un retour à Freud, assertion très contestable. Assoun cependant conforte ce point de vue. Mais par exemple la réflexion sur la relation d'objet chez Freud est aux antipodes de ce qu'en dit Lacan!
    Une de mes collègues, à l'époque où je fréquentais assidûment l'Institut de Psychanalyse de la rue Saint-Jacques, disait à l'encan de Lacan qu'il avait eu le mérite de redonner du mystère à la psychanalyse (elle disait remystériser). Elle ajoutait quelques autres boutades comme celles-ci: "Là où Freud balise, Lacan cartographie" ou bien "Lacan s'exprime en un idiolecte". Je trouve quant à moi qu'il a poétisé la psychanalyse ou mieux encore il l'a en quelque sorte "philosophée" -on me pardonnera ce vilain néologisme-.
    En réalité les échanges intellectuels entre "lacanisme" et chapelles psychanalytiques orthodoxes ont été très pauvres. Ils furent parasités par une sorte de passion exaspérée que le récent dialogue entre Widlocher et Miller a contribué à pacifier. Ainsi dans divers séminaires de l'Institut, Lebovici entre 1972 et 1976 abordant la question des cercles lacaniens parlait-il de sectes.
    Quelques moments forts de l'œuvre de Lacan sont examinés dans ce petit livre d'une grande densité. Est-ce que l'auteur évite l'écueil de l'hagiographie péril classique dans ce genre d'exercice? C'est difficile à dire. Je crois que c'est un brillant travail d'universitaire qui cependant évite toute espèce de critique quant aux excès et aux dérapages dans l'oeuvre de Lacan (les mathèmes).
    Le grand Autre.- La référence à l'Autre, au "grand Autre". Paul-Laurent Assoun estime que Lacan ne songe pas au sens ontologique ni au sens transcendantal de l'altérité. L'idée centrale est celle-ci: "ça parle dans l'autre" ou encore l'autre est le lieu d'origine du signifiant sans quoi l'image du corps reste sans signification. Le lieu de l'Autre, c'est à dire en somme "d'où ça parle", m'a toujours paru un concept issu des lectures phénoménologiques de Lacan - puisque cette sorte de tension en soi vers autrui est au cœur de la pensée de Husserl mais surtout plus tard de celle de Lévinas. Depuis lors Paul Ricoeur a publié beaucoup de textes personnels sur ce sujet. J'ai toujours eu l'impression d'ailleurs que le Freud de Ricoeur, celui qu'il décrit dans "De l'Interprétation" et dans le "Conflit des Interprétations", était du côté de Lacan! Ce concept, celui de "grand Autre" aurait pu être très heuristique. C'est très brillant! Mais toute cette recherche s'est fourvoyée dans un idiolecte qui noie la pensée. Une pensée court de grand risques de se dévoyer dans les idiolectes. Et d'ailleurs elle donne licence dès lors à des jeux de langages parfaitement incongrus.
    Le stade du miroir. L'histoire du concept a beaucoup fait jaser les milieux universitaires de la psychologie classique. Henri Wallon, psychologue de l'enfance, décrit au cours de l'évolution de l'enfant, entre 6 et 18 mois, ce passage du proprioceptif à l'extéroceptif que Piaget, à la même époque, développera de façon beaucoup plus brillante. Ainsi Lacan s'inscrit-il dans ce mouvement de recherche scientifique en y introduisant le mode de raisonnement subversif propre à la psychanalyse.
    Le stade du miroir devient chez Lacan quelque chose de tout à fait original. Voici comment Paul-Laurent Assoun en deux phrases lapidaires décrit la vision lacanienne du Moi spéculaire: "Se prendre pour soi-même: voilà qui marquera de son sceau indélébile tout le devenir. C'est à partir de cette "image-souche" que se constitue l'assiette spéculaire: le Moi est né". Ce processus d'identification en abîme inspire Lacan qui compare la constitution du Moi à un oignon.
    La relation objectale, moment classique de la doxa psychanalytique freudienne, est perçue de façon tout autre, d'une façon radicalement nouvelle par Lacan. Au travers de "l'objet petit a", invention spécifiquement lacanienne -c'est d'ailleurs la seule qui soit revendiquée comme telle par Lacan- apparaît une autre sorte de définition de l'objet. "L'objet a" exprime l'objet-cause du désir. Il faut noter encore que dans le discours de Lacan lui-même cet objet a est en quelque sorte indicible.
    Bref nous sommes tout entier plongés dans la problématique de l'idiolecte. Cette forme de pensée possède une certaine valeur pour la réflexion philosophique dans la droite ligne de la phénoménologie de Heidegger. Je pense que cette pensée est très éloignée des préoccupations psychanalytiques.
    Revenons à l'objet a. Très proche de l'objet partiel kleinien, l'ego est frustré d'un objet où son désir est aliéné. L'objet petit a désigne ce manque, tout à la fois modalité du manque et nature du manque. Celui-ci a donc des rapports étroits avec les rebords, les lamelles et les fentes anatomiques bref les traits de refend. J'y insiste: nous retrouvons tout cela dans la phénoménologie de Heidegger et de Merleau-Ponty. La grande force de Lacan selon moi est d'avoir introduit une réflexion philosophique phénoménologique dans la recherche psychanalytique. Mais quid de l'impact thérapeutique?
   
    2) Deux livres récents nous viennent d'un merveilleux éditeur de sciences humaines, Frison-Roche rue Dauphine à Paris. Ils intéresseront les experts psychiatres.
    Un ouvrage de Cornet & Giovannangeli & Cormont, "Les délinquants sexuels Théories, évaluation et traitements" chez Frison-Roche en 2003, est le genre de travail attendu puisque nous sommes très démunis en face de la délinquance sexuelle. De quelle façon? La loi de .. 1995 confie ou dévolue le suivi de délinquants sexuels le plus souvent à des psychiatres des CMP de secteur et qui n'ont pas même entendu parler de l'acétate de cyprotérone ou du LHRH! L'aimable amateurisme et le blâmable dilettantisme tant admirés sous nos climats latins n'a rien à voir avec le sérieux de nos confrères exerçant au Canada et aux Etats-Unis. Il manque donc essentiellement en France des psychiatres compétents dans ces domaines. Voici pourquoi la loi d'injonction thérapeutique est d'application difficile. Plus exactement ces spécialistes compétents existent mais dans le secteur libéral d'accès coûteux. La solution toute simple consisterait à solliciter une sorte d'échange de bons services entre le public et le privé.
    Cornet, Giovannangeli et Cormont revisitent quelques concepts classiques. Ainsi Stoller posait-il la question suivante: "Pourquoi les perversions sont-ils le fait de l'homme? ou encore "Quel est chez l'homme le rôle de la proto-féminité?". La phase de séparation individuation a abouti à une sorte d'échec. Cette thèse, très forte, avait fait la gloire de Stoller et je suis tout près d'en accepter la pertinence. Je crois en effet que cette phase précoce est difficile à vivre et que des échecs sont possibles dès cette phase archaïque. On peut comparer cette période difficile à l'adolescence. On peut repérer les moments de succès et d'échec dans les rituels ordaliques de l'adolescence: "ça passe ou ça casse". Quand ça casse on évalue difficilement les positions cicatricielles du Moi -mais elles existent-.
    La position psychosexuelle du futur pervers consiste à fétichiser autrui pour le transformer en objet déshumanisé, une sorte de mannequin au dépens de qui infliger de la douleur est envisageable.
    La théorie classique de la psychanalyse est décrite dans sa forme traditionnelle par Mac Dougall à savoir le scénario du déni de la différence des sexes.
    Les auteurs du livre exposent ensuite d'autres concepts clefs de la délinquance sexuelle: le passage à l'acte et la dangerosité.
    Les thérapies. Les chapitres les plus étoffés, comme on pouvait s'y attendre, sont consacrés aux thérapies d'orientation cognitive et comportementale. Ainsi le Sex Offender Treatment Program ou SOTP, appliqué ou seulement expérimenté en Grande-Bretagne, en Irlande, en Finlande et en Espagne, est-il examiné en détail. Deux aspects doivent être soulignés: -le module d'habileté cognitive a pour but d'améliorer en fin de programme les processus de décision et d'autre part il n'y a pas de prescription médicale!
    Parmi les traitements pharmacologiques pertinents abordés dans l'ouvrage seuls apparaissent quatre chapitres:
    -Dans presque tous les cas de figure le taux de testostérone n'a aucune pertinence.
    -L'orchidectomie suscite seulement une curiosité historique.
    -L'Androcur (depuis 1950) et le LHRH ont confirmé leur efficacité pour autant que les prescriptions soient augmentées d'une psychothérapie.
    -et enfin les psychotropes
    Il manque une étude plus substantielle des essais de traitement combiné de l'agressivité sexuelle et de la violence comme par exemple chez des schizophrènes (et une étude des traitements réussis avec l'Androcur). D'une façon générale l'absence des médecins dans ce travail constitue peut-être une faiblesse. Mais la très grande expérience des auteurs est évidente et sera utile aux décideurs en France.

    Voici une autre livraison des Editions Frison-Roche: "Psychologie Légale" de Jean-Luc Viaux.
    Le sujet est difficile et la posture du psychologue dans ces affaires est parfois contestée voire jalousée de tous les côtés à la fois. Le psychologue alors se souvient de l'apostrophe du cardinal Dupanloup: "Seigneur protège-moi de mes amis, de mes ennemis je m'en charge". Les médecins et les psychiatres sont parfois méfiants à l'endroit de leurs nouveaux partenaires sur la scène judiciaire. Le psychologue intervient depuis 1990 dans le champ de la procédure en France soit avec un retard d'une dizaine d'années par rapport aux pays avancés. Ce n'est pas énorme mais c'est assez fréquent que la France démontre un tel retard dans un certain nombre de procédures. Autour de l'enfant on a donné aux psychologues un rôle éminent et justifié. D'autre part un exemple remarquable du rôle des psychologues experts concerne l'étude de la dangerosité des prévenus.
   
   

DES ARTICLES ORIGINAUX

    Première livraison de septembre 2003
    Très récemment nous avons lu un bon article dans Le Journal de Nervure, une sorte de journal que nous recevons d'habitude sans grande impatience et qu'on parcourt rapidement avant de l'archiver dans les rayons de la bibliothèque. Une étude étonnante et roborative dans la livraison de septembre 2003 sur les théories d'un personnage sulfureux, Léon Daudet. On croit avoir lu beaucoup de textes psychiatriques anciens et modernes et voici que soudain des découvertes surgissent grâce à la ténacité et au talent d'un confrère. L'article est d'une grande originalité écrit par un collègue que je ne connaissais pas, le Dr Gonzague Mottet à Romans-sur-Isère.
    Qui d'entre nous se souvenait que Léon Daudet avait fait sa médecine. L'histoire assez sordide de sa vie politique nous dissimulait cette dimension particulière de sa carrière. Un peintre, un poète ou un écrivain peut être un monstre de cruauté. Mais on ne manque pas de s'étonner que des médecins -je pense à Céline et à Léon Daudet- aient pu nourrir au fond de leur coeur une haine profonde de l'humain!
    Léon Daudet a donc élaboré une métapsychologie sans avoir eu le moindre écho de l'existence de Freud! Nous connaissons bien quelques psychiatres contemporains qui ont bâti une oeuvre sans aucune considération pour Freud mais ils ont bien entendu lu attentivement son oeuvre. Et d'ailleurs qui peut contester le droit à la critique scientifique la plus sévère. Mais ne pas connaître Freud en 1934! La signification est toute différente. Léon Daudet, donc, décrit comme une fresque la structure de la personnalité en insistant sur le poids énorme de l'hérédité: la dialectique entre filiation passive et filiation instituante. Son système métapsychologique qu'il nomme Hérédo est publié en 1934. Il fait un peu penser aux théories de Jung. Il écrit ceci: "J'expérimentais sur moi-même la force de la volonté, appliquée méthodiquement à la victoire du soi sur le moi, et je fus étonné des résultats obtenus en peu de temps".
    J'ai pu observer, moi-même, l'étrange inclination des milieux cultivés de l'extrême droite pour des théories quasiment parapsychologiques ou même paramédicales. Pourquoi? C'est une question digne d'intérêt.
    Deuxième livraison d'octobre 2003
    Le Journal de la Revue Nervure d'octobre 2003 nous livre pour la deuxième fois un numéro de très bon niveau dont j'extrais deux articles remarquables:
    1) Frankl, l'homme et son temps, une biographie d'Edel. Beaucoup d'entre nous connaissent de nom sa méthode dite "logothérapie" qu'il a conçue dans l'atmosphère tragique des camps de concentration. La leçon des phénoménologues allemands paraît avoir durablement influencé l'oeuvre de Frankl. L'auteur nous apprend que Frankl était revenu en 1945 à Vienne alors que je croyais qu'il avait poursuivi sa carrière au Canada. L'auteur de l'article nous donnera sans doute quelques précisions complémentaires sur ce point. Quoi qu'il en soit la théorie de Frankl a beaucoup influencé les méthodes de traitement des rescapés de la Shoah.
    2) Un article important article de P.F. Godet et Céline Piegay: "La question des notes personnelles en institution psychiatrique".
    Ce sujet m'a beaucoup intéressé. Il est d'ailleurs d'une grande actualité. J'ai essayé de le traiter dans un numéro spécial du Bulletin, Ephémérides-10 de mars 2003 consacré à la réforme des certificats de placements psychiatriques et au droit d'accès au dossier clinique (précisé dans le décret du 29.04.2002). Affirmer une différence entre des notes personnelles et le dossier formalisé proprement dit est chose tout à la fois justifiée et paradoxale. Une pratique constante des juridictions consiste à se saisir dans les cas difficiles de l'ensemble du dossier y compris les notes dites personnelles, y compris, dit-on, les "post-it"! Vous pouvez tous concevoir qu'un patient aussi bien qu'un juge ne souhaiterait pas, n'accepterait pas de faire une distinction entre dossier formalisé et notes personnelles. Le droit d'accès au dossier en faveur des patients, dans l'état actuel des choses, est un thème à la mode -et c'est heureux!-
    Les auteurs se réfèrent à une note du Bulletin de l'Ordre des Médecins datée de décembre 2002. Or il faut souligner à ce propos à quel point l'Ordre des Médecins s'est montré défaillant au cours d'affaires récentes! Les auteurs nous rappellent d'autre part que la plupart des psychiatres des hôpitaux ne tiennent pas de dossier formalisé: en fait ils ne tiennent quasiment pas de dossier hospitalier. C'est une carence regrettable. Nous devons absolument concevoir que cette sorte de tradition va changer sous la pression bénéfique d'un public cultivé. Aussi bien le dernier chapitre intitulé "Hypothèse d'organisation" me paraît très pertinent. Il indique une méthode pour mieux organiser le dossier clinique des patients. La discussion quant au dossier d'ailleurs devient in fine assez surréaliste: selon moi il n'y a pas de prise en charge psychiatrique réelle et substantielle sans dossier!
   
   

DES RELECTURES

    Nous pouvons revoir avec un certain bonheur la pensée de Ricoeur dans un livre assez ancien intitulé Paul Ricoeur L'Herméneutique à l'Ecole de la Phénoménologie dans la collection de Philosophie de l'Institut Catholique de Paris, édition Beauchesne 1995.
    H.J. Görtz décrit le concept d'identité narrative, entre mêmeté et ipséité: l'identité éthique requiert une personne comptable de ses actes. Cette réflexion doit éclairer l'éthique médicale. Ricoeur repère le projet global d'une existence dans cette chose qu'il nomme "L'unité narrative d'une vie".
    Ricoeur aborde une fois n'est pas coutume sa lecture des grands textes religieux. Il nous expose ses convictions en quelques formules merveilleuses. Il repère dans l'héritage des religions du livre, essentiellement dans les sources du judéo-christianisme, un cercle de la parole vive et de la trace scripturaire. Il nomme aussi ce processus comme le cercle herméneutique de la parole et de l'écriture. Ce cercle vertueux répond au long dialogue entre Jérusalem et Athènes dont nous sommes les héritiers. "L'écriture croît avec ceux qui la lisent" nous dit Ricoeur. Un lecteur agnostique comme moi-même ne peut s'empêcher d'être sensible à un discours aussi émouvant.
    Hans Ineiden, dans "Psychanalyse et idéologie" nous dit que la subversion psychanalytique du discours philosophique requiert le retournement de la flèche. Si le philosophe est un être candide qui s'éveille le matin en bonnet de nuit alors pourrait-il poser la même question à l'analyste.
   
   

DES COLLOQUES ET DES CONGRES

    Helsinki
    J'ai déjà décrit dans ce "Bulletin" le merveilleux séminaire franco-finlandais d'Helsinki sur les rapports entre la santé mentale et internet. Les Pays Nordiques ont dans ce domaine 10 à 15 ans d'avance sur nous!
   
    Les Journées de l'Evolution Psychiatrique.
    Je pressens le grand intérêt du prochain congrès de l'Evolution Psychiatrique. Cette vénérable société -j'en suis un membre titulaire très peu actif- demeure très certainement le lieu de réunion de la fine fleur des psychiatres français. La réunion sera un bon crû quand on examine les projets, l'exposé des principes et les conférenciers, à Paris, ces jours-ci, les 18 et 19 octobre 2003. L'Évolution Psychiatrique organise des Journées sur "Psychanalyse, Psychiatrie: objets perdus, objets présents".
   
    Les Etats Généraux
    De ces Etats Généraux de la Psychiatrie en 2003 je dirai quelques mots seulement puisqu'au fond il n'y fut nullement question de psychiatrie. Je veux seulement souligner les dérapages verbaux, l'animosité vaine et les erreurs d'évaluation. Et ego in juventute. Ainsi par exemple nous dit-on qu'il manque des psychiatres. Sans doute en manque-t-il dans le secteur psychiatrique pour des raisons de budget. Mais ils sont en France, toutes orientations confondues, en très grand nombre et j'ai la joie d'annoncer que notre pays possède certainement le plus grand nombre de psychiatres à proportion de la population par rapport à l'ensemble des pays avancés du monde! Quand au nombre des psychologues cliniciens il est considérable. Il est probable à l'heure où je parle que la plupart des psychothérapies dans le secteur psychiatrique sont assurées par les psychologues cliniciens. Rappelons quelques chiffres. Il y avait en France en 1997 13.000 psychiatres et 16.000 psychologues cliniciens suivant les uns 36.000 suivant les autres c'est à dire le premier rang dans le monde!
    A propos des textes: le pire y côtoyait le meilleur. Certains psychiatres ne s'expriment que par le biais d'une langue de bois qui leur fait entrevoir la psychiatrie au travers d'une phraséologie syndicale ou idéologique -ils mythifient des outils thérapeutiques qui furent seulement des moments dans l'évolution de la psychiatrie-. D'autres, la minorité éclairée, s'appuient sur des conceptions scientifiques humbles et modestes. Ils paraissent parfois s'exprimer le dos au mur devant les vociférations des publics enflammés. Voyons d'abord le pire. Il s'agit essentiellement de démontrer les merveilles du passé et la misère des temps présents. Les contenus sont donc dictés par une sorte d'idéologie du passéisme.
    Les Drs Garret-Gloanec & Gloanec, Psychiatres des Hôpitaux à Nantes, tentent de retracer l'histoire de la pédopsychiatrie en France. Que nous disent-ils? La création de nombreux hôpitaux de jour et de consultations médico-psychologiques (C.M.P.) avec des équipes pluriprofessionnelles sous la responsabilité d'un psychiatre chef de secteur etc. Les mêmes auteurs d'ajouter: "La chance pour ces secteurs furent leur création au moment de la mise en place des hôpitaux de jour couplée à un formidable bouillonnement de la clinique, des connaissances, des études compréhensives (plus qu'épidémiologiques qui sont apparues dans les années 80). La pratique est confrontée à la théorie et la clinique aux hypothèses. Des efforts de mise en sens et de clarification ont permis l'élaboration d'une classification alors qu'aucune industrie pharmaceutique n'était présente pour sponsoriser ceux-ci. La Classification Française des Troubles Mentaux des Enfants et Adolescents (CFTMEA) a posé, dans les années 80, l'état des connaissances en pédopsychiatrie en France. On y retrouve la large place faite à l'autisme, aux troubles du langage, à l'hyperactivité mais aussi une vue dynamique des déficiences. Enfin et surtout le fondement de cette classification était de ne pas enfermer les enfants dans une vue statique de leurs troubles etc."
    La CFTEMA est la classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent. La nouvelle version de la CFTMEA a été coordonnée par Roger Misès. Depuis 1987 la CFTMEA constitue un outil assez souvent employé par les psychiatres en particulier dans les expertises de la Sécurité Sociale. La CFTMEA, fait important, essaie d'établir des correspondances avec la Classification internationale des maladies (CIM 10).
    La pédopsychiatrie des CMP était à la psychiatrie d'enfant ce que furent les dispensaires de dépistage et les sanas de 1946 face aux menaces de la pandémie tuberculeuse. Une psychiatrie de dépistage: ils furent en outre créés dans la précipitation. Souvent les médecins chefs de ces services, entre 1967 et 1975, n'avaient reçu aucune formation dans cette spécialité. L'idéal eût été d'ajouter à une bonne formation de médecine générale celle de la psychiatrie d'adulte et une sorte d'équivalent du DESS de Psychologie de l'Enfance et de l'Adolescence ainsi qu'un cursus analytique authentique! Les qualifications en psychiatrie infanto-juvénile furent créés en France beaucoup plus tard. La validation des diplômes a commencé autour des années 1998-2000. Ce sont en réalité des structures issues du monde associatif comme par exemple les CMPP (Centres Médico-psychologiques et Pédagogiques) qui ont assez rapidement assumé la responsabilité de la majorité absolue des consultations d'enfant avec un personnel formé aux différentes spécialités de l'enfance perturbée. Ainsi par exemple il existait très peu de psychanalystes expérimentés exerçant dans le secteur psychiatrique alors qu'ils furent, dès leur création, extrêmement nombreux dans les consultations des CMPP.
    La pédopsychiatrie en réalité existe dans le monde depuis l'avant-guerre. En France bien avant les CFTMEA nous disposions d'une nosologie rudimentaire. Je voudrais absolument insister sur ce point fondamental. L'état d'une discipline se mesure à l'aune des efforts de synthèse que sont les manuels dont les suivants sont bien connus: Léon Michaux Psychiatrie infantile en 1950 qui avait bénéficié de la collaboration de Duché et surtout de Koupernik; le petit livre de Duché Précis de Psychiatrie de l'Enfant en 1971 et enfin le remarquable livre de Julian de Ajuriaguerra Manuel de Psychiatrie de l'enfant en 1970. D'autre part les études "compréhensives" ne peuvent absolument pas se priver d'épidémiologie. Cette position antiscientifique est tout à fait curieuse. Elle est très répandue en France: chacun se plaît à vouer aux gémonies les DSM, les études épidémiologiques et tout ce qui possède une allure "scientifique". N'importe quel psychiatre rédigeant un protocole d'expertise constate qu'il est éthiquement impossible de s'enfermer dans la seule classification CFTMEA! Avant les classifications internationales régnait une sorte de psychiatrie intuitive délétère. Ainsi appelait-on du même nom, autisme infantile, en Angleterre et en France, des choses très différentes. On en mesurait les conséquences funestes dans des travaux comparatifs. Je me souviens de quelques articles en 1970 exposant de fabuleux pourcentages de guérison des autismes infantiles en Grande-Bretagne au regard des 5% en France! Ici même les diagnostics ne recouvraient pas les mêmes phénomènes dans les divers départements de l'hexagone. C'était le règne de petits roitelets d'institutions microscopiques. Bref c'était le Moyen-Age!
    Voyons maintenant le meilleur: deux exposés l'un du Dr Vasseur et l'autre du Dr Jean-Louis Place.
    Le Dr Vasseur retrace devant le public l'histoire de la psychiatrie française et en particulier nous rappelle-t-il l'époque très faste de Henri Ey, esprit brillant, dont j'aimais la fréquentation comme la plupart de nos collègues des années 70. Le Cercle d'Etudes Psychiatriques à Sainte-Anne est encore dans toutes les mémoires.
    Quant au Dr Jean-Louis Place, psychiatre à la Clinique de Chailles "La Chesnaie", il nous livre un exposé sur un mode inspiré et même haletant intitulé La santé ment à la psychiatrie. Ses réflexions sur l'état de la psychiatrie en France m'ont paru tout à la fois pertinentes et roboratives.
    Voici ce que dit notre collègue:
    "-La Santé Mentale s'est substituée à la Psychiatrie dans le discours des décideurs. Nombreux sont les praticiens de terrain, médecins et paramédicaux en contact permanent avec les malades qui ressentent confusément des stratégies de désappropriation, de disqualification et des effets d'autocensure dans cette opération discursive.
    -Cette ambiguïté, sur le fondement de la souffrance psychique, se redouble d'un processus métonymique, bien connu dans notre discipline de confusion entre la cause, ou l'objet, et sa réponse qui aboutit à substituer véritablement au mot "psychiatrie" l'expression "santé mentale", de la même façon que nous entendons assez souvent des malades dire qu'ils ont fait de la psychiatrie plutôt que de dire qu'ils ont été malades, et que nous repérons de plus en plus le terme "professionnel de santé" comme ersatz de celui de soignants, dans une vaste entreprise de vulgarisation des objets de la médecine.
    -Grâce à la vaste catégorie des professionnels de santé et aux amateurs éclairés, la santé mentale appartient à tout le monde. Mais accéder plus ou poins vite à une vulgarisation du corpus psychiatrique, manier les termes de schizophrénie, dépression et inter-subjectivité avec la foi et l'intensité des bons sentiments, de la morale et de la chose citoyenne ne peut remplacer la formation et l'expérience au contact des maladies mentales d'un soignant en psychiatrie.
    -Des professionnels de santé élaborent aujourd'hui l'organisation des soins en psychiatrie en n'ayant jamais vu un malade.
    -La France n'a pas à renier en quelques décennies tout ce qu'elle a pu apporter .. le développement, qui aurait du encore rester longtemps la preuve de ses capacités d'innovation et la marque de sa singularité; je veux parler du secteur.
    Là où nous dépensons sans compter pour assurer de confortables bénéfices aux laboratoires en majorité étrangers, pourvoyeurs d'antidépresseurs et de neuroleptiques de nouvelle génération à des prix de plus en plus élevés, nous devrions faire des économies en maintenant, à l'université et dans les centres de formation, des quotas de psychiatres et d'infirmiers insuffisants pour le bon fonctionnement du service public et depuis peu des établissements privés.
    Je pense particulièrement à la pénurie des psychiatres et des infirmiers, aux problèmes de l'hospitalisation en psychiatrie, à la situation d'exclusion des malades mentaux objectivable dans la réalité et singulièrement absente dans les discours officiels sur la prévention en santé mentale.
    Le taux des hospitalisations sans consentement rapportée au nombre d'hospitalisation effectuées en psychiatrie générale n'est que de 13%. La part des hospitalisations d'office (HO) est encore plus faible, 8000 en 1997 sur 60 000 . .. Une seule interprétation: l'insuffisance de la loi pour protéger la personne . Entendez: avec la refonte de la loi de 1838 le 27 juin 1990, nous avons augmenté les contraintes administratives et rajouté des sécurités pour éviter les hospitalisations abusives. Cela n'a pas été suffisant. Il faut poursuivre notre effort. .. Ce que nous avons remarqué - mais nous ne sommes certainement pas les seuls - c'est que ce n'étaient pas les droits et la protection des personnes qui étaient atteints depuis que le processus de déshospitalisation s'est radicalisé ces dernières années, mais le droit de la personne d'être soigné avec les moyens qu'un médecin responsable lui a indiqué - en accord dans la majorité des cas avec le patient lui même et avec la famille. Si la façon dont l'Etat traite la question des HDT paraît assez désinvolte, il faut se demander quelle part de responsabilité peuvent avoir les médecins et les soignants qui, dans leur grande ambivalence, semblent avoir définitivement accepté le processus de désinstitutionnalisation."


    Voici enfin un discours pertinent.
    La vulgarisation psychiatrique abuse de la synecdoque: tout est dans tout et réciproquement et toute la psychiatrie serait désormais incluse dans deux ou trois concepts clefs. Nous avons besoin de nouveaux glossaires psychiatriques. Combien de conférences pseudo psychiatriques ne subissons-nous pas consacrées à la dépression ceci et la dépression cela.
    On peut cependant critiquer le texte assez brillant de notre collègue. Ainsi la critique de la démocratisation du savoir psychiatrique me paraît mal venue. Dès lors que des corpus psychiatriques de qualité sont partagés avec le grand public il en résulte de meilleures relations dans les consultations. Beaucoup de patients arrivent chez nous avec des diagnostics élaborés grâce aux revues et surtout grâce à la magie d'internet! J'y vois seulement un progrès de la civilisation!
    Les psychiatres aiment à moquer les fonctionnaires et les administrateurs. Mais la critique systématique est parfaitement poujadiste. Un Parchappe autrefois en 1841 en qualité d'Inspecteur général des asiles d'aliénés et du service sanitaire des prisons ou bien un stagiaire de l'ENA dessinant aujourd'hui un projet pour un service peut fort bien valoir deux psychiatres. Quand nos grands collègues de jadis étaient à la fois psychiatres et médecins directeurs d'hôpitaux les résultats étaient contestables.
    L'auteur reprend cette antienne si familière au consensus mou: la pénurie de soignants en psychiatrie. Il rappelle l'observation du ministère: "Il y a trop de psychiatres en France. Notre pays est parmi les mieux doté en nombre de psychiatres. Il nous faudrait dit-on rester au niveau de la fourchette haute des normes" Et bien, selon moi, le ministère a raison. La pénurie des psychiatres et des infirmiers est patente dans les hôpitaux psychiatriques mais elle n'existe pas dans le pays.
    Quant au discours critique à l'encontre des laboratoires il est totalement irrationnel. Notons à cet égard combien les discours les plus incendiaires proviennent des seuls milieux, les médecins hospitaliers, que les laboratoires chérissent et gratifient de préférence! Notre avenir se construira très légitimement avec les services de recherche et de distribution des laboratoires pharmaceutiques.
    Le rappel utile du Dr Place à propos des taux d'hospitalisation effectuées en psychiatrie générale confirme selon moi l'échec de la loi de 1990. Il est juste à cet égard d'en faire porter le poids de la faute aussi bien à l'Etat qu'à nos collègues.
    Dans tous les cas j'ai trouvé l'exposé du Dr Place tout à fait intéressant. Il met en lumière des faits qu'on n'aime sans doute pas dire. Le public des psychiatres n'aime pas la vérité! Il naît dans ce milieu exalté une censure qui ne dit pas son nom. Nous en sortirons en nommant avec plus de précision les concepts utiles: nous avons aujourd'hui un grand besoin de définition et de glossaire.

    Quelques réflexions complémentaires:
    Autre réflexion: la disparition des lits psychiatriques est la conséquence des demandes insistantes des psychiatres de secteur depuis 30 ans de fermer les hôpitaux au profit de l'extrahospitalier!
    Autre réflexion: la question des "externements"! Beaucoup de collègues déçus sont ceux-là mêmes qui ont réclamé la mort de la loi de 1838 et qui aujourd'hui constatent les insuffisances de la loi de 1990!
    Enfin, last but not least, tous ceux qui se plaignent des DSM et des CIM dans des slogans incantatoires à l'adresse de l'état, à tous ceux là nous voudrions dire que c'est aux psychiatres eux-mêmes de dire quel usage ils veulent faire des classifications et des manuels. Quant à moi je conseille d'ordinaire à mes collègues experts et sapiteurs psychiatres de toujours prendre en compte simultanément les trois grandes classifications, celle de l'INSERM, du DSM et de la CIM qui ont toutes trois un grand intérêt. Ceci n'interdit pas de temps à autre de porter un jugement sévère sur un certain simplisme de l'athéorisme du DSM.

    Quelle est ma conclusion?
    J'aperçois dans tout cela la grande pesanteur des corporatismes et du passéisme. Comment s'y opposer? Le secteur public et les psychiatres libéraux doivent absolument apprendre à dialoguer les uns avec les autres! Ceux qui fréquentent colloques et congrès sont surpris d'observer des regroupements par affinités. Il arrive même qu'une table réunisse les psychiatres du même service dans une sorte de mouvement de repli communautaire. Tout cela est surprenant. On peut espérer que les psychiatres apprécient mieux l'importance de la parole et du dialogue. Ainsi pourraient-ils s'entraider les uns les autres et compenser à la faveur d'apports réciproques les carences dans telle ou telle institution psychiatrique. Je crois me souvenir par exemple que l'Etat de New-York avait demandé aux praticiens de consacrer chaque semaine deux après-midi de leur temps aux services publics.
   
   

DES PROJETS

    Je forme très prudemment un projet de groupe de discussion ouvert aux seuls spécialistes de la psychopathologie. Je réfléchis aux conditions suivantes: un groupe de niveau universitaire, le respect des règles démocratiques de la discussion scientifique ce qui exclut les spécialistes de la vocifération. Je songe à des conditions d'échanges très différentes de la plupart des groupes de discussion sur la santé mentale apparus récemment sur le net. Tout ceci requiert patience et méthode. Vous serez tenus au courant
    Adresse future du groupe: BulletindePsychiatrie
    Envoyer un message: BulletindePsychiatrie@yahoogroupes.fr
    S'inscrire: BulletindePsychiatrie-subscribe@yahoogroupes.fr
    Désinscription: BulletindePsychiatrie-unsubscribe@yahoogroupes.fr
    Fondateur de la liste: BulletindePsychiatrie-owner@yahoogroupes.fr
    (c'est à dire le Dr Ludwig Fineltain)

Le jeu concours

    Les gagnants ont reçu le livre: «Glossaire Psychiatrique» (Dr L.Fineltain, éd.Frison-Roche) ou le CD comprenant la gravure de la totalité des numéros du «Bulletin de Psychiatrie». Les questions: 1-Qui et quand? Invention de la chlorpromazine ou 4560RP ou Largactil? 2-Qui inventa le concept d'athymhormie? 3-Qui inventa le concept de "praecox gefühl"? 4-Qui inventa le concept de schizophasie? 5-Quelles sont donc les 3 significations du mot glossolalie? Bilan: 3 réponses justes = le CD … 4 réponses justes = le livre. Il y a eu 2 gagnants!
    Réponses au concours du 24.04.04
    1-Qui et quand? Invention de la chlorpromazine ou 4560RP ou Largactil? Chlorpromazine. Chef de file des neuroleptiques phénothiaziniques, toute première molécule découverte et prototype de tous les neuroleptiques ultérieurs. Découvert par Courvoisier et Ducrot le 3.10.1950 puis décrit le 18.06.52. Cette molécule fut explorée parmi les antiamariles, puis les antihistaminiques puis enfin comme anesthésique par Laborit et Huguenard. L'étude du 4560 RP synthétisé par Charpentier le 11.12.50 a été confiée à Mme Courvoisier puis à Delay et Deniker qui dès février 1952 en démontrent les mérites psychiatriques. La chlorpromazine comme modèle permit de jeter les bases d'une pharmacologie prévisionnelle.
    Cela passe donc par les mains de Courvoisier et Ducrot le 3.10.1950 et celles de Charpentier le 11.12.50
    2-Qui inventa le concept d'athymhormie? L'élégant néologisme de Guiraud, l'athymhormie, a souffert de la comparaison avec la "perte de l'élan vital" de Minkowski qui était plus élégant. L’athymhormie de Guiraud (du grec thymos humeur et hormè élan vital). Fléchissement de l'affectivité et perte de l'élan vital, absence de peine, conduite dévitalisée des schizophrènes. Le sujet paraît indifférent aux émotions, aux joies comme aux peines.
    3-Qui inventa le concept de "praecox gefühl"? Praecox gefuhl de Rumke. Perception intuitive d'emblée du diagnostic de psychose schizophrénique.
    4-Qui inventa le concept de schizophasie? Kraepelin Schizophasie. C'est un langage désorganisé, hermétique, véritable "salade de mots" unissant les néologismes à l'incohérence syntaxique. Elle est pathognomonique de la schizophrénie.
    5-Quelles sont donc les 3 significations du mot glossolalie?
    a. Langage jargonné (néologismes) de certains schizophrènes
    b. Le don des langues. Actes II.4 : le don des langues, le Saint Esprit, le jour de la Pentecôte
    c. Parler en langues (glossolalie) C'est l'un des trois critères retenus par le Rituel Romain pour affirmer l'existence d'une possession la faculté du possédé de parler des langues étrangères sans jamais les avoir apprises
   



Dr Ludwig Fineltain